Une nouvelle piste pour diminuer l’empreinte carbone du logement
Une étude suisse montre comment la réduction des habitats permet de diminuer l’empreinte carbone du logement. Faut-il y voir une contrainte ? Ou une opportunité pour vivre mieux ?
Le logement, un acteur majeur de la transition énergétique
Pourquoi s’attacher à réduire l’empreinte carbone du logement ? Parce qu’il s’agit d’un acteur majeur du changement climatique. Rien qu’en France, le secteur résidentiel est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. Il est à l’origine de 20% des émissions totales indique le gouvernement, même si le secteur fait des efforts. Depuis les années 1990, l’isolation et l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments sont prises en compte, mais les surfaces construites ne cessent d’augmenter. Et c’est justement cet aspect auquel s’intéresse une recherche suisse.
Réduire les logements pour limiter leur empreinte écologique
Sous la direction de l’ingénieure Margarita Agriantoni, cette étude de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) portant sur 11 000 logements en Suisse propose d’agir sur les surfaces des habitats.
Deux causes principales sont à l’origine des émissions carbone : la construction d’une part et l’exploitation – en particulier le chauffage – d’autre part. Que propose l’étude ? Limiter la construction et augmenter la densité d’occupation des logements. Ce qui va à l’encontre des tendances en matière de logement.
Des surfaces de logement qui augmentent
Entre 1990 et 2021, la surface des logements a augmenté de 54% en Suisse, tandis que la population connaissait une croissance de 31%. En 2050, elle devrait avoir augmenté de 6,3% par rapport à 2020 avec, en moyenne, 43,1 m2 par habitant contre 38,8 m2 en 2021. En parallèle, la taille des ménages diminue. La surface par habitant augmenterait donc automatiquement de 11,1%. Et ces surfaces, toujours plus grandes, qu’il faut chauffer, voire climatiser, sont l’un des principaux moteurs de la consommation d’énergie.
Un logement de 100 m2, rappelle l’étude, sera chauffé de la même façon qu’il soit occupé par 2 ou 4 personnes. «C’est donc cette surface par personne que l’on doit impérativement diminuer à long terme pour obtenir des logements plus écologiques. Or aujourd’hui, c’est tout l’inverse qui se produit, déplore Margarita Agriantoni. Cette situation est problématique car la population suisse continue d’augmenter tout comme la demande de logements. Mais trouver des surfaces habitables devient toujours plus complexe. »
De nouvelles contraintes sur le logement
L’étude a ainsi imaginé quatre scénarios pour inverser cette tendance dans le marché locatif – 58% de la population suisse est locataire – et réduire l’empreinte carbone du logement.
- Appliquer des règles d’occupation strictes : le logement doit accueillir au moins autant d’occupants que de pièces, mais pas plus d’occupants que le nombre de pièces plus deux. Selon les projections, l’augmentation de la surface par habitant se limiterait alors à 5,7%.
- Réduire la capacité des propriétaires à construire de nouveaux logements, obligeant ces derniers à densifier leur parc immobilier. La surface moyenne des logements n’augmenterait plus que de 2,9%.
- Sensibiliser les locataires aux enjeux en les incitant à rechercher des logements adaptés à la taille de leur ménage … et non un logement surdimensionné. La croissance des logements serait alors de 6,4%
- Le dernier scénario mixe les deux premiers. Il consiste à appliquer des règles d’occupation plus strictes ET à diviser par 5 la capacité des propriétaires à construire de nouveaux logements. Selon cette projection, la surface moyenne des logements se limite à 2,8%, et celle par habitant, 3,4%.
Le dernier scénario est donc contraignant mais très efficace. En parallèle, ne faudrait-il pas repenser notre conception même de l’habitat ?
Opter pour des logements optimisés
Réduire le nombre de m2 par habitant, optimiser leur exploitation… Rien de nouveau ! La colocation, le coliving cochent toutes les cases du cahier des charges. L’espace est optimisé, l’exploitation aussi. Autre avantage et non des moindres : nombre de colocations et de colivings s’organisent dans des lieux qui existent déjà. Certains projets réhabilitent même des bâtiments ayant perdu leur vocation première, notamment des immeubles de bureaux.
Mais il n’y a pas que les locataires qui soient concernés. Certains propriétaires ont mutualisé la construction et l’exploitation de leur logement. C’est le principe de l’habitat partagé. Chacun adapte son espace privé à ses besoins, ce qui réduit la surface des logements … au profit d’espaces partagés plus vastes. Les logements sont aussi plus respectueux de l’environnement grâce à l’utilisation de matériaux de construction locaux et des énergies renouvelables.
Mutualiser les espaces pour mieux les exploiter
L’espace habité est vide la plupart du temps, constate l’architecte Eric Cassar. « Or les nouvelles technologies ouvrent de nouveaux possibles … L’idée est que je dispose d’un espace privé où je peux dormir, manger, me laver… L’espace de l’habitat proprement dit est réduit. Cependant, le jour où on en a besoin, on peut retenir une grande salle de bain par exemple ou une grande cuisine pour cuisiner et recevoir ses amis. » Les espaces existent mais sont mieux exploités, ce qui, in fine, limite la construction.
Réduire la taille de l’habitat n’a donc pas besoin d’être vécue comme une contrainte. C’est, au contraire, une voie vers une meilleure qualité de vie. C’est d’ailleurs ce qu’affirment les colocataires. Réduire les espaces privés et partager des espaces communs enrichit considérablement la vie quotidienne. La sobriété énergétique irait-elle de pair avec davantage d’humanité ?
Pour tout savoir sur les tendances de la co-location, consultez la rubrique “Logement” du blog de COOLOC. Et inscrivez-vous à la newsletter pour ne rater aucun article !
Crédit photo : Samuel McGinity