Paris, hausse de l’attractivité…et des inégalités

Logement
Paris la capitale des inégalités

Paris, capitale attrayante mais aussi capitale des inégalités ? Le prix du m² augmente parallèlement au nombre de foyers en grande difficulté. Et si l’accroissement des inégalités était, en partie, dû à l’attractivité de la capitale ?



Une capitale attractive

Entreprises, investisseurs, pôles de recherche… tout le monde veut venir à Paris. La capitale figure en 2018 juste derrière New York et Londres en termes d’attractivité. Depuis 10 ans, plus d’une centaine d’incubateurs de start-up sont notamment apparus dans la capitale.

Et la sociologie parisienne évolue en conséquence notent les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot : “l’embourgeoisement est évident. Il s’est d’ailleurs accéléré ces dernières années. On constate une montée des professions intermédiaires et supérieures, de 34,5% de la population en 1954 à 71,4% en 2010, tandis que le pourcentage des employés et des ouvriers de la population active habitant Paris a chuté de 65,5% à 28,6%.”

En cause, la désindustrialisation galopante de la capitale : “ Paris était en 1962 une ville industrielle avec 576 000 emplois dans ce secteur. On est tombé à 134 000 en 1989, puis à 80 283 en 2009, selon les estimations de l’Insee. Et il est évident que cela baisse encore.”

Les pouvoirs publics ont également fait évoluer leur démarche, estiment Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot. “Autrefois, les aides publiques finançaient des bailleurs sociaux pour construire du logement bon marché. A partir des années 1970, elles ont financé les individus. » Les ouvriers se sont déplacés en banlieue, pour habiter en maisons individuelles, mais loin de Paris, marquant ainsi le début des inégalités.



Une ville trop petite en superficie

Selon les deux sociologues, un dernier facteur, et non des moindres, participe à cette évolution : “l’évolution du système capitaliste, qui est passé d’une phase industrielle à une phase financiarisée et mondialisée. Le pouvoir d’achat des acteurs de la finance est devenu considérable et leur permet d’acheter les biens dès qu’ils sont mis en vente. Le phénomène est mondialisé à Paris, qui bénéficie d’un capital symbolique incroyable. Tous les multimilliardaires de la planète veulent y avoir un pied-à-terre. Comme c’est une capitale très petite en superficie, il y a une spéculation immobilière énorme, qui majore le coût de l’immobilier. Les logements y sont devenus inaccessibles.”

La population des arrondissements traditionnellement populaires à l’est et au nord de la capitale évoluent. “Des acteurs du design, de l’architecture, des nouvelles technologies, des médias, de la mode, souvent d’origine populaire qui gagnent bien leur vie sont attirés par d’anciens logements ouvriers ou d’anciennes usines réhabilitées. La mixité sociale n’est pas pour autant au rendez-vous. Au contraire, on s’est rendu compte, dans nos études, que la proximité physique a plutôt tendance à exacerber la distance sociale. Les jeunes couples avec de bons salaires qui vivent à la Goutte-d’Or ne se mêlent pas aux familles issues de l’immigration, notamment pour la scolarité. La population blanche va à l’école privée, la population noire à l’école publique. La violence symbolique est toujours là.”



Paris, des inégalités dans le domaine du logement

Conséquence directe : le mètre carré parisien est deux fois plus cher qu’à Lyon, quatre fois plus qu’à Marseille.
“En 10 ans, le loyer moyen d’un deux pièces est passé de 827 euros à 1 062 euros, 1 210 euros à 1 538 euros pour un trois pièces. Le loyer médian d’un trois pièces est aujourd’hui de 1 700 euros. Avec un prix moyen au mètre carré qui a triplé en vingt ans pour atteindre 10 000 euros, l’achat n’est, quant à lui, plus qu’une volupté de fin privilégié : 64% des acheteurs sont des cadres ou des dirigeants d’entreprise. Plus parlant encore : dans 68% des cas, les primo-accédants sont âgés de 35 ans et bénéficient d’un apport moyen de 185 000 euros, majoritairement issu d’un don ou d’un héritage” souligne le candidat à la Mairie de Paris Gaspard Gantzer.

Les classes moyennes et les plus démunis se retrouvent alors confrontés à de grandes difficultés pour se loger. Habiter à Paris coûte de plus en plus cher et le prix de la vie augmente dans des proportions frénétiques. Notamment à cause de nouvelles populations plus aisées qui investissent la ville.



Airbnb exacerbe les inégalités à Paris

Le phénomène Airbnb accentue également la difficulté d’accès au logement. “Dans les 4 premiers arrondissements parisiens, un quart des logements sont devenus des résidences secondaires et touristiques” remarque Ian Brossat, auteur de Airbnb la ville ubérisée et chargé du logement auprès de la maire de Paris, Anne Hidalgo.”Airbnb au départ, c’était louer une chambre chez l’habitant. Aujourd’hui, 90% des annonces parisiennes concernent des appartements entiers, qui, pour beaucoup sont loués toute l’année. Beaucoup de propriétaires achètent des appartements avec, dès le départ, l’intention d’en faire un investissement, une machine à cash, pour le louer à des touristes.”

Pour réguler la situation, la loi Alur de 2014 impose une limite maximum de 120 nuits de location par an. Il ne s’agit pas de s’en prendre à ceux qui louent leur logement. C’est une façon d’améliorer l’ordinaire reconnaît Anne Hidalgo. Un étudiant, un chômeur longue durée en tire des revenus pour payer son loyer. Or 20 000 logements à Paris dépasseraient allègrement ce seuil. Et seuls 40% des logements sur Airbnb disposaient, fin 2018, du numéro d’enregistrement obligatoire autorisant leur location à des touristes de passage.
“Des centaines de milliers de mètres carrés sont ainsi détournés de leur utilité première, alors même que la pénurie fait rage et que les fichiers de demandeurs de logements sociaux ne cessent de s’accroître”, insiste Ian Brossat. L’appât du gain est le plus fort. Ces logements peuvent rapporter deux, trois à quatre fois plus que s’ils étaient loués de manière classique.



Une transformation profonde de la ville

La location touristique serait en train de transformer profondément la ville. L’hôtellerie parisienne – et les emplois qui en dépendent – est en crise. Des immeubles entiers se transforment en hôtels clandestins ; les commerces sont également affectés. Les touristes préfèrent se rendre au supermarché plutôt que chez les épiciers. “Le nombre de commerces qui s’adressent aux touristes augmente tandis que ceux qui s’adressent aux Parisiens se font moins nombreux. Et pour ceux qui résistent vaille que vaille, la décrue des habitants ne facilite pas la tâche” explique Ian Brossat. Il admet cependant que le changement des modes de consommation et l’essor du commerce en ligne peuvent affecter les habitudes de consommation des habitants.

Aujourd’hui, l’économie dite collaborative s’épanouit à travers des plates-formes internationales aux effets secondaires parfois pervers.

Pour lutter contre les inégalités qui se creusent à Paris, l’urgence est de remettre de la solidarité, de l’entraide, bref de l’humanité au sein des questions aussi fondamentales que le logement.



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Crédit photo : Samuel McGinity