Vivre en co-location ou en coliving … à long terme, c’est possible
Comment vivre sereinement en co-location et sur le long terme ? Corentin vit en co-location depuis 2017. Il vient même d’acquérir un appartement où il a emménagé avec ses co-locataires. Pour vivre bien ensemble à long terme, une règle: « se parler » !
Vivre en co-location… pour ne pas vivre seul
COOLOC : Pourquoi avoir choisi la vie en co-location ?
Corentin : Notre co-location a commencé en 2017. J’avais quitté mon poste à Genève où je travaillais. Je vivais dans une petite ville et je venais de me séparer. J’étais un peu seul. J’avais un collègue qui était devenu un ami. Il louait une chambre dans une maison particulièrement impersonnelle et il cherchait à changer. Nous avons pensé que nous pourrions vivre ensemble. Cela me permettait de partager le loyer. Comme nous étions dans le même domaine, c’était l’occasion d’avoir des discussions intéressantes.
Ça a très bien fonctionné. Et ce n’était pas gagné au premier abord. Je suis extrêmement ordonné. Et je sais que les expériences de vie à plusieurs ne sont pas toujours faciles. J’avais vécu en co-location étant étudiant et ce n’était pas très agréable. Mais dans notre cas, cela s’est bien passé.
Au bout d’un an, nous avons déménagé ensemble pour Lyon. L’appartement que nous avons choisi avait une chambre supplémentaire pour accueillir un -ou une- autre co-locataire.
Nous avons d’abord accueilli la sœur d’un ami. Elle était beaucoup plus jeune que nous. Pour elle, c’était du dépannage. Nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes. À presque 30 ans, nous voulions vivre en co-location avec des gens qui avaient envie d’être là et partager notre conception de la communauté. Rien à voir avec les colocations étudiantes où les colocataires sont là uniquement pour des raisons de contraintes financières. Au final, elle n’est restée que deux mois et cela s’est très mal passé.
Faire les choses ensemble
Corentin : Nous avons ensuite accueilli une jeune femme de 30 ans, qui travaille en free lance. Tout s’est super bien passé avec elle. Elle vivait entre Lyon et Paris. Elle voulait un logement pas trop cher à Lyon, car elle y passait la moitié de son temps. Et elle ne voulait pas être seule quand elle rentrait. Il lui manquait un lien social. Nous nous sommes tous très bien entendus.
Encore aujourd’hui, nous faisons beaucoup de choses ensemble. Nous faisons les courses ensemble, nous mangeons ensemble, nous faisons du sport ensemble… Ce n’est pas du tout chacun pour soi dans sa chambre.
Nous sommes tous les trois vraiment très liés. Je vis avec des personnes qui me sont très proches. C’est d’autant plus fort que nous aurions pu choisir tous de vivre autrement, seuls dans nos logements respectifs.
Un achat immobilier … avec ses co-locataires
COOLOC : Aujourd’hui, vous avez sauté le pas et acheté un appartement ?
Corentin : Nous avions au départ le projet d’acheter un logement tous les trois ensembles. Vivant au XXI° siècle, nous n’avons pas peur d’innover dans nos modes de vie. Ce n’est malheureusement pas le cas des banques. Nous avons d’abord pensé monter une SCI qui permet de partager l’investissement. Or l’une est free lance, l’autre en CDD. Cela entraînait beaucoup de contraintes de comptabilité. Ayant la situation la plus stable, je devais porter seul le poids financier de l’emprunt.
La SCI nous apportait des garanties plus fortes, mais les conditions imposées par les banques étaient démesurées.
Nous avons ensuite pensé à acheter ensemble. Mais les risques étaient trop grands. Nous ne pouvons pas garantir le comportement des ex-compagnes ou ex-compagnons. S’ils vous en veulent, ils peuvent vous compliquer la vie, nous a expliqué le notaire que nous avions consulté. Nous avons donc laissé tomber cette solution. J’ai pris un emprunt seul et nous nous organisons entre nous.
Nous avons visité et choisi l’appartement ensemble et nous nous sommes mis d’accord pour faire les travaux ensemble. Chacun a choisi sa chambre et l’organise comme il le souhaite.
Nous sommes actuellement en plein en travaux. C’est une nouvelle aventure. C’est un peu plus compliqué, mais nous nous en sortons et cela commence à prendre forme.
