Ôfildesvoisins : l’habitat participatif dans la sérénité
L’habitat participatif est un rêve pour beaucoup d’habitants pour qui accéder à la propriété signifie aussi vivre avec les autres.
Cependant, entre l’élaboration du projet et l’entrée dans le logement rêvé, en passant par la définition du mode de vie au sein de l’habitat lui-même, le chemin est long et ardu. Seul un projet sur dix aboutit, explique Siham Laux. C’est d’ailleurs ce qui a poussé cette jeune femme dynamique à créer Ôfildesvoisins, une plateforme dédiée à l’habitat participatif.
Habitat participatif : apprendre l’art de vivre ensemble
COOLOC : Comment est né Ôfildesvoisins ?
Siham Laux : Je travaille depuis longtemps sur la question du vivre ensemble. Étudiante, j’ai réalisé mon mémoire de master sur l’esprit de groupe. Je fais également de la recherche sur l’esprit de communauté.
Dans l’habitat partagé, il existe autant d’envies que de personnes. Certains veulent accentuer le caractère communautaire, instaurer repas commun par semaine, être ensemble le plus souvent possible. D’autres veulent préserver leur espace et se retrouver lors d’un événement mensuel. Finalement, on observe autant de façons de vivre son groupe qu’il y a de personnes dans le groupe.
Aussi j’ai créé un site qui permet aux personnes ayant le même type de projet de se contacter facilement.
COOLOC : Concrètement, comment fonctionne Ôfildesvoisins ?
Siham Laux : Notre objectif est de créer pour chaque habitat participatif le groupe le plus solide possible. Il suffit que les personnes intéressées par l’habitat partagé s’enregistrent sur la plateforme.
Nous lançons des appels à candidature et les personnes intéressées s’inscrivent.
Notre cœur de métier, c‘est de rassembler les gens qui se correspondent pour travailler sur la manière dont ils vont vivre ensemble dans leur futur logement. Avec nos partenaires, nous organisons des rencontres, des séminaires sur la communication non violente, la prise de décision en groupe … Et nous sommes aujourd’hui la plus grande communauté dédiée à l’habitat participatif. Nous travaillons sur la partie logement, mais pas uniquement. Notre sujet, c’est de renforcer l’esprit de communauté pour monter un habitat partagé qui dure dans le temps.
COOLOC : Et pour les faire se rencontrer, vous passez par un algorithme ?
Siham Laux : L’algorithme permet de trouver les gens ayant les mêmes valeurs et les mêmes critères juridiques et financiers : où veulent-ils acheter ? Veulent-ils acheter un immeuble collectivement ou en individuel ? Veulent-ils une autoconstruction? L’algorithme n’est qu’une première étape avant la rencontre.
L’habitat partagé, une opération immobilière conséquente
COOLOC : Et comment intervient Ôfildesvoisins dans la partie immobilière ?
Siham Laux : Il peut s’agir du projet d’un promoteur qui souhaite créer un habitat partagé. A partir de là, nous lançons un appel à candidature.
Nous réagissons aussi aux demandes de notre communauté. Nous avions beaucoup de demandes en Normandie. Alors nous travaillé avec l’un de nos partenaires, promoteur immobilier pour y monter un projet. Au bout de deux ans, nous avons pu lancer un appel à candidatures.
COOLOC : Et si des personnes possèdent déjà un terrain, comment font-elles ?
Siham Laux : Certaines personnes nous contactent car elles veulent qu’on les aide à monter un groupe. Nous réalisons une étude de faisabilité. Nous les accompagnons pour définir leur projet et trouver d’autres participants. Le projet doit être bien défini pour que les gens y adhèrent. Nous les aidons aussi à choisir l’architecte en fonction des besoins définis au départ.
Le processus est très long, encore plus quand on n’est pas du métier. L’environnement est complexe en raison des lois de protection des habitants. Pour un particulier qui n’a ni les compétences, ni beaucoup de temps à y consacrer, c’est une énorme dépense d’énergie.
Notre métier est de faciliter le projet. Nous travaillons avec des professionnels que nous avons sélectionnés : des promoteurs, des aménageurs, des investisseurs qui veulent intervenir dans un domaine plus éthique comme l’habitat participatif.
Cooloc : Quel est le processus pour mettre en place un habitat participatif ?
Siham Laux : Il faut d’abord former un groupe, trouver un terrain et apprendre à vivre ensemble.
Le profil de l’habitat participatif en France
COOLOC : Qui se lance dans l’aventure?
Siham Laux : Il n’y a pas de profil type. Nous voyons vraiment de tout. Peut-être que l’une des tendances les plus partagées est qu’ils ont tous une forte conscience écologique et l’envie de partager. Ils veulent un habitat écologique, qui ne leur coûte pas trop cher. Ils veulent aussi réduire leur impact écologique.
COOLOC : Combien compte-t-on d’habitats partagés aujourd’hui en France et où ?
Siham Laux : Avec O Fil des voisins, nous en avons relevé 600. La Bretagne, l’Alsace sont des régions moteurs sur le sujet. L’ouest en général est très intéressé. Le Nord commence à s’y mettre. Rien d’étonnant : ce sont des régions dynamiques sur beaucoup de sujets.
La puissance publique à l’écoute ?
COOLOC : Existe-t-il des aides publiques pour les habitats participatifs ?
Siham Laux : Au niveau national ou régional, il n’existe pas d’aides spécifiques pour l’habitat participatif. Cela se joue au niveau local. Tout dépend de la volonté politique de la commune. Ce sont les maires qui peuvent pousser ce type de projet, identifier les parcelles disponibles. Or le sujet est sensible. Et beaucoup de maires trouvent compliqué de vendre du foncier à bas prix à un groupe d’habitants. Ils préfèrent en général traiter avec des bailleurs sociaux.
COOLOC : Existe-t-il des habitats participatifs à thèmes (parents solo, free lance …)?
Siham Laux : En général, non ! Les habitants dans un projet d’habitat partagé sont assez diversifiés, même si on trouve beaucoup de familles avec enfants. Nous avons quelques projets d’habitat participatifs pour des seniors. Mais eux ont des problématiques spécifiques.
Et certains n’attendent pas de finaliser leur projet d’habitat partagé. Avant même d’avoir déterminé tous les aspects de leur projet, ils s’installent ensemble en co-location pour tester le concept !
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Crédit photo : Ôfildesvoisins