L’optimisme pour réussir sa co-location et vice versa

Vie quotidienne
optimisme et colocation

Est-ce que la colocation ne suppose pas une bonne dose d’optimisme pour se lancer ? Est-ce que vivre en colocation rend optimiste ? La colocation incarne une certaine idée du vivre ensemble, avec des personnes parfois très différentes, que nous connaissons peu, voire pas du tout au départ. Un véritable pari sur l’avenir !

Catherine Testa, co-fondatrice de l’Optimisme et auteur de Osez l’Optimisme et Philippe Gabilliet, professeur à l’ESCP, auteur d’Eloge de l’optimisme se sont penchés, chacun à leur manière, sur ces questions.

L’optimisme, véritable moteur de l’action

L’optimisme, ce quasi inconnu…

L’optimisme est fondamental. Et pourtant, aujourd’hui encore, on le connaît bien mal. Une question de culture selon Catherine Testa : « en France si vous dîtes que vous êtes optimiste, vous avez vite fait de vous faire traiter de naïf, de beta. Les gens semblent plus érudits s’ils parlent de crise. Or, j’ai observé qu’autour de moi, les gens qui avaient des projets absolument géniaux et qui réussissaient à les mettre en place étaient des optimistes. Les optimistes se lancent dans des projets constructifs en disant « je sais ce qui se passe, je sais que ce n’est pas gagné. Mais je vais quand même essayer de le faire ». L’optimisme est le prérequis à toute action pour construire la société de demain.»

Catherine Testa parle d’expérience. Après avoir travaillé une dizaine d’années dans le développement durable « où il est sans cesse question de crise environnementale et sociétale » puis dans le digital « qui remet tout en question », elle a finit par se poser une question fondamentale : « qu’est-ce qui allait manquer au monde pour appréhender les grands enjeux de demain ? L’optimisme. Il est nécessaire pour utiliser de façon intelligente le digital et le mettre au service du développement durable et de l’humain ».

… qui gagne ses lettres de noblesse

Depuis une vingtaine d’années, cependant, l’optimisme a meilleure réputation. La recherche s’est penchée sur la question explique Philippe Gabilliet : « dans le sillage de la psychologie positive qui s’intéresse au fonctionnement optimal des gens – pourquoi ils sont bien dans leur peau, pourquoi ils se sentent heureux – l’optimisme fait partie des thématiques de recherche. Il a fait l’objet de nombreux travaux, on commence à le mesurer, à le comprendre. »

Un élément nécessaire pour l’action

Sans optimisme, pas d’action possible affirment-ils. « Le concept clef à la base de l’optimisme est de réagir face à n’importe quelle situation en se demandant : qu’est-ce que je peux faire ? » explique Philippe Gabilliet.

Avec l’optimisme, dit-il, « on est dans une logique d’optimisation. Face aux difficultés de la vie, là où la pensée positive essaie de découvrir l’aspect positif des événements, même les plus douloureux ou les plus dramatiques, l’optimisme les aborde avec l’état d’esprit le plus actif possible. »

Exactement ce qu’observe Catherine Testa, à travers le magazine en ligne L’Optimisme. « L’optimisme est déterminant pour tous ceux qui veulent construire la société de façon différente. Je suis convaincue que les choses changent par la pratique et non par la théorie. L’optimiste, c’est celui qui va essayer, même si ça ne marche pas. L’optimisme est lié à l’action, la confiance et la responsabilité. Nous sommes sans arrêt biberonnés aux scenarii catastrophes. Les optimistes, eux, se demandent comment créer une société meilleure, en se disant : essayons de le faire. Ne nous disons pas que c’est impossible. »

Optimistes mais responsables

Ce qui n’empêche pas d’être responsable. « Les gens ont l’impression d’être impuissants. Or il n’y a rien de pire que l’impuissance, estime Catherine Testa. J’essaie de dire aux gens : vous pouvez oser être optimiste. Au pire ça va marcher. Dans ce cas, le mot oser est aussi fort que le mot optimisme. »

L’idée fait son chemin. De plus en plus, les différentes générations, en particulier celle des 30-40 ans, remarque Catherine Testa, se questionnent : comment puis-je faire ce que je veux vraiment, être utile dans ma vie professionnelle, personnelle, familiale ? « Oser s’interroger, c’est déjà faire preuve d’optimisme.»

Tempéré par une dose de pessimisme

L’optimisme, explique Philippe Gabilliet, doit guider l’action, mais avec la dose de pessimisme nécessaire qui lui permet de voir la réalité en face. « Le psychiatre Christophe André disait que, dans le fond, être optimiste, c’est à la fois avoir confiance dans l’avenir avec la conviction qu’en cas de difficulté ou de problème, on trouvera la ressource pour réagir. L’optimisme implique un sentiment de confiance. Il a conscience de sa propre capacité d’action sur les événements. Il est très dur d’être optimiste sans être confiant. Et c’est encore plus difficile si nous pensons que tout nous échappe. L’optimisme se nourrit de la confiance et de la conscience de sa capacité d’action. »

 

Nait-on optimiste ou le devient-on ?

Nous naissons tous optimistes, explique Philippe Gabilliet. Il s’agit d’un génome, baptisé circuit de l’espoir, « hope circuit ». C’est lui qui permet à un cerveau humain d’élaborer des buts, des espérances, des solutions pour s’en sortir.

Il va cependant être paramétré pendant les 15 premières années de notre vie selon les événements vécus, l’éducation, la biochimie… A l’âge adulte, chacun a créé son propre rapport à l’optimisme et au pessimisme.