Des difficultés inattendues
COOLOC : Qu’est-ce qui vous semble plus compliqué dans cette nouvelle étape ?
Corentin : Les co-locataires sont des amis mais nous n’avons pas de lien de parenté. Avec la famille, il y a moins d’efforts à faire, de choses à prendre en compte. La question de l’éducation joue également. J’ai de nombreux frères et sœurs. En termes d’éducation, de goûts, de choix vous êtes plus proches si vous avez reçu la même éducation. Si vous avez été élevé de façon différente, avec des vécus différents, vous vous rendez compte que vous n’avez pas les mêmes goûts.
Cela ne vous frappe pas forcément en location. Vous êtes moins libre de faire ce que vous voulez avec les peintures, les décorations, car vous devez remettre l’appartement en état quand vous partez.
La question se pose différemment quand le bien vous appartient. Les discussions ne sont plus les mêmes. Vous vous rendez compte que vous n’avez pas les mêmes goûts. Par exemple, quand vous discutez de ce que vous voulez mettre dans les parties communes, vous vous rendez compte qu’il faut faire des concessions. Et vous parlez de concessions qui vont durer dans le temps…
Et des solutions en commun
COOLOC : Et qu’est-ce qui est plus simple ?
Corentin : Je n’aurais pas pu faire les travaux que je voulais entreprendre tout seul. C’était impossible. Je me serais épuisé d’autant plus que j’ai un travail à côté. Être à 3 nous permet de nous entraider et de faire beaucoup ensemble. Chacun se sent investi. Si vous faites appel à des amis pour vous donner un coup de main, ils peuvent vous aider pendant un week end ou deux. Mais ils ont leur propre vie et ne sont pas toujours disponibles.
Vos co-locataires vont vivre avec vous dans l’appartement. Cela leur importe que les travaux soient bien faits, donc d’être là pour les faire tous les jours. Et puis vous vivez ensemble tous les jours dans la poussière. Cela vous motive pour avancer.
Un projet intermédiaire
COOLOC : Il s’agit d’un choix sur le long terme. Est-ce que vous ne craignez pas les changements de situation des uns et des autres ?
Corentin : Nous avons fait évoluer nos attentes. Au départ, nous souhaitions quelque chose d’excentré, à la campagne, qui nous permette d’accueillir plus de monde que nous trois. Nous l’avons toujours en tête mais nous n’avons pas la capacité financière pour le faire.
Nous avons donc choisi une solution intermédiaire pour cette partie de notre vie. Dans 5 à 10 ans, nous verrons si nous arrivons à trouver quelque chose de beaucoup plus grand.
Prendre en compte les évolutions de chacun
COOLOC : Comment gérez-vous les potentiels changements à venir (couples, enfants…) ?
Corentin : Nous sommes deux à être en couple. Les risques pour que nos situations personnelles changent existent. Mais il s’agit de risques discutés.
Mon co-locataire a déjà été marié et a une fille. Lorsque nous avons pensé à monter une SCI, nous avons envisager le cas où il viendrait à décéder. Comme cela se passe mal avec son ex-femme, nous devions envisager ce cas de figure et savoir que faire si elle voulait se retourner contre nous.
Nous nous sommes posé de multiples questions. Qu’arrive-t-il si l’un de nous décède ? Quels accords devons-nous prévoir ? Le prêt est à mon nom. S’il m’arrive quelque chose, comment permettre à mes co-locataires de se retourner ? Comment garantir à mes co-locataires que mes parents ne les mettront pas à la porte si je venais à disparaitre ? Comment peuvent-ils se retourner rapidement financièrement ? Nous avons discuté, jaugé les risques avant de nous lancer.
Bien vivre en co-location : la règle de base
COOLOC : Quelle est la règle de base en co-location ?
Corentin : Le principe de base, pour vivre en co-location, c’est que rien ne va de soi. Ce n’est pas parce que vous vous attendez à quelque chose de la part de quelqu’un que cela va aller. J’ai appris avec le temps que si quelque chose ne va pas, il faut le dire tout de suite, et gentiment.
Nous, nous passons beaucoup – mais vraiment beaucoup – de temps à discuter. Nous abordons tous les aspects de ce qui va, de ce qui ne va pas, de ce qu’il faudrait changer… C’est nécessaire pour vivre ensemble.
