Un fichier contre les mauvais payeurs de loyer ?

Juridique
Mauvais payeurs de loyer : comment la FNAIM a tenté de les ficher

Ficher les mauvais payeurs de loyer ? C’est ce que préparait la FNAIM au nom de la défense des propriétaires. Préparait car les réactions ne se sont pas faites attendre. Le projet démontre cependant encore une fois que les relations entre propriétaires et locataires restent fragiles.

 

Loyer : le fichier des mauvais payeurs.

Selon la FNAIM, seuls les professionnels de l’immobilier (tels que les administrateurs de biens, agences immobilières, assureurs…) auront accès à ce fichier. Il devrait répertorier les locataires ayant un arriéré de loyer de 3 mois. Y figureraient les noms du locataire et de l’administrateur du bien en charge du dossier, le type de bail ou encore le montant de l’impayé.

La FNAIM se veut rassurante : ce fichier ne contiendrait que le nom des locataires ayant des impayés en cours et pour une durée de trois ans, afin de respecter le droit à l’oubli. Les locataires ayant réglé leur dette seraient immédiatement désinscrits.

La FNAIM assure que ce fichier est élaboré en accord avec la CNIL. Or au mois de février dernier, rapporte Libération, cette dernière faisait part de ses doutes concernant le respect des règles de la RGPD.

Le fichier des mauvais payeurs selon la CNIL

La CNIL n’interdit pas la mise en place de fichiers de mauvais payeurs au sein des sociétés privées. Elle impose en revanche un certain nombre de conditions, notamment, que les impayés soient avérés. En clair, impossible d’inscrire dans le fichier des locataires mauvais payeurs toute personne qui présente des risques d’impayés.

Avant toute inscription sur une liste d’exclusion, il est nécessaire de procéder à des vérifications : envoyer des relances, vérifier qu’il ne s’agit pas d’un malentendu, essayer de comprendre les raisons de l’impayé.

Il n’est pas question non plus d’automatiser ces démarches explique la CNIL. Un échange écrit ou oral doit avoir lieu avec la personne concernée.

Dès que le locataire a réglé l’ensemble des arriérés de loyer, le bailleur le désinscrit immédiatement du fichier.

A la signature du bail, le bailleur doit informer clairement le locataire de l’existence de ce fichier des mauvais payeurs.

Enfin, précise la CNIL : « Vous ne devez pas partager les données relatives au « mauvais payeur » avec d’autres commerçants ou entreprises». Or justement, le fichier de la FNAIM serait accessible à l’ensemble des professionnels de l’immobilier.

 

Restaurer la confiance entre locataires et bailleurs ?

Pour la FNAIM, l’objectif est de réduire le risque des loyers impayés. Pourtant, ces derniers ne concernent, d’après les contentieux soumis à la justice, que 1 à 1,5% des contrats de location.

Selon la FNAIM, un tel fichier destiné aux professionnels serait un outil supplémentaire permettant de juger des candidats à la location en instaurant une présomption de confiance pour les candidats non inscrits.

Et c’est là que le bât blesse. Pour l’association Consommation logement cadre de vie (CLCV) « Les incidents de paiement seraient consignés quelle que soit leur origine… On se doute qu’il y aurait un risque de chantage : certains agents immobiliers ne se gêneraient pas de mentionner ce fichier au moindre retard. On peut aussi s’interroger, en allant jusqu’au bout de la démarche, sur ce qui se passerait si l’agence ne supprimait pas un locataire de ce fichier alors qu’il aurait régularisé ses paiements ou si le fichier était mal renseigné : si le locataire rencontrait une difficulté pour trouver une location derrière, serait-ce alors de la responsabilité de l’agence ?  Comment le démontrer ? Il est scandaleux de rejeter systématiquement la faute sur le dos du locataire » expliquait l’un des juristes de CLCV, David Rodriguez à LCI, en janvier dernier.

 

Le gouvernement opposé au fichier des mauvais payeurs de loyer

Le Ministre du logement, Julien Denormandie, a demandé le retrait de ce fichier. Il se dit « convaincu que la confiance entre les propriétaires et les locataires ne se constitue pas par la mise en place d’un tel fichier. La réconciliation impose de ne pas stigmatiser les uns aux autres » déclarait-il au Figaro le 17 janvier dernier.

Devant un tel tollé, la FNAIM a suspendu la mise en place du fichier… sans pour autant y renoncer définitivement. Serait-ce un moyen de restaurer la confiance des propriétaires envers les agents immobiliers ? En effet, les deux tiers des propriétaires de logements en location gèrent leurs biens eux-mêmes, sans passer par un agent immobilier. En cause, les honoraires jugés trop élevés et le manque de confiance envers la profession.

Restaurer des relations de confiance entre bailleurs et locataires, c’est justement ce à quoi s’attelle le parlement à travers l’examen du projet de loi Nogal. Pour le député, il faut un renforcement du mandat de gestion locative … et certainement pas pour le fichage de locataires mauvais payeurs.

 

Pour tout savoir sur les aspects contractuels et légaux de la co-location, consultez la rubrique “Juridique” du blog de COOLOC. 

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Crédit photo : Samuel McGinity