Loi climat et résilience : de nouvelles obligations pour les propriétaires
Quelles sont les conséquences de la loi Climat et Résilience pour les propriétaires ? Les députés s’étaient à peine exprimés que de nombreuses voix s’élevaient pour critiquer le projet, notamment celles des propriétaires.
Les objectifs de la loi Climat et Résilience
La proposition de loi s’est inspirée des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat. Cette dernière réunissait 150 citoyens français, tirés au sort et issus de tous horizons. Ils ont élaboré des mesures pour « réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030. »
La Convention a proposé 149 mesures. Le gouvernement en a repris 46 dans sa loi Climat et Résilience, dont seulement une dizaine de façon globale. L’Assemblée nationale a adopté la loi en mars, le Sénat doit l’examiner en juin.
Quels sont les changement apportés par la loi Climat et Résilience, notamment pour les propriétaires?
Une rénovation massive des passoires thermiques
A l’heure actuelle, pas moins de 4,8 millions de foyers vivent dans des « passoires thermiques ». Il s’agit de logements anciens, voire très anciens particulièrement voraces en énergie, en raison d’une mauvaise isolation.
Le diagnostic de performance énergétique (ou DPE) les classe dans les catégories G, F et E. Or l’objectif du gouvernement, à l’horizon 2028, est de les amener à la classe D ou BBC (bâtiments basse consommation). Dès 2023, la loi impose le gel des loyers de ces logements considérés comme insalubres. Elle exclut également du marché locatif les logements classés G dont la consommation d’énergie finale dépasse 450 kWhEf/m² par an. En 2028, ce sera le tour des logements classés F (entre 331 et 450 kWh/m² par an). En 2034, les logements classés E (entre 231 et 330 kWh/m² par an) devront être rénovés.
Les propriétaires bailleurs de passoires thermiques ne peuvent déjà plus, depuis cette année, augmenter les loyers. Ils doivent, auparavant, d’avoir effectué des travaux de rénovation qui auront conduit à l’amélioration des performances énergétiques.
Un DPE opposable
Le DPE évolue lui aussi. Les modifications, à compter du du 1er juillet 2021, portent sur la méthode de calcul et sur le contenu. En effet, il ne s’appuiera plus sur la facture énergétique mais uniquement sur les caractéristiques physiques du logement. De multiples facteurs entrent en jeu : le bâti, la qualité de l’isolation, le type de fenêtres ou le système de chauffage. Les consommations énergétiques en matière d’éclairage, de ventilation, les nouveaux scenarii météo ou encore des phénomènes thermiques plus précis comme l’effet du vent sur les murs extérieurs entreront également dans l’évaluation.
La lecture du DPE se veut plus aisée pour les locataires et les propriétaires – ou les futurs acheteurs. La nouvelle version fera apparaître le montant théorique des factures énergétiques. A cela s’ajouteront le détail des déperditions thermiques, l’état de la ventilation et de l’isolation, la présence de cheminée à foyer ouvert, l’indicateur de confort d’été, les recommandations de travaux et estimations de coûts pour atteindre une classe énergétique plus performante… Deux facteurs permettent de calculer les seuils : l’énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre.
En cas de logement collectif, il est possible de réalier un seul DPE valable pour tous les copropriétaires. Mais si un copropriétaire réalise des travaux supplémentaires dans son logement, il pourra opter pour un DPE propre.
Une validité… variable
Le DPE a toujours une validité de 10 ans… s’il est réalisé après le 1er juillet 2021. Ceux effectués entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 sont valides jusqu’au 31 décembre 2022. Ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 seront valides jusqu’au 31 décembre 2024.
Le DPE devient juridiquement opposable. Concrètement aujourd’hui, un locataire ou un acquéreur n’a aucun recours si le DPE ne correspond pas aux factures énergétiques payées. A partir du 1er juillet, en cas de manquement, la responsabilité du bailleur ou de l’ancien propriétaire peut être engagée. Il est possible de contraindre ce dernier à exécuter les travaux nécessaires. Le propriétaire qui a fait réaliser le DPE pourra, de son côté, se retourner contre l’entreprise ayant réalisé l’audit énergétique du logement.
La copropriété, également visée
Conscientes de la nécessité d’entreprendre des travaux de rénovation, nombre de copropriétés ont cependant du mal à les prévoir… et encore plus à les voter. La loi Climat et Résilience oblige maintenant les copropriétés à réaliser un audit DPE à l’échelle de l’immeuble et à prévoir un plan pluriannuel de réalisation des travaux.
Un moyen d’inciter les copropriétés à discuter et anticiper les travaux nécessaires. Elles en sortent aussi gagnantes. Ces travaux leur permettent, à terme, de limiter la consommation énergétique des immeubles et donc leur facture énergétique.
Un manque d’ambition
La loi a provoqué de nombreuses critiques notamment celles du Conseil d’Etat et du Haut Conseil pour le climat. En l’état, la loi ne permet pas de tenir les engagements de l’Etat en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre lors de l’Accord de Paris.