A l’arrivée, quatre grandes catégories de personnes se distinguent : 

  • optimistes forts/ pessimistes faibles, qui sont volontiers qualifiés d’optimistes ;
  • pessimistes forts/ optimistes faibles, considérés comme pessimistes ;
  • optimistes faibles et pessimiste faibles. Ils font preuve d’apathie, d’indifférence, de cynisme ;
  • pessimistes forts/ optimistes forts. Ces derniers sont très fortement marqués par un espoir fort, mais aussi une vigilance forte. Ce sont des traits que l’on retrouve chez les entrepreneurs, les aventuriers. Ils ont la capacité de se lancer. Mais ils sont tout aussi capables de gérer les risques. Ils ne se laissent pas surprendre. Ils imaginent des solutions de rechange.

 

L’optimisme : plus facile à plusieurs – par exemple en co-location ?

La colocation pour apprendre l’optimisme ?

Tout serait-il joué d’avance ? Non, il est toujours possible d’évoluer rassure Catherine Testa. « Il existe une sorte d’effet d’influence. On dit souvent que nous sommes la somme des 5 personnes les plus proches. » Conclusion : il suffit que vous ayez dans votre entourage proche des personnes plutôt pessimistes pour que votre approche de la vie et de l’environnement soit assez sombre. Mais l’inverse est vrai aussi.

Est-ce que vivre en co-location permet de changer tout cela ? Oui répond-elle. «Mettez un pessimiste au milieu de gens optimistes, son regard va changer, évoluer. Il deviendra plus optimiste. »

D’autant plus qu’en co-location, il est nécessaire de jeter le masque. « Personnellement, j’ai beaucoup vécu en colocation, raconte Catherine Testa. Et mes anciens colocataires sont devenus des amis très proches. En colocation, il est impossible de jouer un rôle en permanence. J’adore la colocation pour cet état de vulnérabilité dans lequel elle nous met. Cela demande beaucoup d’empathie et d’aimer d’amitié d’autres personnes, qui ne nous ressemblent pas.»

 

L’empathie pour cultiver l’optimisme

Et l’empathie éprouvée en colocation pourrait vous rendre plus optimiste. Car elle vous fera du bien, c’est scientifiquement prouvé. « On sait que donner rend heureux, rappelle Catherine Testa. Quand vous êtes en colocation avec quelqu’un qui ne va pas bien, vous lui donnez de votre temps. Cela l’aide à résoudre son problème, à grandir et à s’en sortir. Et cela vous aide vous aussi, car vous vous rendez compte de votre petite contribution. Une colocation, c’est toujours donnant – donnant à tous les niveaux. Pour moi, la colocation permet la mixité, l’inclusivité, tout ce que prône l’optimisme. L’idée derrière la colocation est que l’on est plus fort ensemble que seul. La co-location en soi est un moyen d’agir, de créer ensemble un environnement vivant, qui bouge, qui casse la solitude et la notion de possession.»

 

L’optimisme est-il nécessaire pour réussir sa colocation ?

La colocation permet l’optimisme, mais c’est aussi une mise à l’épreuve de ce même optimisme. « C’est une espèce de microcosme de la vie adulte, observe Philippe Gabilliet. C’est un univers dans lequel nous choisissons une partie des éléments, mais pas tous. Il va falloir en permanence négocier, non pas avec les autres, mais avec soi-même. Remettre en question ses propres certitudes, ses exigences. Avec les autres, bien sûr, car il s’agit d’une vie en communauté, mais aussi avec ce que j’appelle le travail avec l’inconscient environnemental : le décor, l’environnement… »

« Ma fille s’est retrouvée en co-location dans une chambre toute petite. Sa première réaction était de dire « ce n’est pas possible, je peux pas rester là ».  Trois jours après, elle avait repeint la pièce, mis de l’ordre, accroché ses photos, et son discours avait complètement changé :  “je suis vraiment bien, je ne me vois pas partir” nous a-t-elle dit. L’optimisme en colocation, c’est aborder la situation en se disant : « je vais faire du mieux que je peux dans ce contexte. Comment faire pour que je m’y sente bien le temps que je vais y passer ». Cela signifie donc de réaliser ce travail sur soi. »

Sans renoncer pour autant à une certaine dose de réalisme. : Qu’est-ce que je peux changer et avec quoi vais-je devoir composer ? Et comment capitaliser sur ce qui fonctionne bien ?  La question se pose par exemple avec les co-locataires : comment vivre avec des gens ayant des modes de fonctionnement différents des miens ? 

 

L’optimisme pour vivre avec ses co-locataires et soi-même

« Il se peut que quelque chose vous gêne chez vos co-locataires. Mais il est illusoire de croire que vous pourrez les changer.» L’optimisme, c’est donc une école de l’optimisation du réel. Cela nécessite de la créativité et un minimum de bienveillance.

Bien sûr, les choses peuvent apparaître autrement. Nous pouvons toujours croire que nous avons les bonnes méthodes, les bonnes manières de faire. Et nous pouvons avoir l’impression de jouer de malchance et de ne tomber que sur des abrutis. Si l’on croise un abruti, cela peut arriver, mais si c’est récurrent, il est nécessaire de se remettre en question. Or, conclut Philippe Gabilliet, nous nous posons rarement la question de base : « comment est-ce de vivre avec moi ? » Et là, c’est la co-location qui vous apportera la réponse !

Philippe Gabilliet, Eloge de l’optimisme, éditions J’ai Lu 2018

Catherine Testa, Osez l’Optimisme, éditions Michel Lafon, 2019

 

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Crédit photo : Samuel McGinity