Le coliving, une communauté avant tout
Dans coliving, il y a le co- de communauté. Fort de ce constat, Carlos de la Lama – Noriega a créé Start Up Embassy, un coliving ou plutôt une communauté d’entrepreneurs, plus précisément d’entrepreneurs de la tech et qui se situe… dans la Silicon Valley bien sûr.
Le coliving, une nécessité
COOLOC : Comment est née Start Up embassy ?
Carlos de la Lama-Noriega : Lorsque je suis arrivé en Californie, en 2010, pour monter ma propre start up, j’ai vécu pendant 9 mois dans une hacker house. C’est extrêmement courant dans la Silicon Valley, vu les loyers. Les studios se louent 3 000 $/mois. C’était une expérience extraordinaire de partager cet espace avec d’autres entrepreneurs.
J’ai ensuite loué directement une maison à Palo Alto avec des chambres pour mes collaborateurs, un jardin, de l’espace pour travailler. Et j’ai pensé que cela valait la peine de prendre une maison un peu plus grande pour les louer à d’autres entrepreneurs et couvrir les frais.
Quand mon entreprise a fait faillite, j’avais encore un bail qui courait sur quelques mois avant de retourner en Espagne. J’ai donc décidé de louer toutes les chambres pour couvrir les frais. Cela n’avait rien de très nouveau pour moi. Lorsque j’étais dans la Black House, j’étais devenu une sorte de house manager. J’avais acquis l’expérience nécessaire pour gérer une maison de ce genre.
COOLOC : Comment êtes-vous passé d’une colocation à un co-living dédié aux entrepreneurs ?
Carlos : Dès le début, en juillet 2012, j’ai pris la meilleure décision de ma vie : j’ai filtré les gens. Il fallait que j’apprécie les gens avec lesquels j’allais vivre. Pour venir habiter dans la maison, il faut être un entrepreneur de la tech, travaillant déjà dans sa propre start up. Comme le nom « Carlos house » n’avait rien de très attirant, j’ai bâti une marque autour de la maison pour attirer les candidats.
Un coliving devenue une communauté
Carlos : Le concept a donné naissance à une communauté extraordinaire, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison. Les colivers n’ont pas mis longtemps à échanger entre eux, discuter, à travailler ensemble… A la fin du bail, je n’ai pas hésité. Au lieu de retourner en Espagne, j’ai renouvelé le bail.
Aujourd’hui, Start Up Embassy est une communauté de plus de 2 000 entrepreneurs venus de 90 pays. La presse nous a repéré comme l’une des 10 top tech entrepreneurs community de la Silicon Valley. Nous faisons aujourd’hui partie de l’écosystème de la Silicon Valley.
Des mots-clefs qui rassemblent
COOLOC : Comment faites-vous venir les entrepreneurs et uniquement les entrepreneurs dans votre coliving ?
Carlos : La première étape pour nous rejoindre est de remplir un questionnaire avec des questions ouvertes. Il existe des mots-clefs que je veux voir dans les réponses.
Par exemple : nous avons levé telle somme dans notre pays et nous venons sur le marché de la côte ouest; nous voulons tester des opérations marketing aux Etats-Unis ; nous venons d’intégrer un programme de 3 mois dans un incubateur à Moutain View… Il y a des mots clefs qui montrent que les candidats sont des entrepreneurs qui veulent clairement rejoindre notre communauté. C’est l’état d’esprit qui prime. La culture tech est très forte. Si vous êtes un entrepreneur de la tech, vous vous reconnaissez immédiatement dans l’ambiance. Lorsque vous utilisez les mêmes mots clefs, vous savez déjà que vous êtes au bon endroit.
Il arrive qu’il y ait des erreurs, que certains n’aient pas l’état d’esprit de l’entrepreneur. Mais la culture du lieu est tellement forte qu’ils s’en rendent compte d’eux-mêmes et partent s’ils ne sont pas à l’aise.
Rassembler des gens autour de l’entrepreneuriat
COOLOC : Est-ce en misant sur un coliving dédiés aux entrepreneurs de la tech que vous êtes parvenus à construire une communauté ?
Les entrepreneurs, c’est l’ADN du coliving. Et il est vrai qu’au départ, c’est une niche.
Ensuite, gérer un coliving n’est pas très difficile : il suffit de proposer un espace ! Chez nous, vous pouvez venir de n’importe quel pays du monde, de n’importe quelle culture, avoir n’importe quel âge… L’important, c’est d’être dans le même état d’esprit : vous êtes en train de construire une start up qui va changer le monde et vous vous retrouvez avec d’autres entrepreneurs qui font la même chose…. Il suffit juste de laisser la magie opérer.
