L’interculturel, qu’est-ce que c’est ?

Témoignages
interculturel : comment surmonter les incompréhensions ?

Se comprendre – et s’entendre – malgré nos différences … C’est tout l’enjeu de l’interculturel. Longtemps dédié aux expatriés, l’interculturel s’invite aujourd’hui dans notre quotidien. En couple, en colocation, en coliving, en habitat partagé et bien sûr en expatriation, il n’est pas rare de voir des gens de différentes nationalités, cultures, milieux vivre ensemble. Et cela aussi, c’est de l’interculturel.

Une réalité qui peut parfois poser problème. Notamment en raison des incompréhensions face aux façons d’être ou de faire de chacun. Mais cela n’a rien d’insurmontable.

Confronté à une autre culture… au quotidien

Mais qu’est-ce que l’interculturel exactement ? Il s’agit tout simplement de la mise en contact de différentes cultures, qu’elles soient sociales, ethniques, religieuses etc…

L’interculturel, la journaliste japonaise Ayana Nishikawa en fait l’expérience au quotidien. Elle vit en France depuis 6 ans, avec son époux de nationalité italienne. Et l’interculturel, estime-t-elle n’a rien d’évident. « Mon mari et moi avons des façons très différentes d’exprimer nos émotions. Par exemple au Japon, les époux détestent se disputer. Ils font tout leur possible pour éviter d’en arriver là. Mon mari, en revanche, n’a pas du tout cette culture. En Italie, il est normal d’exprimer ses émotions très directement. Moi, cela me choque. Maintenant que je vis en Europe, j’ai compris qu’il est normal pour les Italiens d’exprimer leurs émotions. Maintenant, je fais la part des choses entre ma culture et celle de mon mari. Une sorte de management mental personnel.

Mais je lui ai aussi expliqué qu’au Japon, les choses ne se passent pas du tout de la même manière. De son côté, il essaie de se contrôler. Lorsqu’il a besoin de décompresser et d’exprimer ses émotions, il sort. »

Si Ayana a pu en parler avec son conjoint, la communication peut devenir parfois plus difficile. Et dans ce cas, il n’est pas forcément évident de mettre des mots, ni même d’identifier et de partager les émotions que les différences culturelles peuvent susciter.

Pouvoir poser les questions

On trouve beaucoup de réponses dans les livres mais pas forcément celles qu’on cherche au moment où on en a besoin. « La communication interculturelle est souvent théorique » explique Éléonore, qui a vécu de nombreuses expatriations. «Je trouvais que les ouvrages auxquels j’avais accès étaient trop ardus intellectuellement pour ce que je cherchais. Or lorsqu’on vit des moments qu’on ne comprend pas dans un pays ou dans un milieu, la théorie a ses limites. C’était d’ailleurs notre cas avec Marine, la cofondatrice de TellUs lorsque nous étions en expatriation, elle au Mexique et moi en Turquie. Ce qui nous parlait, ce qui nous plaisait, c’était d’enclencher en groupe, un mécanisme qui permette de trouver par soi-même la réponse à ses questions. Nous avions besoin de parler, d’échanger, qu’on nous explique ce qui se passe.»

TellUs, pour expliquer l’interculturel

C’est ainsi que les deux expatriées ont imaginé TellUs, une association dont l’objectif est de promouvoir une meilleure compréhension entre cultures. « L’idée était de créer un espace pour approfondir cette connaissance des uns et des autres » explique Éléonore. « Quand on se retrouve dans un pays étranger, ou avec des gens qui ont une culture différente, on vit et on voit des choses différentes qu’on ne comprend pas forcément. Mais, pour différentes raisons comme la timidité, la peur de mettre mal à l’aise ou encore parce qu’on ne s’en rend pas compte sur le coup, on n’ose pas toujours poser les questions qu’on voudrait poser ou qui nous chagrinent. TellUs donne un espace de parole pour partager ce qu’on ne comprend pas.»

Pour cela, TellUs rassemble interviews et témoignages d’expériences interculturelles. L’association ouvre un espace d’échanges et de discussions, afin de comprendre l’autre et sa vision des choses. Les rencontres ont lieu en présentiel dans différents pays du monde et en ligne avec les Zooms Cultures. Des partenariats approfondissent certains aspects de l’interculturel. Ils permettent de trouver des solutions face aux incompréhensions entre les différentes nationalités et cultures.

Comprendre l’interculturel : d’abord en parler !

Parler suffirait donc à surmonter les incompréhensions entre les personnes ? Non… mais « il faut essayer de créer un climat de tolérance et d’ouverture, estime Saïd qui anime des groupes d’échanges au sein de TellUs. Il n’existe pas une seule manière de faire les choses. En parler permet de comprendre ces différences. Chez TellUs, nous partons des expériences interculturelles. Il n’est pas question de juger mais de dire ce qu’on ressent. Chacun apporte son expérience, sa réaction. Cette démarche d’essayer de se comprendre favorise l’ouverture à l’interculturalité. »

« D’après l’expérience de TellUs, qu’il s’agisse de culturel ou de tempérament, ou de milieu social, peu importe, ajoute Éléonore. Ce qui compte, c’est qu’on identifie le point de frottement et qu’on trouve une solution. C’est le cœur de l’action de TellUs : permettre d’exprimer et d’écouter pour comprendre ce qui s’est passé, apprendre à se mettre à la place de l’autre. L’important est de continuer la relation sans s’arrêter sur un préjugé. »

La culture, un incontournable

Mais que faire face à ceux qui expliquent et justifient leur comportement en brandissant l’étendard de leur culture ?

