Rapport Nogal : restaurer la confiance entre locataires et propriétaires

Juridique
Rapport Nogal

Le rapport de l’ancien député Mickaël Nogal « Louer en confiance », paru en juin 2019 n’a pas pris une ride ! Le constat est fort : la confiance entre propriétaires et locataires en France n’existe plus ! Le marché de la location immobilière est loin d’être fluide. En cause, un système qui suscite de plus en plus la méfiance des principaux acteurs.

 

Une tension locative toujours de mise selon le rapport Nogal

En dépit de la loi Elan, votée en octobre 2018, l’accès au logement reste difficile, en particulier dans les zones subissant de fortes tensions.

Pour comprendre les raisons de telles difficultés, qu’aucune loi ou décret n’a jusqu’à présent réussi à aplanir, le député Mickaël Nogal vient de publier le rapport « Louer en confiance » visant à comprendre pourquoi l’accès au logement et la précarité locative sont toujours de mise.

A l’origine, remarque le député, le manque de confiance persiste entre locataires et propriétaires. Côté propriétaires, on craint de louer son bien à un ou des locataires peu soigneux, susceptibles de le dégrader. Ce qui explique la tradition persistante du dépôt de garantie, équivalent à un mois de loyer (deux mois de loyer en meublé). Mais sa restitution est souvent source de conflits entre propriétaires et locataires : 6 000 à 8 000 affaires de restitution de dépôt de garantie sont traitées par les tribunaux chaque année.

L’autre crainte majeure des propriétaires porte sur l’incapacité des locataires à payer le loyer. Les assurances loyers impayés, appelées garanties loyers impayés ou GLI, pourraient apporter une solution satisfaisante. Mais les conditions qu’elles exigent sont tellement drastiques qu’elles n’ont jusqu’ici séduit que 10% des propriétaires.

Côté locataires, les exigences pour accéder à un logement ne cessent de croître : un salaire équivalent à au moins 3 fois le montant du loyer, un garant pouvant assumer ces loyers en plus de ses propres charges, une caution bancaire, etc. Or, dans la réalité, la situation des actifs ne suit pas. Les free lance, par exemple, ne sont pas salariés et n’ont donc pas de contrat de travail. Ils peuvent très bien gagner leur vie mais ils ont du mal à être pris en considération. De même, certains locataires n’ont pas dans leur entourage proche de garants susceptibles de se porter caution.

Une solution existe pourtant, souligne le rapport Nogal. Elle devrait permettre de fluidifier ces rapports tendus : l’intervention d’un tiers de confiance professionnel de l’immobilier, en l’occurrence, l’agent immobilier.

 

Une crise de confiance envers les professionnels

Alors qu’ils devraient être les intermédiaires privilégiés entre locataires et propriétaires, les agents immobiliers n’interviennent que dans un tiers des transactions locatives. Le service rendu ne correspondrait-il pas aux besoins des parties concernées ? 

Il est vrai que, pour rassurer les propriétaires, les agents immobiliers ont tendance à être particulièrement exigeants avec les locataires : un CDI, un salaire mensuel équivalent à 3 ou 4 mois de loyer, etc.

Toujours pour rassurer les propriétaires, certains n’hésitent pas non plus à faire preuve de discrimination, rendant encore plus précaire l’accès au logement pour certaines populations.

Une enquête de SOS Racisme publiée en mai 2019 montre que les jeunes actifs portant un nom aux consonances asiatiques, maghrébines ou africaines ont entre 37% et 40% de chance en moins d’accéder à un logement par rapport aux titulaires d’un patronyme français.

La précarité locative est loin d’être rare pour certaines populations. Elles se rabattent sur les offres des marchands de sommeil. Certains se voient contraints de louer des logements qui ne répondent pas aux plus élémentaires critères de décence. L’effondrement de deux immeubles à Marseille ayant entraîné la mort de 8 personnes en novembre 2018 en est la triste illustration.

 

Rétablir la confiance en faisant évoluer le mandat des professionnels

Pour réconcilier locataires et propriétaires, le rapport Nogal propose donc de renforcer le mandat de gestion locative à travers trois nouvelles dispositions :

  • l’administrateur de biens devient responsable du paiement des loyers. Lui-même « sera sécurisé par un type de contrat d’assurance » lui laissant toute liberté dans l’appréciation des risques de solvabilité du locataire.
  • La formation des agents immobiliers doit être améliorée et renforcée, notamment à travers la formation continue. Le député propose même une certification IMMO+ permettant de distinguer les meilleurs administrateurs de bien. Elle permettrait de reconnaître :
    • « la meilleure transparence possible des actes de gestion vis-à-vis du propriétaire ;
    • une relation avec le locataire fondée sur la qualité de l’information, la réactivité et un contact humain personnalisé ; des procédures réactives en matière d’impayés et autres incidents permettant d’engager simultanément et sans le moindre retard un dialogue amiable et les premières étapes vers une procédure contentieuse ; la réactivité face aux demandes de réparation relevant du propriétaire et un conseil de qualité au locataire pour ce qui relève de lui. »
  • Les administrateurs de biens seront enfin davantage contrôlés par les agents des directions départementales de la protection du public (DDPP). Ils veilleront à ce que les agents immobiliers ne se compromettent pas, comme il est déjà arrivé, avec des marchands de sommeil. Ils veilleront aussi à mettre fin à la discrimination dans la sélection des dossiers.

C’est à ces conditions que l’administrateur de biens pourra devenir le tiers de confiance nécessaire à une réconciliation entre propriétaires et locataires.

 

Rassurer les propriétaires sur la récupération de leur bien

Dans son rapport, Mickaël Nogal propose également la création d’un observatoire des impayés. En cas d’impayés, les délais officiels pour expulser un locataire, en France, sont de 7 mois. Dans la réalité, entre recours et lenteurs judiciaires, il faut compter plutôt de 18 à 36 mois. En Angleterre, les délais observés sont de 22 semaines. Le rapport Nogal recommande donc la création d’un «observatoire des délais de traitement des procédures d’expulsion en matière d’habitation ». Cet observatoire aura pour mission de comprendre les raisons de tels délais et les mesures à prendre pour les raccourcir.

 

Suite au rapport Nogal, 3 ans plus tard

« La confiance entre bailleurs et locataires se construit au jour le jour par des comportements mutuellement prévenants, autant qu’elle se détruit facilement. Cette confiance tend à se renforcer mutuellement quand chacun respecte loyalement ses engagements, même implicites. Elle se détruit quand l’un ou l’autre les néglige et incite de ce fait l’autre partie à faire de même.« 

Pour Mickaël Nogal, faire un constat n’est pas suffisant. Et il a préparé pour septembre 2019 un projet de loi reprenant ses différentes propositions. Une première. Aucune loi jusque là ne s’était penchée sur le problème de la gestion locative.

A ce jour, trois ans plus tard, le projet de loi de l’ancien député n’étant pas passé, il a tout de même mis en lumière ce que personne n’avait fait jusque là.

 

Pour tout savoir sur les aspects contractuels et légaux de la co-location, consultez la rubrique “Juridique” du blog de COOLOC. 

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Crédit photo : Antoine Lamielle