Quand vous êtes entrepreneur, vous affrontez des montagnes, prenez des risques, votre entourage ne comprend pas toujours votre projet… Et ici vous rencontrez des gens qui font face aux mêmes difficultés, aux mêmes questionnements ou qui les ont affrontées dans le passé. Cela crée des liens, immédiatement.
Les co-livers non seulement vivent sous le même toit, montent leur start up. Mais ils veulent tous apprendre, s’améliorer et réussir.
Quels services pour des entrepreneurs de la tech ?
COOLOC : Quels sont les besoins des co-livers qui viennent chez vous ?
Carlos : Je crois que si je réussis dans ce que je fais, c’est en grande partie parce que je ne viens pas de l’immobilier. Il a fallu que j’invente tout. Dans le domaine du coliving, tout le monde se demande quels services ajouter pour augmenter la valeur de leur offre.
De mon côté, je constate qu’à partir du moment où vous avez les bonnes personnes dans votre co-living, vous n’avez pas besoin de grand-chose de plus. Vous offrez l’espace nécessaire et de quoi grandir, s’améliorer.
Les entrepreneurs travaillent 7 jours sur 7 et peuvent avoir besoin de l’espace de co-working n’importe quand. J’attends d’eux qu’ils travaillent et je leur en donne les moyens. Nous organisons aussi des événements avec des entrepreneurs à succès pour discuter et échanger. Il n’y a pas besoin de grand-chose de plus.
Un modèle vertical
Carlos : La plupart des opérateurs traditionnels ont peur de la verticalité. Ils veulent avant tout remplir leur espace. Cela vous entraîne dans une spirale. Vous commencez par accepter n’importe qui. Et vous vous rendez compte rapidement que vos co-livers n’ont rien en commun. Construire une communauté à partir de gens qui partagent juste un logement devient alors très compliqué. Vous devez donc justifier vos prix en ajoutant davantage de services… ou davantage de lits.
C’est pourquoi la niche prend tout son sens. « Do things that don’t scale », faites des choses qui n’ont pas besoin de grandir » dit l’investisseur Paul Graham. A première vue, un co-living pour entrepreneurs de la tech est une niche. Vous attirez moins de gens que si vous vous adressez à une catégorie plus vaste, les nomades digitaux par exemple qui n’ont qu’un point commun : ils aiment voyager. Vous devez trouver des ressources, des services pour animer la communauté et faire en sorte que cela fonctionne.
Si vous vous concentrez sur une niche, par exemple, des gens qui veulent apprendre le saut à ski, vous aurez bien plus d’interactions, de conversations, d’échanges dans votre coliving. Car c’est le sujet qui passionne et rassemble tous ceux qui sont là. Les gens peuvent devenir amis, voire très bons amis, autour d’une passion commune. Pour le community manager, cela devient très facile à gérer.
De plus, avec votre communauté de skieurs, vous pouvez trouver d’autres sources de revenus parallèlement au co-living : des podcasts, du sponsoring. L’idée est de construire une culture forte au point que tous les passionnés vont vouloir venir chez vous. Si vous devenez une référence dans votre domaine, vous pouvez générer davantage de revenus par des activités annexes que par votre coliving.
Coliving ou communauté ?
Carlos : La plupart des images des colivings mettent en avant les espaces… Et la plupart du temps, il n’y a pas de co-livers sur les photos, juste les espaces vides. Vous n’avez aucune idée de l’ambiance. Ici, nous avons construit une communauté d’entrepreneurs passionnés et c’est notre point fort.
Aujourd’hui, vous pouvez facilement ouvrir un coliving et ça va bien marcher. Mais je pense que, d’ici 5 ans, il faudra avoir développé une forte culture spécifique pour perdurer. Une fois que des habitants de coliving auront découvert et compris ce qu’est une vraie communauté, ils vont avoir envie de retrouver cette ambiance. C’est pourquoi le coliving va bien au-delà du logement.
Un opérateur me racontait l’autre jour que l’un de ses co-livers demandait une chambre plus grande. Pour moi, ce n’est pas un vrai co-liver, c’est quelqu’un qui cherche à se loger. Si un co-liver veut rejoindre une communauté, peu lui importe la taille de sa chambre ou les services. Ici, si un candidat a des exigences sur sa chambre ou ce qu’il attend de son logement, je ne vais pas l’accepter. Car je sais que ce n’est pas la communauté qui l’attire. À la Start Up Ambassy, nous offrons le partage d’une communauté et non pas un espace pour s’isoler.
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Crédit photo : Carlos de La Lama Noriega