Transparence de la consommation d’énergie : les nouvelles obligations des propriétaires

Juridique
Transparence consommation d'énergie

Vers une consommation d’énergie raisonnable pour les propriétaires comme pour les locataires ? Hé oui ! À partir du 1er janvier 2022, toutes les copropriétés seront soumises à une nouvelle obligation. Elles devront fournir à chaque propriétaire des données très précises sur leur consommation individuelle d’énergie. L’obligation concerne le chauffage, la consommation d’eau chaude et -le cas échéant- la climatisation.

Quelles en sont les conséquences pour les propriétaires et les locataires ? Plus de transparence pour tous répond Hervé Soulard. À la tête d’un cabinet gérant plusieurs syndics de copropriété, Hervé Soulard nous explique la portée de cette nouvelle législation.

 

Consommation d’énergie : ce qui change

COOLOC : Quelles innovations porte ce nouveau texte législatif ?

Hervé Soulard : Jusqu’à présent, les relevés de consommation d’énergie étaient annuels. Le nouvel article 6-2 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs impose maintenant un relevé mensuel. L’obligation concerne les copropriétés. Cette transparence de la consommation d’énergie se répercute sur les propriétaires, et, donc sur les locataires.

Nous attendons encore des textes d’application plus précis. Mais nous avons déjà une indication générale. Nous devons mettre à disposition de tous les propriétaires des informations précises sur les consommations passées.

Concrètement, que se passe-t-il ? Cela concerne les copropriétés dotées d’équipements collectifs concernant le chauffage, l’eau chaude ou la climatisation. Cette installation est adossée à un exploitant en énergie. Il peut s’agir d’un acteur important comme Engie ou Dalkia. Mais la loi s’applique à tous. Y compris aux artisans qui s’occupent de la maintenance d’immeubles de moins grande taille. Tous doivent désormais disposer d’une ingénierie interne permettant de fournir ces données de consommation.

 

Plus de transparence dans les échanges entre propriétaires et locataires

COOLOC : Quels sont les objectifs recherchés avec ce texte ?

Hervé Soulard : Le premier objectif est d’aller vers plus de transparence sur le montant des charges. Ce que tout le monde réclamait. Du propriétaire vis-à-vis d’une copropriété, à la copropriété à l’égard de l’exploitant de l’installation de chaufferie, en passant par les locataires à leur propriétaire… Chacun demande à payer le prix réel de ce qu’il consomme, ce qui signifie, pour tous, d’être transparent.

Les locataires n’admettent plus qu’on leur transmette la globalité de leur consommation d’énergie sur un an. Ils veulent maintenant des preuves tangibles de ce qu’ils ont réellement consommé. Ils demandent aussi le montant unitaire de l’énergie afin de calculer leur consommation. Le système de télé-relèves permet aujourd’hui de suivre de manière régulière ces consommations.

Le deuxième objectif est de se rendre compte de ses consommations. Propriétaires et locataires peuvent adapter leur consommation en énergie pour adopter un comportement plus vertueux et réaliser des économies d’énergie.

Enfin, obtenir une information régulière et fiable de sa consommation d’énergie permet d’éviter les contentieux. En effet, si un propriétaire donne des montants de charges arrondis ou forfaitaires, car il n’a pas d’autres moyens de vérifier la consommation, le locataire peut être tenté de les contester et d’entamer une négociation. Mais avec des relevés précis, mensualisés, digitalisés, on peut restituer au locataire précisément ce qu’il a consommé. Cela évite les risques de négociation ou de contestation. Le propriétaire récupère plus facilement ses charges. Et cela améliore la relation propriétaire – locataire.

 

La responsabilité du propriétaire face à la consommation d’énergie

COOLOC : Quels sont les implications au regard du Diagnostic de Performance Energétique ?

Hervé Soulard : Grâce aux informations obtenues mensuellement, le locataire peut vérifier que son niveau de consommation reste conforme au diagnostic de performance énergétique (DPE). Si ce dernier comporte des erreurs ou ne correspond pas à la consommation effective, la responsabilité du propriétaire peut être engagée.

 

Individualiser la consommation en cas de chauffage collectif, comment faire ?

