Vers la transformation des bureaux … en logements ?
La transformation de bureaux en logements à de fortes chances d’être bientôt d’actualité. Ce qui ouvrirait la voie à une autre relation avec le quotidien … et à davantage de résilience.
Vers la généralisation du télétravail ?
Avec le confinement, nombre de salariés sont parvenus à s’adapter – dans l’urgence – au télétravail. Les conditions ne sont pas idéales. Certains ont été obligés d’endosser les casquettes de télé-travailleurs, de maîtres d’école, et de nounou à plein temps… L’expérience semble cependant avoir convaincu, faisant du télétravail une solution pérenne. Chez le constructeur automobile PSA, les métiers qui ne sont pas directement liés à la production pourraient passer en télétravail. Les employés de Twitter qui le souhaitent pourront rester en télétravail, tandis que, chez Google et Facebook, le retour dans les locaux n’est pas prévu avant 2021.
(Re)-découvert avec la crise sanitaire, le travail à la maison n’a rien d’une nouveauté. Il est parfois à la base de l’entreprise. C’est le cas d’entreprises comme Automaticc ou Gitlab, l’éditeur de logiciel libre. Cette dernière emploie plus de 1 200 personnes répartis dans 67 pays. Elle n’a jamais disposé de bureaux, ce qui n’empêche en rien sa croissance. Sa valorisation atteint aujourd’hui les 3 milliards de dollars, après cinq levées de fonds réussies.
Toutes les entreprises sont loin de passer à un tel modèle. En revanche, elles voient les avantages de laisser leurs employés travailler de chez eux. Moins d’espace nécessaire, moins de dépenses en frais généraux … Pour les salariés, les avantages ne sont pas négligeables : moins de temps de transports, une meilleure qualité de vie. Sans oublier que certains profitent pour prendre de l’autonomie dans l’organisation et l’exécution de leurs tâches.
La nouvelle est cependant moins bonne pour le secteur de l’immobilier de bureaux. Que faire de ces m2 de bureaux qui risquent à terme de rester vides ? La transformation des immeubles de bureaux en logements notamment dans les métropoles surpeuplées semble s’imposer !
Réhabiliter des bureaux en logements, une opération logique…
Manque de terrains constructibles, crise du logement, immeubles de bureaux inoccupés… La transformation et la réhabilitation d’immeubles de bureaux en logements permet de résoudre l’équation. Rien qu’en Île-de-France, 450.000 m2 de bureaux sont vacants depuis plus de quatre ans. La moitié seraient transformables en logements. Aussi Action Logement a initié une opération d’envergure. Le groupe va consacrer 1,7 milliard € sur trois ans afin de transformer des locaux vides en habitations.
Les trois quarts des immeubles concernés se situent en région parisienne, dans la petite couronne. Le dernier quart concerne les agglomérations lyonnaise, lilloise et marseillaise. « Ces dossiers représentent au total 300 000 m2 de surface plancher et un potentiel de 5 000 logements d’une surface moyenne de 60 m2» expliquait Alexandre Chirier, directeur de la foncière dédiée du groupe Action Logement dans un article des Echos le 3 mars dernier.
L’objectif est également environnemental « La restructuration d’un immeuble a souvent un coût plus élevé que de la construction neuve […]. Mais elle est plus vertueuse pour l’environnement » rappelle Alexandre Chirier, notamment en termes de production de déchets.
… Mais complexe ?
La transformation d’immeubles de bureaux en logements viables présente cependant des difficultés. Les exigences entre immeubles d’habitation et immeubles de bureaux sont différentes : les espaces sont plus restreints, les escaliers et cages d’ascenseurs plus nombreux. Il est nécessaire d’aménager davantage de gaines, de cuisines et de salles d’eau… Sans oublier que les immeubles de bureaux peuvent avoir été – dès l’origine – mal conçus, par exemple avec une acoustique déplorable…
La réglementation a longtemps été un frein. Au point, notait Thibaud Bourdon, directeur général de CBRE design et projets dans les Echos, que « jusqu’à présent, il était systématiquement plus rentable de détruire un immeuble de bureaux et de le reconstruire pour en faire un immeuble de logements, plutôt que de le transformer ». La loi Elan de 2018 en tient compte. Encourageant la transformation de bureaux en logements, elle a instauré, par exemple un bonus constructibilité – les promoteurs pourront construire 30 % de plus que les gabarits autorisés, contre 10 % jusque-là. Elle vise aussi à la simplification des normes pour faciliter la reconversion… Enfin un propriétaire d’immeuble de bureaux qui vend son bien à un opérateur de logement social reste, en 2020, exonéré de plus-value immobilière.