Par exemple, si nous voulons inviter des gens à la maison, nous en discutons. Quand ? Comment ? Qu’est-ce qui dérange ?… Nous discutons de tous les aspects car tout peut être porteur de problèmes, de frustrations. Certaines personnes gardent beaucoup en eux. Ils explosent à un moment à cause d’un détail et vous ne comprenez pas pourquoi. En fait, depuis 6 mois, ils gardent pour eux quelque chose qui ne leur a pas plu.
Il n’y a pas très longtemps, un de mes co-locataires a commencé à recevoir des gens qui passaient à l’improviste. Si c’est le week end, pour moi, cela ne pose pas de problème. Mais, là, nous étions en semaine. Les gens passaient le matin à 10h30. Moi, je travaillais à la maison, j’avais des rendez-vous téléphoniques. Nous étions tous autour de la table où je travaillais. Pendant 1h30, je ne pouvais rien faire. Je l’ai dit à mes co-locataires : « des gens qui viennent pendant que je travaille, c’est non. Je travaille là, ce n’est pas possible. » Mon co-locataire a parfaitement compris et ne l’a plus jamais refait. Si vous ne dites pas les choses, vous finissez par exploser et cela devient invivable.
L’art de faire des concessions
Corentin : Un des co-locataires a des positions très arrêtées sur l’écologie. Nous l’acceptons. Moi, cela m’importe moins, mais je m’adapte et je fais un effort. En conséquence, nous n’achetons pas n’importe quoi à manger. Nous prenons en compte le bilan carbone.
L’autre co-locataire est très porté sur le zéro déchet. Les produits de nettoyage sont fabriqués à la maison. Je ne suis pas forcément fan des ateliers de fabrication des produits de nettoyage. Mais je fais des concessions, comme eux font des concessions sur ce qui m’importe vraiment. Il est impossible d’être psycho rigide en co-location. Il faut savoir où mettre le curseur : qu’est-ce qui m’importe vraiment ? Sur quoi puis-je faire des concessions ?
Pour nous, vivre en co-location, ce n’est donc pas seulement de partager trois chambres et un loyer. C’est vivre vraiment ensemble sur le long terme. Tout est sujet à discussion. Car nous avons appris que rien ne va de soi. Pour bien vivre en co-location, vous devez savoir discuter de tout, de ce que vous pouvez accepter – ou pas-, de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas… Résultat : en 5 ans, nous avons dû nous engueuler au maximum 4 ou 5 fois.
Les règles pour bien choisir ses co-locataires.
COOLOC : Que recommanderiez-vous pour bien choisir vos co-locataires ?
Corentin : Vivre en co-location, ou en co-living, c’est d’abord vivre ensemble. Lorsque vous cherchez un co-locataire, sachez par avance tout ce qu’il faut lui dire, comment s’organise la co-location chez vous. Cela vous permet de mettre les choses au clair tout de suite. Si ça ne convient pas à la personne, vous saurez qu’elle ne va pas pouvoir vivre avec vous. Si cela lui convient, alors pas de problème.
Lorsque notre co-locataire a dû partir pendant un temps pour contraintes personnelles, nous avons accueilli pendant son absence un autre co-locataire. Cela s’est très bien passé. Pourquoi ? Parce que nous avons su lui dire comment fonctionnait la co-location avec nous.
Au contraire de notre toute première colocataire, avec laquelle ça s’était mal passé. Nous ne nous connaissions pas aussi bien. Cela a duré deux mois, et c’était vraiment dur. La co-location nous a appris à mieux nous connaître, nous-mêmes et les autres. Et nous savons maintenant comment choisir les gens avec lesquels nous voulons habiter.
COOLOC l’a parfaitement bien compris. Les inscrits renseignent plein d’informations. Quand vous vivez en co-location, que vous voulez être proches les uns des autres – et pas chacun dans sa chambre – les questions de COOLOC prennent tout leur sens. Il ne faut pas croire, par exemple, que les questions de politique, d’écologie, la sensibilité morale soient des questions personnelles. Si vous vivez en co-location, vous ne vous en fichez pas. Vous vivez avec cela au quotidien. Les gens ne doivent pas se sentir mal à l’aise une fois qu’ils ont emménagés. Ils doivent savoir à quoi s’en tenir avant de venir vivre avec leurs co-locataires. Les questions de COOLOC ne sont pas anodines. Au contraire, elles sont fondamentales pour vivre en co-location à moyen et long terme.
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Crédit photo : Samuel McGinity