COOLOC : Comment donner une information précise sur la consommation individuelle dans une copropriété dotée d’un chauffage collectif ?

Même si votre immeuble est alimenté par un chauffage collectif, individualiser en partie votre consommation reste possible. Il suffit d’utiliser des robinets thermostatiques ou des robinets de réglages de vos radiateurs. C’est possible notamment dans les immeubles équipés soit de compteurs d’énergie individuel, soit de répartiteurs de calories. Dans les immeubles récents, vous pouvez avoir une boucle de chauffage qui entre sur votre palier, alimente vos différents radiateurs et ressort sur le palier. On peut alors poser un appareil qui mesure la température de votre tuyau de chauffage à l’entrée et à la sortie et donc la différence de calories. Cela permet de calculer le nombre de calories utilisées par chaque appartement dans un immeuble à chauffage collectif sur l’année.

Quand le chauffage est plus ancien, avec des tuyaux verticaux, vous pouvez utiliser un répartiteur. Cet appareil -fixé sur vos radiateurs – va mesurer la quantité de chaleur émise. Il permet de prendre en compte votre consommation selon que vous fermez votre radiateur pour avoir moins chaud ou que vous le laissez allumé.

Même si la différence de consommation ne porte que sur quelques degrés, ce n’est pas négligeable. Un degré de température de différence correspond à 7% de la consommation d’énergie. Dans certains logements occupés par des personnes âgées, la température est de 21-22°. D’autres préfèrent une température de 19°. Il ne s’agit que de 3° de différence, mais cela représente 21% de la consommation, ce qui commence à devenir significatif.

Il en va de même pour la consommation d’eau chaude. Les compteurs d’eau équipés de têtes émettrices vous permettent de suivre votre consommation d’eau même si vous n’occupez pas le logement. Or connaître votre consommation peut vous faire changer de comportement.

 

Résoudre la question de la régularisation des charges

COOLOC : Jusque-là, des locataires pouvaient se plaindre de payer la consommation des occupants précédents

Hervé Soulard : En effet. De même, l’acquéreur d’un appartement en plein hiver pouvait également se retrouver à payer une partie de la consommation de son prédécesseur, le propriétaire va pouvoir régulariser avec certitude les provisions de charge demandées. Le locataire va d’abord payer des provisions à son propriétaire pour avancer sa consommation individuelle. Avec la mensualisation des relevés, le propriétaire pourra facilement – et de façon beaucoup plus précise – régulariser les provisions.

 

COOLOC : Que faire s’il n’y a pas de régularisation ?

Hervé Soulard : Cela peut arriver cependant dans 2 cas de figure :

  • Soit le bail ne prévoit pas de régularisation, uniquement un montant de charge forfaitaire et non ré-ajustable.
  • Soit le propriétaire n’est pas en mesure de réajuster et il y a un risque de contentieux. En effet, le locataire veut payer une somme juste et non un forfait.

Mais c’est rare. En général, le bail prévoit une régularisation.

 

Davantage de transparence… et de complexité

Hervé Soulard : Avec ce nouveau texte de loi, en revanche, les informations à fournir sont de plus en plus précises. Cela devient plus compliqué pour le propriétaire. Ce dernier va recevoir de la copropriété des informations mensuelles sur le coût et les quantités d’énergie utilisées par le logement. Cela suppose une maîtrise juridique et comptable de ces données.

Il s’agit certes d’un pas vers plus de transparence. Mais c’est aussi un niveau de complexité en plus introduit dans les rapports entre propriétaires et locataires.

Or, d’une manière générale, plus on introduit de normes et de complexités dans un domaine, plus cela oblige à avoir recours à des professionnels, agents immobilier ou administrateurs de biens. Cette obligation de rendre transparente la consommation d’énergie imposée aux propriétaires est donc un pas de plus pour rendre plus transparent et fiable le rôle de ces intermédiaires.

 

Pour ne rien rater de nos conseils sur la gestion de votre co-location, consultez la rubrique “Vie quotidienne” de votre magazine COOLOC. Et inscrivez-vous à notre newsletter pour rester informé(e) de la publication de nouveaux articles !

Crédit photo: Samuel McGinity