Les associations écologistes, elles, lui reprochent son manque d’ambition et sa mise en application tardive à partir de 2023. De plus, elle épargne la plupart des passoires thermiques, dont la consommation est actuellement évaluée en énergie primaire. Le seuil de consommation énergétique du DPE étant exprimée en énergie finale, la loi ne s’applique qu’à 7% des logements. Or selon une étude publiée en septembre 2020 par le ministère de la transition écologique, 17% des logements en France sont des passoires thermiques, soit près de 1 logement sur 5.
La ministre du logement, Emmanuelle Wargon assume ce décalage. Il s’agit, dit-elle, de rénover en urgence les « pires passoires énergétiques », soit 90 000 logements. Et surtout de ne pas retirer d’un marché locatif déjà tendu trop de logements.
Les craintes des propriétaires
Les propriétaires ne sont pourtant pas pleinement convaincus. En 2028, sans rénovation, près de 1,7 million de logements ne pourront plus être loués. La situation deviendra encore plus critique à l’horizon 2034, lorsque les logements classés E sortiront également du parc locatif à moins d’avoir effectué les travaux de rénovation attendus. Pour l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers, l’UNPI,« avec cette nouvelle contrainte, E, F, G, nous allons avoir 12 ans, pour rénover près de la moitié du parc locatif privé en France », soit 450 000 logements par an.
Le coût de la rénovation énergétique pose également problème. « Une rénovation de logement G coûte entre 22 000 € et 40 000 € selon le niveau de performance qu’on cherche à lui faire atteindre (…) La rénovation du seul parc privé locatif E, F et G, représente 56 milliards d’euros ; les amener à un niveau « Bâtiment basse consommation » représentera un coût de 88 milliards d’euros. »
Certes les bailleurs peuvent bénéficier d’aide du gouvernement, telles que Ma Prime Rénov qui remplace le Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE) avec des barèmes dégressifs en fonction des revenus. Mais ils ne pourront déposer leur dossier qu’à partir du 1er juillet 2021.
Les propositions des propriétaires pour appliquer la loi Climat et Résilience
L’UNPI propose un certain nombre de mesures pour améliorer l’accompagnement des bailleurs, parmi lesquelles :
- La création d’un congé pour travaux d’économies d’énergie importants. Cela permet en effet, de lever un frein juridique pour rénover des logements actuellement loués.
- Alléger les charges pesant sur les bailleurs avec :
- la défiscalisation de Ma Prime Rénov’ pour les bailleurs, alors qu’aujourd’hui, non seulement elle n’est pas déduite, mais en plus elle est fiscalisée ;
- le doublement du déficit foncier, si le montant des travaux est composé pour 40% de travaux d’économie d’énergie (collectif ou individuel), pour donner un « coup de boost », à très court terme
- l’éligibilité au dispositif Denormandie des biens F et G sur tout le territoire. Ce dispositif consiste en une réduction de l’impôt sur le revenu en cas de rénovation d’un investissement locatif dans l’ancien, sur tout le territoire.
Quelles sont les garanties de la loi Climat et Résilience pour les propriétaires ?
Des aides pour accompagner les propriétaires
Ces derniers ont donc accès à Ma Prime Rénov’. Et cette dernière est cumulable avec d’autres aides comme la prime Effy qui peut atteindre jusqu’à 5 000 € pour les travaux de rénovation énergétique. D’après les calculs du gouvernement, ces aides peuvent couvrir jusqu’à 90 % du coût des travaux chez les ménages aux revenus les plus modestes.
Le financement du reste à charge
En dépit des aides, certains ménages modestes ou âgés ne peuvent financer le reste à charge. Comment appliquer la loi Climat et Résilience, si vous êtes un propriétaire modeste ? Certains prêts, aujourd’hui, permettent de ne rembourser que les intérêts. Le remboursement du capital intervient lors de la vente du bien. L’Etat pourra garantir ces prêts pour que les banques s’en saisissent plus facilement et les rendent plus accessibles. L’objectif est de permettre à tous les ménages, y compris les plus modestes, d’engager les travaux de rénovation nécessaires pour réduire la facture énergétique.
Et un service d’accompagnateurs dédiés aux propriétaires
Le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) présent sur l’ensemble du territoire propose déjà gratuitement informations et conseils.
Mais le parcours lui-même est complexe et les propriétaires l’affrontent seuls. La loi Climat et Résilience accompagne les propriétaires. Elle crée un nouveau statut. Des «opérateurs agréés pourront accompagner les ménages « de bout en bout » dans leur parcours de rénovation, depuis le diagnostic des travaux à réaliser, en passant par le plan de financement et l’obtention des aides jusqu’au suivi des travaux. L’objectif est de simplifier les rénovations et d’en améliorer la qualité. Il deviendra même obligatoire pour accéder aux aides publiques dans le cadre des rénovations les plus ambitieuses.
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Crédit photo: Samuel McGinity