Coliving, futur de l’immobilier résidentiel ?

Logement
coliving avenir de l'immobilier

Le coliving serait-il l’avenir de l’immobilier … et de la colocation ? En 2018, le secteur en est à ses balbutiements. Pourtant, le bureau d’études sectorielles Xerfi sent la tendance monter et lui consacre une première étude complète. Une deuxième étude est publiée fin 2020 sous la direction de Vincent Desruelles. Elle dresse un panorama du secteur pour les années à venir. Pour Xerfi, il n’y a aucun doute : le coliving est une tendance forte de l’immobilier résidentiel.

 

Un secteur qui a su rapidement se structurer

COOLOC : Pourquoi s’intéresser au coliving ?

Vincent Desruelles : La première étude menée par Xerfi en 2018 était une étude de défrichage. Le concept nous semblait intéressant. Il avait toutes les chances de devenir une tendance importante dans l’immobilier. Cela se confirme aujourd’hui.

A l’époque,Vinci ou Bouygues annonçaient leur intérêt mais sans projet concret. Certains opérateurs comme Sharies n’étaient pas encore actifs. D’autres en étaient au début de leur lancement, comme Colonies ou Babel Community. La Casa, en revanche, était déjà très active. Le secteur s’est complètement structuré en 2 ans avec l’arrivée massive d’investisseurs pour participer au développement des structures et des offres de coliving. Et ce n’est que le début.

 

COOLOC : Comment évolue le secteur du coliving dans l’immobilier résidentiel ?

Vincent Desruelles : Actuellement, le co-living concerne majoritairement des petits espaces. Il se rapproche des colocations dans des maisons qui réunissent entre 10 et 20 personnes. Ces projets sont assez rapides à monter. Un autre modèle, encore minoritaire, est en pleine croissance. Il est représenté par Babel Community. Sharies et Colonies ainsi que les géants Vinci ou Bouygues développent des projets similaires . Il ne s’agit plus de maisons individuelles mais de consacrer un bâtiment entier au coliving, à l’instar du campus Ecla à Palaiseau.

Les formes changent : appartements plus ou moins grands en coliving, studios, chambres à part, chambres partagées. L’espace permet d’insérer une salle de sport, un café, un espace de co-working, un lieu de conférences. Le coliving s’ouvre aux résidents et vers l’extérieur.  Il s’agit de mutualiser ces espaces. Ils deviennent des lieux de passage dans la journée par exemple avec les espaces de co-working. Le soir, on y retrouve les résidents.

Ces modèles sont plus consommateurs en capitaux car les besoins d’aménagement sont plus lourds. Ils devraient voir le jour entre 2021 et 2023. L’offre de coliving pourrait ainsi atteindre 14 500 lits en 2023, contre environ 2 600 en 2020.

 

Des différences – encore – peu sensibles

COOLOC : Quelle est la différence avec la colocation ?

Vincent Desruelles : A l’heure actuelle, les différences ne sont pas immédiatement perceptibles. Le coliving serait une sorte de colocation organisée. Certains opérateurs cependant ont adopté une logique de stricte colocation comme Chez Nestor, qui ne propose pas forcément des espaces communs. Ce type de solution s’adresse plutôt à des étudiants étrangers qui cherchent une solution simple et rapide pour se loger.

Les différences sont ailleurs. Le coliving promet un espace partagé. Il propose aussi une offre de services assez poussée avec un tarif qui comprend tout : charges, abonnement, assurances mais aussi linge de maison, ameublement neuf, livraisons de paniers repas, animation, une salle de projection… C’est aussi, parfois, le cas dans certaines colocations.

En revanche, contrairement à la colocation, on trouve dans le coliving un unique référent du lieu d’habitation, qui prend tout en charge, y compris l’animation du site si celle-ci est prévue.

Le marché de la colocation est moins structuré. C’est un marché qui se développe au gré d’opportunités de la part de propriétaires de grands appartements ou maisons. Ils voient l’intérêt de la colocation pour de grands espaces. Des mouvements apparaissent  à travers l’action d’opérateurs qui cherchent à structurer le marché par affinité. C’est le cas par exemple de la colocation solidaire ou intergénérationnelle.

 

Le coliving, reflet d’une évolution des besoins dans l’immobilier ?

COOLOC : Coliving et colocation témoignent-ils d’une évolution des besoins en matière d’habitat ?

