Quelle société après le coronavirus ?

Témoignages
quelle société après la crise du coronavirus ?

Quelle société après le coronavirus ? La question n’est plus de savoir si notre quotidien changera après cette épidémie, mais quel sera l’ampleur du changement. En effet, ni la société, ni les individus ne sortiront tout à fait indemnes de la crise du coronavirus.

 

Une dématérialisation des activités

C’est ce que nous apprend l’enquête annuelle de Sociovision (groupe IFOP) sur les valeurs et les modes de vie auprès d’un échantillon national représentatif de 2 000 Français. Dans un récent article paru sur le Huffington Post, Rémy Oudghiri, directeur général adjoint de Sociovision et sociologue des modes de vie et de consommation, analyse des habitudes en progression dans la société que le coronavirus tend à exacerber.

Sans surprise, la e-life s’impose. Avant la crise du covid-19, plus de la moitié des Français utilisaient quotidiennement, des plateformes comme Netflix ou Deezer. Avec le confinement, la tendance ne peut que s’accentuer. Elle s’étend surtout à de multiples activités : télétravail, e-conférence, cours en ligne, mais aussi téléconsultations de médecins ou de psychologues, éducation à distance… Des habitudes nouvelles s’imposent et pourraient perdurer dans la société post coronavirus.

« Il est probable que la fin du confinement obligatoire sera suivie immédiatement d’une explosion des contacts sociaux et des rassemblements physiques, remarque Rémy Oudghiri. Les Français auront envie de retrouver leurs proches et d’être ensemble. Reste que la dématérialisation des modes de vie aura, dans l’intervalle, accéléré sa progression irrésistible. »

 

Un recentrage sur l’essentiel

Le confinement est aussi une opportunité pour réfléchir à ce qui compte vraiment. « En 2019, 73% des Français étaient d’accord avec l’affirmation suivante J’aimerais revenir à l’essentiel, me concentrer sur ce qui compte vraiment pour moi. Un chiffre en augmentation de 3 points par rapport à 2018 » indique Rémy Oudghiri.  

Le confinement est l’occasion de prendre du recul. Certains en profitent pour se rapprocher de leurs amis et de leur famille. Les rendez-vous Skype ou WhatsApp se multiplient et mettent la technologie au service du lien. Ainsi, Aurélie, médecin généraliste mobilisée à Paris, témoigne « J’étais complètement déprimée. Certificats de décès et soins palliatifs le jour, puis médias catastrophistes le soir, c’était épouvantable ! Jusqu’à ce que je découvre les apéros virtuels. Je suis, depuis, hyper connectée. Je n’ai jamais eu une vie mondaine aussi intense, et tout cela en jogging chez moi ! »

Un moyen d’être chez soi mais ensemble que pourrait plébisciter la société post coronavirus. En effet « en 2019, 66% des Français reconnaissent préférer passer des moments tranquilles avec leur famille ou leurs amis ou chez eux plutôt que de les voir à l’extérieur » indique l’enquête de Sociovision.

 

Vers un nouvel équilibre entre travail et vie professionnelle ?

Le monde du travail aussi est appelé à évoluer souligne Rémy Oudghiri. « Le télétravail va connaître un essor sensible au cours des prochaines semaines et s’imposer comme une façon normale de travailler au XXIème siècle… Les Français, au cours de la décennie précédente, ont réalisé l’importance de maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les générations précédentes avaient négligé cet équilibre. Cet axe sortira vraisemblablement renforcé de cette crise sanitaire. Les Français vont très certainement ressentir le rôle fondamental du travail dans la construction de leur identité, mais ils vont aussi comprendre que, dans la période incertaine dans laquelle nous sommes entrés, rien ne vaut une vie pleinement épanouie. Le confinement, une arme anti-burn-out ? »

 

Les effets secondaires du coronavirus sur … l’alimentation

Rester chez soi oblige à consommer moins… mais aussi à consommer mieux. Les post Instagram et Facebook sur les petits plats faits à la maison se multiplient. Un retour à la cuisine qui s’explique non seulement par le temps supplémentaire dont les Français disposent… Mais aussi par la conscience que mieux manger, c’est aussi prendre soin de sa santé. « De fait, ajoute Rémy Oudghiri, la proportion de Français déclarant qu’ils font de plus en plus attention aux conséquences que pourraient avoir sur la santé les produits qu’ils achètent n’a jamais été aussi haute (82% en 2019 vs. 76% en 2012). Les applications de type Yuka vont devenir des armes encore plus puissantes dans les mains des consommateurs de produits alimentaires ou cosmétiques (22% les utilisent déjà). »

Sans compter qu’isolés, il faut aussi garder le moral et cuisiner, c’est aussi se faire plaisir. « Si le plaisir est la dernière chose qui reste pour garder le moral, il est probable que les petits plaisirs alimentaires (glaces, chocolat, bons plats faits maison…) ou les jeux (vidéos ou de société) permettront d’aider à passer l’épreuve. »

