La télémédecine… plus que jamais nécessaire !
La télémédecine est en plein essor. Un essor accéléré par le Covid 19, et les difficultés rencontrées par la médecine de proximité. Et c’est une excellente nouvelle, tant elle est nécessaire et primordiale pour sauver des vies. De nombreux médecins et patients l’appellent de leurs vœux dans les déserts médicaux, en France mais aussi de tous les endroits du monde où l’accès à des soins de santé est compliqué, voire impossible.
Les initiatives permettant d’affiner la pratique existent et même se multiplient. Elles commencent même à convaincre des médecins habituellement sceptiques face à la télémédecine.
La télémédecine : une pratique médicale récente mais régulée
Certains pays comme l’Inde ont mis en place de véritables réseaux de télémédecine dès le début des années 2000. En France, en revanche, il a fallu attendre 2009 et la loi « HPST » (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) pour obtenir une définition réglementaire de la télémédecine comme une « forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Elle répertorie cinq actes de télémédecine :
- La téléconsultation permet à un professionnel médical de donner une consultation à distance par l’intermédiaire des technologies de l’information et de la communication. A travers l’échange entre patient et médecin, ce dernier procède à une évaluation globale du patient.
- La télé-expertise consiste pour un professionnel médical à solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux.
- Avec la télésurveillance, le professionnel interprète à distance les données recueillies par son patient ou l’entourage de ce dernier.
- A travers la téléassistance, un professionnel médical peut en assister un autre à distance pour la réalisation d’un acte médical.
- Enfin, la régulation qui est la gestion des appels téléphoniques passés aux urgences (Samu, centre 15) par des médecins.
Une télémédecine insuffisante
La télémédecine répond-elle pour autant aux besoins des patients et des médecins ? Si 81% des Français rêvent de vivre dans des villages, l’accès limité aux services et notamment aux services de santé représente un frein majeur. Les limites ont rapidement été atteintes dès la première vague du coronavirus. La télémédecine se limite trop souvent à un simple échange par téléphone. L’examen clinique – pourtant fondamental – est impossible. Or en cas d’indisponibilité du médecin, nombre de patients n’ont d’autre solution que de se rendre à l’hôpital. Ce à quoi, par crainte du Covid 19, beaucoup se sont refusés ces derniers temps.
Des patients atteints de pathologies cardiaques ou qui avaient subi une greffe par exemple ont ainsi annulé leurs examens à l’hôpital. A cause de ce manque de suivi médical, certains ont dû être hospitalisés en urgence, avec un pronostic vital engagé !
Un manque d’outils permettant une télé-auscultation
Aujourd’hui – et c’est le principal reproche fait à la télémédecine – il n’existe pas ou peu d’instruments pour une auscultation à distance à l’exception du thermomètre. Chacun peut prendre sa température et la communiquer au médecin. Au-delà, le médecin ne peut que compter sur la description des symptômes du patient pour faire un diagnostic.
Pour l’écoute cardiaque, qui est l’un des gestes fondamentaux de l’auscultation, il existe des stéthoscopes connectés. Mais il s’agit de véritables bijoux high-tech, coûtant au minimum 500€ auxquels il faut ajouter l’abonnement à un logiciel. Ils restent donc hors de portée de la plupart des patients. Ces derniers n’ont pas le choix. Ils doivent faire des visites médicales. Car seule l’expertise du médecin permet de déceler un souffle au cœur ou une tachycardie.
« L’un de mes proches, raconte Cyrille Lecroq, fondateur de la start-up WeMed, souffre de fibrillation, un trouble du rythme cardiaque. Il doit donc se faire contrôler régulièrement par son médecin. Auparavant, il avait l’habitude de beaucoup voyager. Mais ce n’est plus possible aujourd’hui. Aucun dispositif ne lui permet de mesurer son activité cardiaque à distance et d’envoyer les résultats à son médecin. »
Une crise qui entraîne des innovations
C’est dans ce contexte de crise et de manque qu’est né le premier stéthoscope connecté et surtout accessible, le Skop. L’idée est née au cours d’une conversation entre Cyrille Lecroq, ingénieur travaillant en recherche et développement, et son épouse, infirmière aux urgences dans l’hôpital d’une petite ville de Normandie.