Tirer parti du volume
Transformer des immeubles de bureaux en logements insiste l’architecte Eric Cassar, fondateur d’Arkhenspaces, présente de nombreux avantages, en particulier une hauteur sous plafond plus importante que dans un immeuble de logement.
« Il faut penser volume et non surface. Ne pas chercher uniquement à occuper la longueur mais aussi la hauteur. Imaginez un espace qui module les niveaux, par exemple un espace où je peux lire ou travailler assis sous mon plafond. L’espace aménagé en dessous forme une sorte de cabane, une autre ambiance. En prenant de la hauteur, j’ai une vue dégagée plongeante sur la pièce. Et même par la fenêtre, la perception est différente. Dans la « cabane » je suis dans l’ombre, plus caché, plus « choyé ». Même dans un petit espace avec une bonne hauteur sous plafond – dès 2,80 m, on peut faire quelque chose- on peut vivre collectivement dans des atmosphères différentes, choisir d’être ensemble ou de s’isoler. Utiliser le volume permet de profiter de l’espace et de la lumière, de jouer sur les contrastes. »
Des logements qui s’adaptent à la vie et au travail
Les modes de vie évoluent, les besoins également. Il est donc nécessaire que les lieux – les bureaux comme le logement – s’adaptent. Si le télétravail est appelé à devenir une réalité pour un nombre croissant de salariés, les logements doivent en tenir compte.
En effet, notait l’essayiste spécialisé dans les marchés financiers Marc Fiorentino dans sa newsletter Meilleurplacement.com du 13 mai dernier, «les détracteurs …du télétravail à outrance pointent en vrac : l’inadéquation des espaces de vie au travail, l’absence de séparation entre vie professionnelle et vie privée, la complexité du management, l’absence de lien social, l’érosion du sentiment d’adhésion à son entreprise ».
De plus, le télétravail ne se prête pas à toutes les tâches. Olivier Sibony professeur en stratégie à HEC et à la London Business School le rappelait – toujours le 13 mai – dans la newsletter Time To Sign Off. «Tout ce qui est formel, organisé, prévu, transactionnel, et bien sûr tout le travail individuel, est « télérobuste » : ça marche généralement bien… Le reste ? C’est l’informel, l’innovant, l’inattendu, le collectif, le développement de nouvelles relations… et tout ça semble nettement plus « téléfragile »».
Un temps de travail éclaté
Plusieurs pistes, dans le contexte du télétravail pourraient donc être explorées. « L’espace de travail est circonscrit par le numérique, estime Eric Cassar. Demain, pour les professions qui ne sont pas en première ligne, je peux avoir le choix de travailler depuis chez moi, dans un espace de coworking ou dans les bureaux de mon entreprise et d’alterner entre ces différents espaces, … » Car la journée même de travail évolue. On peut, et le confinement en témoigne, être amené à effectuer quotidiennement une multitude de tâches, qui entrecoupent le travail, ou préférer travailler en partie en horaires décalés, tard le soir ou tôt le matin. La multiplication des espaces temporaires de travail peut aussi stimuler la créativité, ou les synergies en donnant l’occasion aux salariés de multiplier les rencontres informelles avec d’autres professionnels.
Un espace qui s’adapte aux besoins
Transformer des immeubles de bureaux en logement va dans ce sens selon Eric Cassar. « Si je dois transformer un immeuble de bureaux en logements, je garde quelques plateaux de bureaux afin d’en faire un espace mixte. Des logements et des bureaux dans le même immeuble : il n’y a rien de plus résilient. En cas de crise comme celle que nous vivons, les personnes qui ont besoin de calme ou de sortir de chez elles peuvent occuper une partie des plateaux de bureaux que les entreprises auront libérés. »
« Les frontières entre espace de travail et logement deviennent poreux, pour s’adapter aux besoins des personnes, ajoute l’architecte. Le numérique nous permet d’avoir en temps réel un système qui nous informe sur la disponibilité de l’espace. Mais le système repose aussi sur l’humain. Il est nécessaire que cet espace soit géré par une sorte de chef d’orchestre chargé de la gestion technique, spatiale et servicielle des espaces sur un territoire élargi. Il coordonnerait quotidiennement les travailleurs pour mieux répondre à leurs attentes et à leurs besoins, pour leur suggérer des synergies et pour les soulager des charges logistiques internes et externes. S’il y avait davantage d’espaces transformables de ce type, qui s’adaptent à nos besoins en fonction des moments, nous serions plus résilients ».
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Crédit photo : Samuel McGinity