Vincent Desruelles : L’évolution des besoins de l’habitat sont remontés avec force l’année dernière. Pendant le confinement, nous avons constaté l’inadaptation des logements au télétravail, le manque d’ouvertures extérieures… Tous ces mouvements vont guider les évolutions dans la conception future des logements

 

COOLOC : Le coliving et la colocation s’adressent-ils à des publics différents ?

Vincent Desruelles : L’idée commune, derrière la colocation et le coliving, est la mutualisation. Chacun recherche plus d’espace et veut mutualiser les ressources pour vivre dans un cadre plus agréable.

La colocation peut s’appliquer à de nombreux cas : des familles, des familles monoparentales, des seniors. On peut imaginer des colocations liées à des métiers particuliers comme les artisans ou les métiers d’art qui ont besoin d’ateliers et d’espaces. Mais il devient compliqué de faire émerger des modèles économiques. Il y a aussi vraisemblablement une question de freins culturels. Mais des projets apparaissent. À Montreuil, la municipalité a lancé un appel à projets pour une résidence de coliving, un complexe immobilier destiné à de jeunes actifs et à des familles monoparentales. Cela témoigne des réflexions autour de ce concept et des mutualisations possibles : espace puériculture, une crèche, un espace enfants/ parents. Pour les seniors, se mettent en place des initiatives se rapprochant de résidences intergénérationnelles.

 

Le coliving, une adaptation de l’immobilier résidentiel

COOLOC : Colonies aussi commençait à s’intéresser aux familles. Est-ce que le public du coliving est appelé à s’élargir ?

Vincent Desruelles : Il vise plutôt des jeunes actifs, des étudiants. Il est moins adapté aux familles. A priori, on ne s’installe pas en co-living pour des années. C’est un habitat adapté à des phases de transition. Par exemple, un étranger qui arrive dans une nouvelle ville ou un nouveau pays. Le coliving peut intéresser les célibataires, ou les nouveaux célibataires qui ont besoin d’une période d’adaptation…

Les maisons de co-living actuelles peuvent devenir l’adresse principale des résidents. En revanche, les grands espaces de co-living qui comptent plusieurs dizaines – voire centaines – de lits acceptent des séjours plus courts. Le coliving s’adresse maintenant aux entreprises. Il s’oriente vers une logique semi-hôtelière, voire hôtelière. Ces entreprises, jusque-là, avaient généralement recours aux hôtels ou aux appart-hôtels pour leurs cadres en déplacement. Finestate à Paris, par exemple, offre des solutions d’hébergement pour leurs cadres en déplacement.

 

Un produit recherché

COOLOC : A l’heure actuelle, dispose-t-on de données sur le taux de remplissage ?

Vincent Desruelles : Nous ne disposons pas de données précises. Mais le taux de remplissage en France ne semble pas avoir été trop affecté par la pandémie. Peut-être parce que le coliving est encore centré sur de petites colocations, utilisées en logement permanent. Les retours ont été plutôt positifs. On est mieux confiné dans une maison en banlieue parisienne avec un jardin et un barbecue que dans un petit appartement. A priori, la crise sanitaire n’a pas provoqué trop de dégâts en France et les investisseurs croient au modèle.

En revanche, l’un des grands acteurs mondiaux du coliving, Quarters, qui opère principalement en Europe et aux Etats-Unis a dû fermer sa filiale américaine. Quarters y proposait un modèle de coliving très haut de gamme dans de très beaux immeubles. Il s’adressait à une population étrangère en déplacement moyenne et longue durée aux Etats-Unis. Or cette clientèle a disparu avec la crise sanitaire. Aujourd’hui Quarters se recentre sur son développement européen.

C’est le cas de la plupart des grands acteurs du coliving qui visent un développement international. The Collective, qui gère deux espaces à Londres – dont le fameux Old Oak– et un à New York. Il s’implante en Allemagne où sont déjà présents Quarters et Colonies.

Les opérateurs de coliving, en Asie misent sur le gigantisme. D’autres en Amérique latine proposent de vivre dans des décors de rêve ou emblématiques comme Outsite à San Francisco. Le coliving est donc une tendance qui s’impose dans l’immobilier, sous diverses formes certes, mais il témoigne d’une évolution mondiale des modes de vie.

 

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Crédit photo : Samuel McGinity