 

Une consommation plus raisonnée

La tendance est déjà bien présente. Les Français veulent consommer mieux et de façon plus raisonnée. « La décennie 2010-2019 a ainsi été marquée par le boom du marché de l’occasion. 47% des Français achetaient d’occasion en 2008, ils sont 60% dix ans plus tard. Au-delà du prix, ils réfléchissent davantage au contenu de ce qu’ils achètent.  L’époque de l’hyperconsommation et de l’accumulation matérialiste est derrière nous. Plus informés et parfois plus experts, les Français exigent plus de transparence, plus de garanties sanitaires, plus de qualité. Nul doute que cette crise les rendra encore plus exigeants. Le tournant des marques vers plus de « responsabilité » va donc s’amplifier dans les années qui viennent » note Rémy Oudghiri.

Qu’en restera-t-il dans la société post coronavirus ? « Tout dépend de l’intensité du choc remarque Rémy Oudghiri. En général il faut une génération pour observer des changements en profondeur. Mais là cela ira peut-être un peu plus vite ! »

 

Des choix de sociétés à l’heure du coronavirus

Ces changements extrêmement rapides d’une société au-delà du coronavirus, c’est ce que met en lumière l’historien Yuval Noa Harari. Ce dernier souligne dans un article paru dans le Financial Times que de nombreuses mesures prises dans l’urgence vont devenir la règle.

Pour la première fois de leur histoire, les Etats vont avoir les moyens de surveiller avec précision les populations : grâce aux technologies, votre température est enregistrée de même que les endroits où vous vous êtes rendu, les gens que vous avez rencontrés. Un moyen d’arrêter la contagion certes… Mais si ces règles continuent de s’appliquer en dehors du contexte de l’épidémie, les gouvernements disposeraient alors de moyens de surveillance hyper accrus et sophistiqués. « Il faut absolument garder à l’esprit que la colère, la joie, l’ennui et l’amour sont des phénomènes biologiques, tout autant que la fièvre ou la toux. Une technologie à même d’identifier une toux pourrait aussi bien identifier des rires. Si les entreprises et les gouvernements commencent à récolter nos données biométriques en masse, alors, ils finiront par nous connaître bien mieux que nous-mêmes, et seront ainsi en mesure non seulement de prédire nos sentiments, mais de les manipuler et de nous vendre ce qu’ils voudront — qu’il s’agisse d’un produit ou d’une personnalité politique » met en garde l’universitaire.

Les populations pourraient même accepter librement cette surveillance de masse, « car quand on donne aux gens le choix entre leur vie privée et leur santé, c’est généralement cette dernière qu’ils choisissent. »

Ce qui est une façon de biaiser le problème !

 

Responsabiliser plutôt que surveiller

En effet, les populations ne devraient pas avoir à choisir entre santé et respect de la vie privée. C’est d’ailleurs ce que démontre la gestion de la crise en Corée du Sud et Taiwan, qui ont enregistré les résultats les plus probants ces dernières semaines. « Quand on fournit au public les informations scientifiques, et quand les gens sont sûrs que les autorités vont effectivement leur communiquer ces faits, les citoyens peuvent alors agir comme il le faut sans qu’il y ait besoin d’un Big Brother pour les épier. Une population motivée et bien informée est en général beaucoup plus puissante et efficace qu’une population ignorante et contrôlée par la police. »

Il est donc nécessaire insiste le chercheur que la confiance entre la population et ses dirigeants, mais aussi en la communauté scientifique soit restaurée… Ce qui, en temps normal prendrait des années. Mais nous ne sommes plus en temps normal et les esprits peuvent évoluer très rapidement en temps de crise. Le coronavirus est donc une formidable mise à l’épreuve de la société et du concept de citoyenneté. « Dans les jours qui viennent, chacun d’entre nous devrait décider d’avoir confiance dans les données scientifiques et les spécialistes de la santé plutôt que dans les théories du complot sans fondement et des politiciens qui servent leurs propres intérêts. Si nous sommes incapables de faire ce choix, nous risquons de finir par renoncer à nos libertés les plus précieuses en croyant que c’est la seule façon de préserver notre santé » conclue Yuval Noa Harari.

Différentes pistes se dessinent donc qui se révèleront déterminantes pour l’avenir. Mais il est d’ores et déjà clair que la crise du coronavirus est le signe d’un changement de société majeur, au niveau individuel comme au niveau global…

 

Pour tout savoir sur les tendances de la co-location, consultez la rubrique “Témoignages” du blog de COOLOC. Et inscrivez-vous à la newsletter pour ne rien rater de l’actualité de la co-location !

Crédit photo : Samuel McGinity