Eco-crèche : lorsque les enfants renouent avec la nature
Pas besoin de jeux à l’éco crèche. Vivre au contact de la nature offre une aire de jeux et d’apprentissage infinie aux enfants. Ce petit paradis, situé à quelques kilomètres du centre de Genève a été imaginé et créé par Viktorie Škvarková, pour permettre aux enfants de s’épanouir en toute sécurité.
Une éco crèche née d’un besoin personnel
Cooloc : Comment avez-vous eu l’idée d’une éco-crèche en forêt ?
Viktorie Škvarková : C’était il y 8 ans. Je travaillais dans une crèche classique qui était réticente à faire sortir les enfants : soit l’équipe encadrante n’était pas assez nombreuse, soit il faisait trop froid… Un jour, en janvier, il faisait très beau et pas très froid. Mais nous devions garder les enfants à l’intérieur. Nous ne pouvions pas leur enlever leur pull même s’ils avaient chaud. Ils jouaient avec des jouets en plastique. C’est là que j’ai pensé : « je ne veux pas participer à ça. Où puis-je travailler pour éviter ces situations ? »
Une amie de Prague m’avait parlé de la crèche en forêt, très répandue en République Tchèque. Elle y avait inscrit, en septembre, sa fille qui avait des problèmes d’asthme. À Noël, son asthme avait presque totalement disparu.
C’est la conjonction de ces deux évènements qui m’a décidé. J’ai cherché à Genève une crèche où je pouvais travailler en extérieur. Comme cela n’existait pas, je l’ai créée. Je l’ai appelée l’éco crèche car la dimension écologique est très importante.
A la découverte du monde
COOLOC : Comment fonctionne l’éco-crèche ?
Viktorie Škvarková : Pour l’instant, la crèche n’est ouverte que le matin, mais une fois les autorisations nécessaires obtenues, nous comptons bien être ouverts jusqu’à 16h00.
Le matin, nous sommes organisés en 2 petites équipes. L’une reste sur place pour accueillir les enfants que leurs parents amènent directement. L’autre attend les enfants à la gare du centre-ville.
En effet, pour les parents qui vivent en ville, nous proposons d’emmener et de ramener les enfants en train. Cela facilite la vie des familles de ne pas avoir à venir jusqu’à l’éco crèche. De plus, le train est plus écologique que la voiture ou le bus.
Et les enfants adorent. Le train, pour eux, c’est un monde en soi : appuyer sur un bouton pour ouvrir la porte, regarder le paysage par la fenêtre, échanger avec les voyageurs parfois… Cela fait partie de la découverte du monde et c’est une dimension primordiale à l’éco crèche.
Une fois que tous les enfants sont présents, nous nous réunissons au canapé forestier et faisons un feu au milieu. Cela permet aux enfants d’être actifs. Certains vont chercher du bois, d’autres préparent les papiers pour le feu. C’est aussi là que nous prenons les repas. Chaque enfant a sa propre souche pour s’asseoir et poser son assiette.
Le principe de l’éco crèche : toujours dehors !
Le matin, nous décidons ensemble de ce que nous allons faire.
Nous pouvons passer la matinée sur place. Nous sommes sur le terrain d’une ferme, avec un espace boisé. Il y a des animaux. Les enfants peuvent donner à manger aux chèvres, observer les poules et leurs poussins. Il y a aussi des canards, des écureuils qu’on voit tous les jours à la belle saison, des abeilles….
Sans oublier qu’il y a de quoi faire dans une ferme. Par exemple si nous devons couper du bois, les enfants peuvent nous observer ou nous donner un coup de main. Mais ils ne sont pas obligés de faire une activité. Ils peuvent aussi grimper aux arbres, jouer ensemble ou dans leur coin. Ils trouvent toujours quelque chose à faire.
A la découverte de la nature
Nous pouvons aussi décider de faire des balades. Il y a une forêt à 200 mètres avec un ruisseau. Cela démultiplie les activités. Ils jouent avec ce qu’ils trouvent, ensemble ou seuls, ils manipulent les bâtons, les feuilles. Ils s’adaptent à la météo. En été, ils marchent dans le ruisseau. En hiver, ils laissent les feuilles tomber dans le ruisseau pour voir comment elles flottent…
Il y a une autre ferme, à proximité, avec des chevaux, des chats, des lapins, des arbres fruitiers. L’été, nous allons cueillir les fruits et nous les mangeons. Aucune journée ne se ressemble.
Un programme : la liberté des enfants
Le principe est de laisser la liberté à l’enfant de faire ce qu’il veut, avec qui il veut. En tant qu’adulte, nous donnons un cadre sécuritaire, affectif et physique mais nous n’imposons rien aux enfants. Nous sommes disponibles pour eux, pour répondre à leurs questions et à leurs besoins. Souvent, ce sont les enfants eux-mêmes qui inventent leurs activités.
Une éco crèche familiale
Nous accueillons 16 enfants, et nous sommes 4 adultes à temps plein pour les encadrer. Nous accueillons aussi des bénévoles qui viennent soit régulièrement, soit ponctuellement. Des stagiaires viennent régulièrement nous rejoindre. Nous sommes donc souvent 5 adultes. En revanche, nous essayons de faire en sorte de limiter les nouvelles têtes à une par semaine car les enfants ont besoin de stabilité.