Pour TellUs, la réponse est simple. La culture n’est ni figée, ni intouchable. Ce sont les humains qui construisent leur propre culture. Chimamanda Ngozi Achidie, écrivain nigériane le rappelle lorsqu’elle dit « notre culture est en constante évolution.»

 « Dire que c’est ma culture, c’est réduire notre faculté humaine, et notre identité, constituée de plusieurs facettes, ajoute Saïd. Je suis comorien. Or avec la mondialisation, ma culture n’est pas seulement comorienne, mais métissée. Par exemple dans tous les supermarchés aujourd’hui, on peut trouver des produits chinois, israéliens, japonais, du Maghreb… Notre culture n’est pas figée. Elle évolue avec le temps, avec nos rencontres, s’enrichit d’autres influences, de la culture des personnes qu’on rencontre, des livres qu’on lit ou des médias. Nous ne sommes donc pas le produit d’une seule culture, même si nous pouvons mettre en avant certaines facettes de notre culture d’origine. »

Une définition large

Elle dépasse aussi la nationalité, les frontières du pays, rappelle Éléonore. « Nous sommes le produit de plusieurs cultures liées au genre, à la génération à laquelle nous appartenons, à la religion, à l’école, au milieu professionnel. Quand on se heurte à des questions culturelles, on peut inviter les personnes à considérer la situation sous un autre prisme (famille, génération…). Cela permet de débloquer la situation. »

D’autant plus que la culture ne définit pas un individu. « Amin Maalouf aborde la question de l’identité sous l’angle de la relation, ajoute Saïd. Ainsi, je peux être né aux Comores, avoir le comorien comme langue maternelle … mais choisir de m’exprimer en français. Mon identité est la somme de mes cultures. C’est elle qui me permet d’entrer en relation avec différentes catégories de personnes. Au contraire, les identités meurtrières dont parle Maalouf nous enferment dans une seule représentation. »

Une meilleure qualité de vie ?

L’interculturel permet d’ouvrir de nouvelles perspectives. Ayana reconnaît que son arrivée dans un petit village du sud de la France a été compliquée : nouvelle culture, nouvelle langue, nouvelle ambiance pour cette jeune mère de famille qui arrivait de Dubaï avec mari et -très jeunes- enfants. Cependant, l’expérience se révèle enrichissante. « Au Japon, il est très compliqué de se faire des amis. Au contraire, en France, même à Paris, c’est beaucoup plus naturel. Vous pouvez parler facilement avec les gens. D’ailleurs, la plupart de mes amis japonais apprécient cet aspect et ne veulent pas retourner au Japon.

Au Japon, pour avancer dans votre carrière, vous devez travailler énormément. Même après le travail, vous êtes tenu de sortir avec vos collègues pour aller boire dans les bars pour espérer une promotion. En France, cela ne fonctionne pas ainsi. La plupart des Japonais qui y vivent apprécient cet équilibre entre vie professionnelle et vie de famille. Pour les mères de famille aussi, la différence est de taille. Au Japon, il est impossible pour les mères de travailler. Les crèches ferment à 14.00. Et une fois que les enfants vont à l’école, les mères sont tenues d’être là pour faire face à tous les besoins de l’enfant. Les baby-sitters coûtent très cher et sont mal vues dans la société. Il y a en France une approche plus humaine de la vie. »

L’interculturel … pour mieux se comprendre soi-même

 « Personnellement, à travers les échanges de TellUs, je m’interroge davantage sur certains aspects de ma culture, ajoute Saïd. Cela me pousse à être plus tolérant, à essayer de comprendre les autres au lieu d’être dans le jugement. Ce sont également les retours que nous avons des autres membres. Nos ateliers nous aident à dépasser et prendre du recul face à la culture et essayer de comprendre l’autre, même si nous ne sommes pas d’accord sur certains points. »

« Aller à la rencontre des autres, de leur vécu nous fait revenir à nous-mêmes. On se rend compte que c’est aussi à nous de décider à quelles cultures ont veut s’identifier et à quelles inspirations on veut se référer » résume Éléonore.

L’interculturel pour surmonter les contradictions

Avoir un autre regard permet également d’expliquer et donc d’accepter ses propres paradoxes. « Nous avons tous des traits culturels qui parfois s’opposent, estime Saïd. Aux Comores, je ne fais pas le ménage, je ne prépare pas les repas. En France, si, même si nous sommes entre Comoriens. Chacun fait sa part des choses. Sinon, nous serions mal jugés. Nous nous adaptons mais parfois nous avons du mal à concilier les deux. Par exemple, les Comoriens de France se plaignent que la famille au pays ne les remercie pas d’envoyer de l’argent. Or aux Comores, on dit rarement merci à ses proches. Ce sont les étrangers que l’on remercie. Nous sommes le fruit de plusieurs cultures. Notre identité évolue sans cesse. C’est un peu difficile parfois, mais en parler permet de dépasser ces antagonismes. »

« L’identité est finalement comme un chemin, suggère Éléonore. On avance en prenant ça ou ça dans telle ou telle culture, on crée qui on est. La beauté du monde d’aujourd’hui est de pouvoir s’inspirer, prendre ce qui fait sens pour nous, dans notre vie et en fin de compte, de défendre certains aspects plutôt que d’autres. »

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Crédit photo : TellUs Cultures