L’hébergement solidaire contre la crise du logement

Logement
Hébergement solidaire

Gagner sa vie mais se retrouver à la rue. Un problème pour des milliers de travailleurs qui ont recours à l’hébergement solidaire, une association qui organise des hébergements temporaires chez des particuliers.

Rencontre avec Sophie de Margerie, co-fondatrice de Help Me Up.  

 

COOLOC : A qui s’adresse Help Me Up ?

Sophie de Margerie : Nous venons en aide aux personnes qui ont un travail mais ne parviennent pas à se loger. Nous les aidons à trouver une chambre chez un particulier pour une durée déterminée.

Help Me Up est une sorte de Airbnb solidaire. De nombreuses personnes qui ont recours à notre association sont des pères de famille. Ils ont une femme qui travaille et des enfants, qui vivent dans une ville alors qu’eux-mêmes travaillent dans une autre. Or ils ne parviennent pas à trouver d’hébergement car les loyers sont trop élevés. Comme ils ont des revenus, ils n’ont pas droit aux aides au logement.

Par exemple, dans le Pays Basque, les logements sont chers. Donc ces personnes se logent dans les campings. Sauf que les campings ferment en hiver. Faute d’hébergement, ils finissent par acheter un matelas gonflable et dorment dans leur voiture. Ce qui est interdit ! Ils doivent donc régulièrement changer de parking pour ne pas se faire prendre par la police. Le matin, ils vont se doucher dans les bains publics ou sur leur lieu de travail.

C’est injuste car ce sont des gens qui travaillent, qui sont durs à la peine. Des ouvriers qui dès 7h du matin sont sur des chantiers ou des apprentis qui en sont réduits à dormir dans leur voiture.

 

COOLOC : Comment est née l’association ?

Sophie de Margerie : C’est mon fils Grégoire qui a eu l’idée. Il participait aux “Hivers Solidaires” de Saint Germain des Prés. C’est là qu’il a rencontré des ouvriers qui profitaient du repas offert et ensuite allaient dormir dans leur voiture. Il s’est dit qu’il fallait faire absolument quelque chose. Il a cogité pendant 2 ans pour donner naissance à cette forme d’hébergement solidaire.

 

COOLOC : Comment fonctionne Help Me Up ?

Sophie de Margerie : Il suffit de remplir trois conditions pour être éligible à l’hébergement solidaire :

  • justifier d’une activité professionnelle (ou formation en alternance…) ;
  • être majeur ;
  • en situation régulière.

Help Me Up les loge, pour un nombre de nuits déterminé, chez des particuliers qui ont une chambre libre. Je me charge de rencontrer les accueillis avant, je leur explique le fonctionnement de l’association et leur fais signer la charte selon laquelle ils acceptent les règles de comportement chez les hébergeurs. Ils sont invités et doivent donc se comporter comme tels. Et cela fonctionne très bien. Ils sont très attentifs, polis, aimables.

 

COOLOC : Et qui sont les accueillants ?

Sophie de Margerie : Les accueillants sont des personnes ayant donc une chambre libre, sensibles à la problématique du logement.

On valorise le prix d’une nuit chez eux – comme avec Airbnb – et on le multiplie par le nombre de nuits. Notre association est reconnue d’intérêt général. Nous pouvons donc remettre aux accueillants un reçu fiscal qui leur donne droit à une réduction fiscale de 75% de la somme calculée.
C’est un système où tout le monde est gagnant. Les accueillants gagnent en pouvoir d’achat grâce à la réduction d’impôt. Les accueillis obtiennent un logement à proximité de leur travail. Il leur en coûte 4 € par nuit qu’ils versent à Help Me Up. C’est ce qui permet à l’association de fonctionner de façon autonome.

 

COOLOC : Comment avez-vous réussi à convaincre des particuliers d’accueillir chez eux de parfaits inconnus ?

Sophie de Margerie : Les premiers accueillants, nous les avons trouvés en faisant appel à notre réseau personnel. Et puis les retours ont été très positifs, ce qui nous a permis de convaincre davantage de monde.

Chaque personne accueillie et chaque famille hôte signe une charte qui fixe les règles pour bien vivre ensemble. Et comme avec Blablacar, on demande un retour sur la qualité du temps passé ensemble. Le bouche-à-oreille aussi fonctionne bien.

Aujourd’hui, nous avons un réseau de 40 familles d’accueil. Ils ont signé une convention d’hébergement solidaire avec l’association selon laquelle ils renoncent à une rétribution mais obtiennent une réduction fiscale.

Ce sont des personnes qui ont osé faire confiance en accueillant des inconnus chez eux. Parmi eux, certains louent des chambres en Airbnb. Et quand leur chambre est disponible, ils la proposent à Help Me Up.

Nous accompagnons la famille accueillante pour toute la durée de l’hébergement solidaire. Il s’agit d’abord de les rassurer, surtout avant l’accueil. Mais ça se passe très bien. Les personnes hébergées se montrent polies, prévenantes. J’ai reçu un pâtissier qui chaque jour m’apportait quelque chose : des crêpes, des fleurs, un poisson qu’il avait pêché… C’est une très belle aventure humaine.

Ce sont des gens courageux, absolument pas des assistés. Ils ne veulent pas que leurs enfants sachent qu’ils dorment dans leur voiture. Et moi, je considère que c’est une mission de les aider.

 

COOLOC : Où trouve-t-on Help Me Up?

Sophie de Margerie : Nous sommes présents à Paris et au pays basque. Nous sommes toujours à la recherche de chambres disponibles en région parisienne. Et nous cherchons maintenant  à nous développer sur les grands bassins d’emploi, en particulier les grandes villes. A Paris, par exemple, c’est beaucoup plus difficile de trouver une chambre libre. Et les durées de séjour sont plus courtes qu’au pays basque. On accueille quelqu’un pendant 3 jours plutôt que 15.

Nous sommes en discussion avec une grosse entreprise qui réfléchit à faire appel à nous pour assurer sa partie RSE. Elle encouragerait ses salariés à accueillir des gens ayant besoin de se loger. Si cela fonctionne, nous aurons davantage de familles accueillantes.

Nous sommes aussi en contact avec les pouvoirs publics. Nous avons rendez-vous avec le cabinet d’Anne Hidalgo. Et Bercy nous a accordé le maximum de réduction d’impôt possible. Car le problème de l’hébergement est pris très au sérieux par les pouvoirs publics. Selon Pôle Emploi, 34% des emplois sont refusés parce que les gens ne peuvent se loger à proximité du lieu de travail. Help Me Up, c’est aussi un moyen d’aider au retour à l’emploi.

 

Pour tout savoir sur les tendances de la co-location, consultez la rubrique “Logement” du blog de COOLOC. Et inscrivez-vous à la newsletter pour ne rater aucun article !

 

Crédit photo : Help Me Up