COOLOC : D’où est venue l’idée du Skope ?
Cyrille Lecroq : Lors de la première vague du Covid, étant confiné à la maison comme tout le monde, j’ai voulu aider mon épouse et ses collègues débordés. Mon épouse m’a expliqué que beaucoup de patients atteints par le Covid qui venaient aux urgences étaient renvoyés chez eux, soit parce que leur état ne nécessitait pas d’hospitalisation, soit parce qu’il n’y avait plus de lit disponible. Il n’y avait aucun suivi. A cette époque, on commençait à s’apercevoir qu’entre le 7e et le 11e jour, un état très bénin pouvait basculer dans un état pathologique grave.
Comme je parlais de télémédecine, mon épouse m’a expliqué que cela ne servait pas à grand-chose. Partant de ce constat, je me suis dit que j’allais arriver à fabriquer un stéthoscope à la maison avec ce que j’avais sous la main et qui serait facilement reproductible. Au départ, je pensais à un stéthoscope imprimé en 3D auquel on viendrait connecter un kit piéton. J’en ai parlé dans un groupe de connaissances et de médecins sur Facebook. Très rapidement, des médecins, des journaux et même l’Elysée m’ont contacté pour en savoir plus. Mais l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, l’ANSM, m’a expliqué que mon idée ne pouvait être considérée comme un dispositif médical ni être utilisée par un médecin. En effet, avec l’impression 3D, les matériels utilisés ainsi que les machines ne sont pas les mêmes.
J’ai donc créé un prototype. Un ancien collègue designer m’a proposé de rendre mon prototype plus ergonomique et plus esthétique. Nous avons fait de nombreux essais. J’ai passé du temps la chemise ouverte à faire écouter mon cœur à distance à des médecins. Au bout de 15 jour le Skop est né.
Des résultats qui dépassent les espérances
COOLOC : Quels sont les résultats obtenus ?
Cyrille Lecroq : Notre objectif avec le Skop, c’est qu’un médecin entende votre cœur et vos poumons qu’il soit avec vous dans son cabinet ou à distance. En termes de qualité acoustique et de captation de fréquence, il est apparu que le Skop était 37% supérieur à un stéthoscope classique. Il permet d’entendre le bruit de l’artère carotide ou l’artère jugulaire, contrairement à un stéthoscope classique. Il permet également d’entendre des souffles très aigus pour des pathologies comme la mucoviscidose.
Je suis le premier surpris par la qualité acoustique. Nous avons travaillé dur pour mettre au point un dispositif équivalent au stéthoscope classique. Mais la structure mécanique du Skop permet d’obtenir un degré de qualité supérieure.
S’inspirer de la nature
COOLOC : Comment y êtes-vous parvenu ?
Cyrille Lecroq : À l’instar des grands penseurs humanistes, et notamment de Léonard de Vinci, je me suis inspiré de la nature. Je suis parti sur une forme d’entonnoir mais pour avoir une bonne captation des sons, il devait faire 19 cm de long. Je me suis alors demandé ce qui est en forme d’entonnoir et compact : c’est le cas de l’oreille interne qui permet le traitement du signal sonore jusqu’au nerf auditif. Le Skop est donc inspiré du mécanisme de l’oreille interne : c’est une membrane qui joue le rôle du tympan et une cochlée (ndlr : organe creux de l’oreille interne en forme d’escargot qui constitue la dernière étape de l’intégration du son avant le nerf auditif) qui va transmettre et amplifier le son pour que le microphone du Skop, qui joue le rôle du nerf auditif, puisse capter ces fréquences.
Un produit capable de répondre aux problèmes des déserts médicaux
COOLOC : Quels sont les retours sur le Skop ?
