Logement pour tous, une tradition à Vienne

Logement
A Vienne, le logement pour tous... et le palais impérial

Le logement pour tous à Vienne est une tradition séculaire. La capitale autrichienne ne se limite pas à ses cafés et à ses valses. C’est également le plus gros bailleur d’Europe, et ce depuis près d’un siècle.

 

A Vienne, près de 25% des habitants vivent en HLM

Aujourd’hui près d’un quart des Viennois vivent dans un HLM destiné aux classes moyennes et populaires. Pour y avoir droit, il suffit d’habiter la ville depuis plus de 2 ans et de gagner moins de 3 317,86€ net par mois.

Les logements sociaux ne manquent pas. La ville en compte 440 000 pour une population de 1,68 million d’habitants. Vienne est ainsi le principal bailleur du continent. La Commission européenne reproche d’ailleurs régulièrement à la ville de fausser la concurrence, en n’attribuant pas les logements selon les règles du marché.

Mais cela évite tout risque de bulle immobilière. Les loyers frisent les 9,60 €/m2, alors qu’ils sont de 26€/m2 à Paris et 16,50€/m² à Munich.

 

En Allemagne, 60% d’augmentation de loyer

En Allemagne, justement, une partie des logements sociaux sont privatisés depuis les années 1990. Les loyers y ont augmenté de 60% en 10 ans. Au point que des habitants demandent le rachat de leur logement par la ville. A Vienne, en revanche, les habitants des logements sociaux déboursent entre 300 et 750€ par mois de loyer, selon la taille de leur habitation.

« Contrairement à beaucoup de villes européennes, nous n’avons pas vendu nos logements communaux, » explique Kathrin Gaal, l’adjointe chargée du logement de la ville de Vienne, au Monde. « Ce qui est particulièrement important à nos yeux, c’est la mixité sociale dans les quartiers. Ici, ce n’est pas comme à Paris ou à Londres. Il est impossible de deviner les revenus des Viennois en fonction de leur adresse. Les contrats de location ne sont pas limités dans le temps, ce qui procure une sécurité supplémentaire aux habitants. » En principe, quiconque a le droit de déposer une demande de logement. « Ainsi on ne crée pas de ghettos ayant une dynamique sociale unique, comme dans les banlieues parisiennes« , explique Walter Matznetter, professeur d’études urbaines à l’université de Vienne.

 

Un rôle historique de la ville

Le rôle de la municipalité dans l’habitat n’est pas récent pour autant.  A la fin de la Première Guerre, les sociaux démocrates au pouvoir entreprennent une ambitieuse politique de logements sociaux destinés aux victimes de la guerre et à la population ouvrière venue en ville à la recherche de travail. Entre 1923 et 1934, “Vienne la rouge” fait sortir de terre à marche forcée, 63 000 logements extrêmement modernes. Les appartements destinés aux prolétaires, lumineux et spacieux, ont des toilettes et une salle de bain. Un moyen de lutter contre la promiscuité, cause de mortalité infantile élevée et de propagation de la tuberculose.

Installés dans de vastes espaces verts, la plupart des 380 immeubles communaux, les Gemeindebauten, ont depuis leur origine des salles de réunion, des bibliothèques, des garderies, des cabinets médicaux, des cafés et des laveries. Déjà à l’époque, on veut faciliter le quotidien des habitants. Une sorte de co-living avant l’heure.

Le financement de ces mesures est simple. Le parti social-démocrate au pouvoir taxe les produits et plaisirs de luxe comme le champagne, les courses hippiques et les visites dans les maisons closes ! Les recettes fiscales obtenues permettent de maintenir des loyers très bas, d’aménager des espaces verts.

L’année 1934 marque la fin de cette époque avec l’arrivée au pouvoir des fascistes autrichiens. Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le programme de logements sociaux reprenne.

 

Vienne, plus gros propriétaire immobilier en Europe

Il reprend en effet…et n’a pas cessé depuis lors. Aujourd’hui, Vienne est le plus gros propriétaire immobilier d’Europe. La ville possède 220 000 logements et en finance 200 000 autres. Elle n’a jamais versé dans la privatisation à grande échelle. « C’est probablement dû à l’immobilisme autrichien, rien de plus. Et c’est d’ailleurs une constante de toutes les réformes des entreprises dans le pays » précise Walter Matznetter. Un immobilisme certes, mais qui a de bons côtés. Bon nombre de laveries et de garderies existent toujours dans ces immeubles.

 

Un modèle viennois pour le logement ?

L’action de la municipalité de Vienne serait-elle reproductible ailleurs ? L’idée d’un Etat presque paternaliste serait difficile à adopter pour les pays qui scrutent le modèle viennois. Une alternative consiste à laisser la main aux bailleurs sociaux. En échange d’avantages fiscaux, ces derniers auraient des profits limités.

Autre option : favoriser l’habitat participatif. Vienne a financé à hauteur de 2 millions d’euros un immeuble maintenant célèbre, le Wohnprojekt, qui accueille 39 familles et une centaine de résidents. Réalisé en bois, entièrement conçu par ses habitants, il est aujourd’hui l’un des exemples les plus aboutis d’habitat participatif en Europe. Vienne a non seulement fait un prêt mais également octroyé aux porteurs de projet un terrain sur une friche industrielle en reconversion. C’est l’un des quartiers les plus modernes de la capitale autrichienne.

Avec l’aide de la municipalité et en l’absence de tout promoteur immobilier, les habitants jouissent donc d’un appartement confortable qu’ils ont eux-mêmes imaginé à 570€ le mètre carré pour un loyer mensuel de 9,6€/m2.

Pour l’accès au logement pour tous, Vienne, au sein de la vieille Europe, fait figure de précurseur.

 

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Crédit photo : DR