Nous voulons nous limiter à 16 enfants, non seulement parce que nous n’avons pas les autorisations nécessaires pour en accueillir davantage, mais surtout parce que cela nous permet de faire un travail de qualité. Nous connaissons chaque enfant, ses parents et parfois ses grands-parents, ses cousins, le chien… D’ailleurs l’équipe et les parents en général se tutoient.
Nous organisons des journées collaboratives où les parents des enfants viennent nous aider à construire ou aménager l’éco crèche. Les enfants voient aussi que leurs propres parents s’impliquent dans la crèche.
Une structure qui se concentre sur l’essentiel
Côté structure, nous avons une roulotte qui peut accueillir 16 enfants pour la sieste. Elle a un poêle à bois pour le chauffage en hiver, mais n’a pas d’électricité… car nous n’en avons pas besoin concrètement.
Nous avons un lavabo à côté de la roulotte et deux toilettes sèches : une pour les adultes, une pour les enfants.
Nous n’avons pas de structure en dur. En cas de pluie, nous avons une bâche au-dessus du canapé forestier pour nous protéger pendant le repas. Et s’il fait trop froid ou que des tempêtes sont annoncées, nous fermons la crèche.
Une crèche … sans jouet et qui limite ses déchets
Nous n’avons pas de jouets non plus. Nous n’en avons pas besoin. Les enfants ne nous en demandent pas, ni même un seau ou une loupe pour observer ce qu’ils trouvent dans la forêt.
Le seul matériel présent est celui dont nous avons besoin pour le quotidien et qui est utile pour la communauté. Par exemple, nous avons un seau et une pelle pour vider les cendres du foyer. Et autant que possible, nous n’utilisons pas d’objets en plastique. Si nous avons besoin de quelque chose et qu’il existe des équivalents sans plastique, nous privilégions cette dernière solution.
Par ailleurs, nous limitons au maximum nos déchets : nous achetons les produits en vrac, privilégions le troc ou la seconde main pour les objets dont nous avons besoin.
Nous collaborons avec les autres acteurs de la transition écologique à Genève. Nous nous fournissons chez eux et encourageons les parents à faire de même, à acheter des gourdes écologiques et à utiliser des couches et des mouchoirs lavables. Si un enfant vient avec un paquet de mouchoirs jetables, nous le laissons dans son sac et nous utilisons nos mouchoirs lavables et des lavettes en tissus découpées dans de vieux draps.
A la fin de la journée, en fin de compte, nous n’avons comme déchets que deux ou trois couches à jeter.
Une cuisine locale
Pour la nourriture, nous faisons pour le moment appel à un traiteur. Quand il y a des restes, nous les distribuons aux membres de l’équipe ou aux familles des enfants. Pour les restes laissés par les enfants, nous avons un compost.
A partir de septembre 2020, nous ferons appel pour les repas à une association qui livre à vélo, prépare des repas végétariens, zéro déchets… et qui se fournit en fruits et légumes dans la ferme où nous sommes. Difficile de faire plus local et de saison ! De plus, cela nous permettra de cuisiner un peu avec les enfants.
Des enfants venus de partout
Cooloc : qui sont les parents qui envoient leurs enfants à l’éco crèche ?
Viktorie Škvarková : Nous n’avons pas un profil type. Les parents sont banquiers, artistes, enseignants, médecins… Souvent, ils nous disent : « mon enfant a besoin de bouger ! ». Mais ce n’est pas seulement le leur : tous les enfants ont besoin de bouger !
Nous avons 400 familles inscrites en liste d’attente, même des bébés de 3 semaines, en prévision du moment où il y aura de la place.
Malheureusement nous ne sommes pas encore conventionnés et cela se répercute sur les tarifs des inscriptions. C’est la principale limite.
COOLOC : Et qui sont les enfants que vous accueillez ?
Viktorie Škvarková : Nous accueillons les enfants à partir de 2 ans et demi jusqu’à 4 ans. A partir de 4 ans, en Suisse, l’école est obligatoire. Sauf le mercredi. Nous accueillons alors aussi des enfants jusqu’à l’âge de 8 ans.
Notre objectif à terme est d’accueillir des enfants jusqu’à 8-10 ans toute la semaine, notamment ceux qui sont scolarisés à la maison. Ils sont assez nombreux dans les cantons voisins de Genève.
Et pourquoi choisir l’éco crèche ?
Viktorie Škvarková : Pour l’instant, il n’existe aucune étude sur les enfants accueillis en crèche en forêt. Mais j’ai eu de nombreux échos de République Tchèque, où ces structures sont nombreuses. Les enfants qui fréquentent la crèche en forêt apprennent à se débrouiller, à être autonome. Ils s’adaptent facilement à leur environnement, à la météo, aux obstacles en forêt. Ils sont créatifs. Ils s’organisent et s’entraident volontiers.
S’ils sont obligés de rester à la maison, ils trouvent des moyens de s’amuser avec ce qu’ils ont sous la main. Sans oublier qu’ils sont entrainés physiquement. Si à partir de 2- 3 ans, ils sont habitués à marcher, plus grands, ils peuvent parcourir des kilomètres sans se fatiguer.
D’une manière générale, il semble que les enfants deviennent plus vite autonomes. L’eco-crèche, c’est un moyen d’aider son enfant à grandir, mais aussi de le préparer à la transition écologique.
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Crédit photo : Eco-crèche Education-Durable