Cyrille Lecroq : Assez rapidement, plusieurs personnes ont rejoint le projet de façon bénévole. Au bout de 15 jours d’essais, nous avons mis au point un produit qui pouvait potentiellement sauver des gens. Je recevais des appels d’Australie, de Polynésie, du Canada, de tous les endroits du monde confrontés à des déserts médicaux.
Je ne savais plus comment faire pour répondre aux besoins. Nous avons d’abord monté une association, Skop 3D. Mais l’ANSM nous a expliqué qu’une association ne pouvait fabriquer et distribuer du matériel médical. Le seul moyen de répondre aux demandes était de devenir une entreprise. Nous nous sommes professionnalisés d’un seul coup, tant pour l’élaboration du design que pour la partie réglementaire. Nous avons commencé à formaliser le cahier des charges sur la conception du produit. C’est ainsi que nous avons créé WeMed. L’entreprise permet d’assumer la responsabilité juridique auprès de l’ANSM et de la Haute Autorité de Santé, peut prétendre aux normes ISO et obtenir un certificat de conformité aux normes européennes CE…
Des normes extrêmement contraignantes
COOLOC : Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?
Cyrille Lecroq : En Europe, et donc en France, les réglementations médicales sont extrêmement strictes. Tout matériel médical – même ceux qui, comme le Skop, ne présentent aucun danger a priori – est soumis à des phases de tests et de passages en laboratoire.
Ainsi, le Skop ne reçoit aucun courant électrique externe. L’énergie électrique du dispositif est produite par le bruit à travers une membrane reliée au téléphone. Nous avons cependant l’obligation de faire qualifier ce dispositif par un laboratoire indépendant pour risque électrique, comme tout dispositif connecté à partir de 0 volt, selon les normes européennes.
Les matériaux que nous utilisons sont très courants dans le domaine médical mais nous devons faire qualifier notre produit pour expliquer qu’il n’est pas dangereux pour la santé. Nous avons donc dû procéder à une levée de fonds auprès d’investisseurs et de business angels.
De plus, le dispositif n’étant pas encore reconnu comme un dispositif médical, aucun médecin n’a le droit de dire qu’il l’a testé. Pour obtenir cette autorisation, il faut d’abord déposer une demande auprès de l’ANSM qui va ensuite donner l’autorisation de procéder à des essais cliniques.
Des élus qui cherchent à faire bouger les lignes
COOLOC : Face à l’urgence, vous n’avez pas reçu d’aide du gouvernement ?
Cyrille Lecroq : La députée de ma circonscription ainsi que des sénateurs ont interpellé le gouvernement pour faciliter l’innovation et la mise sur le marché de produits innovants dans les moments de crise. Le gouvernement n’a donné aucune suite pour le moment. Or on sait que les premières victimes du Covid 19 sont des personnes qui ne vont pas consulter leur médecin. Nous avons énormément de demandes. Mais les réglementations ne nous permettent pas d’aller plus vite.
Dans d’autres pays, la situation est plus simple. Le Canada, par exemple, nous a accordé facilement les autorisations d’importation et de mise sur le marché. Le gouvernement canadien accueille à bras ouverts ce dispositif. Là-bas 80% de la population est cantonnée à la frontière américaine. Mais les 20% restants doivent prendre l’avion pour aller voir un médecin. Par ailleurs, pour les pays en voie de développement, où l’accès aux soins est compliqué, nous avons des discussions très constructives avec des ONG.
Des perspectives encourageantes
COOLOC : Quelles sont les perspectives en France ?
Cyrille Lecroq : Les mutuelles et les assurances proposent déjà des services de télémédecine notamment pour les personnes en déplacement. Par exemple, un professionnel souffrant d’une pathologie cardiaque et se déplaçant régulièrement en Chine peut consulter à distance un médecin français et pourra aussi être ausculté. Certains assureurs pensent déjà faire bénéficier leurs clients d’un Skope. Il transcende les frontières sociales – car son prix tournera autour de 50€ – et géographiques car peu importe où l’on se trouve : une personne en Afrique pourra à terme se faire ausculter par un éminent chirurgien cardiaque de la Pitié Salpêtrière !
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Crédit photo : Wemed