Squatteurs : quels recours pour les propriétaires ?
Quel recours pour les propriétaires si des squatteurs ont envahi leur logement ? Depuis juillet dernier, la cour de cassation a tranché : obtenir l’expulsion de squatteurs est un droit absolu, relevant du droit de propriété. Il est protégé par la Convention européenne des droits de l’homme et par la Constitution.
Selon la 3e chambre civile de la Cour de cassation à l’origine du verdict, on ne peut lui opposer le droit au respect du domicile de l’occupant. C’est un pas de plus pour trouver une solution à ce sujet sensible qui occupe les tribunaux depuis des années.
« Si la loi est donc du côté des propriétaires, son application peut parfois poser problème, explique Maître Caroline Choplin, avocate spécialiste du droit immobilier. »
Premier recours : 48 heures pour expulser des squatteurs
COOLOC : Qui sont les squatteurs ? Et comment un propriétaire peut-il les faire expulser ?
Me Caroline Choplin : Un squatteur est une personne qui est entrée de façon illégale dans votre logement. Il ne s’agit donc pas d’un “occupant sans droits ni titre”, terminologie utilisée pour désigner un locataire qui ne paie plus son loyer ou qui a donné son congé mais reste dans le logement.
En cas de squat, le volet pénal joue. Une fois que vous avez connaissance de l’effraction, le premier recours du propriétaire est de prévenir les services de police. Si vous découvrez le squat dans les 48 heures suivant l’intrusion, il vous suffit d’appeler la police, qui peut alors procéder à des mesures coercitives.
En revanche, si pour une raison ou pour une autre, vous vous en rendez compte au-delà de 48h00, c’est plus compliqué ! Votre seul recours alors est d’entamer une procédure judiciaire : assigner votre squatteur, attendre une date d’audience, puis attendre le délibéré pour avoir la décision du juge qui autorise l’expulsion.
Or obtenir une date en référé devant certains tribunaux d’instance peut prendre facilement 3 ou 4 mois.
Une fois le jugement obtenu, vous avez encore un délai de deux mois entre le commandement à quitter les lieux et l’expulsion proprement dite.
Des lois qui renforcent les recours des propriétaires…
COOLOC : Vu comme cela, en quoi la loi renforce-t-elle le droit des propriétaires ?
Me Choplin : Le dispositif législatif a été renforcé par la loi anti-squat de 2015. Un alinéa à l’article 226-4 du Code Pénal crée l’infraction de se maintenir illégalement dans les lieux. Il suffit de constater l’infraction – l’intrusion illégale dans votre bien et le maintien dans les lieux par les squatteurs – pour faire intervenir la police. En théorie. En pratique, cette loi s’applique peu.
Plus récemment, la loi Elan de 2018 autorise, dans l’hypothèse où un bien est occupé par des squatteurs, à ne tenir compte ni de la trêve hivernale, ni du délai de 2 mois, suite au commandement à quitter les lieux.
… mais peu appliquées !
COOLOC : Pourquoi cette réticence à appliquer la loi ?
Me Choplin : La réticence de la police est facile à expliquer. La justice se prononce entre plusieurs droits fondamentaux. En l’occurrence, le droit à la propriété et le droit au domicile et au respect de la vie familiale s’opposent.
Des bailleurs ont déjà été condamnés pour violation de domicile. En effet, si votre domicile est occupé par des squatteurs, ils peuvent rapidement bénéficier de la protection accordée par le droit au logement.
Au mois de juillet, la Cour de cassation s’est prononcée sur un terrain occupé illégalement par des caravanes. Le premier recours en justice intenté par les propriétaires avait échouée. Deux ans plus tard, les services d’hygiène ont relevé des cas de maladies infectieuses dans le campement, ainsi qu’un taux de pollution élevé lié à des dépôts de ferraille . Les propriétaires devant se mettre aux normes, ils ont engagé une nouvelle procédure. La cour a alors réaffirmé la supériorité de la propriété par rapport au droit au domicile des squatteurs. Elle s’est appuyée sur l’article 544 du Code civil qui rappelle que le droit de propriété est un droit absolu.
COOLOC : Existe-t-il d’autres recours pour les propriétaires afin d’obtenir l’expulsion des squatteurs ?
L’article 38 de la loi Dalo a mis en place une procédure méconnue, car difficile à appliquer. Elle permet d’obtenir l’expulsion par décision administrative. Il s’agit de demander directement au préfet de mettre en demeure les squatteurs de quitter le lieux. Pour cela, il vous suffit de déposer plainte, d’apporter la preuve qu’il s’agit bien de votre domicile, et de faire constater l’occupation illicite des lieux par un officier de police judiciaire.
Des recours risqués aussi pour le propriétaire
COOLOC : Concrètement, que doit faire le propriétaire ?
Me Choplin : Si vous connaissez l’identité des squatteurs, vous pouvez engager directement la procédure.
Si vous ne connaissez pas leur identité, vous allez voir un avocat pour rédiger une requête par laquelle vous demandez au juge de missionner un huissier de justice pour constater le squat et relever le nom des squatteurs. C’est une information facile à obtenir. C’est dans l’intérêt des squatteurs de montrer qu’il s’agit de leur domicile.
Une fois que vous avez les noms, vous pouvez les assigner en référé devant le tribunal en apportant la preuve qu’il s’agit de votre domicile et en demandant leur expulsion.
Le plus difficile dans cette procédure, c’est de devoir apporter la preuve de ce que vous avancez. Les squatteurs vont tout faire pour faire valoir leurs droits : changer les serrures, prendre des abonnements à leur nom. Lorsque vous devez apporter la preuve de leur entrée illégale chez vous, c’est votre parole contre la leur..
COOLOC : Combien d’expulsions par an concernent des cas de squats ?
Me Choplin : Sur 126 000 expulsions annuelles, 6 000 cas sont des squatteurs. Un chiffre pas si anodin. Et la situation s’aggrave. Les députés posent de plus en plus de questions au gouvernement à ce sujet.
En dépit des outils mis à disposition par la loi, les procédures durent trop longtemps et les propriétaires ont très peu de recours. C’est la raison pour laquelle des propriétaires se retrouvent à la rue.
La solution de COOLOC : Ne prenez pas le risque de voir un logement vide envahi par des squatteurs. En louant votre bien en colocation, notamment dans les zones non tendues où les logements sont souvent vides, vous évitez les risques de squat grâce à la présence permanente de co-locataires.
Pour tout savoir sur les aspects contractuels et légaux de la co-location, consultez la rubrique “Juridique” du blog de COOLOC.
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Crédit photo : Samuel McGinity