Le numérique face à l’humain : chance ou menace ?

Témoignages
L'humain face au numérique selon Olivier Babeau

Le numérique est-il une chance ou une menace pour l’humain ? C’est pour répondre à cette question qu’Olivier Babeau a co-fondé en 2017, le premier think tank tech, l’Institut Sapiens. Il rassemble des élus, des universitaires, des responsables d’entreprises, de simples citoyens. Leurs rencontres et leurs discussions permettent de produire des savoirs entre ces expertises « qui ne sont pas toujours valorisées » remarque Olivier Babeau.

 

Penser l’humain face au monde numérique

COOLOC : Comment est né l’Institut Sapiens ?

Olivier Babeau : Le think tank a été créé sur l’idée fondamentale que les technologies changent le monde, dans le bon sens comme dans le mauvais. Il y avait énormément de choses à penser autour de ces bouleversements. D’où l’idée de Sapiens, notre point commun. Nous sommes tous homo sapiens mais dans un monde de plus en plus technologique.

La crise sanitaire peut se lire à travers le numérique : les technologies ont été accélérées. Leur place a augmenté dans nos occupations, dans notre attention, dans le fonctionnement social, politique. Le numérique est une partie des réponses – et parfois des problèmes- qui s’ajoutent aux crises biologiques ou sanitaires.

 

L’humain dans un monde numérique : quels risques ?

COOLOC : Quelle est la société qui est en train d’émerger au regard de ce prisme numérique ?

Olivier Babeau : C’est le sujet de mon prochain livre à paraître en septembre, Le nouveau désordre numérique. Je suis assez pessimiste. Je constate que le numérique est en train de diviser le monde, de le polariser, là où on pensait qu’il allait l’unir. Il accélère les discordes au niveau économique, social et politique. Ma crainte est qu’on ait un monde de plus en plus inégalitaire. La polarisation, présente dans tous les domaines, est favorisée par les nouvelles technologies.

Le problème n’est pas tant d’avoir accès à ces technologies. On pensait que cela suffirait pour donner le savoir. Or c’est l’inverse qui s’est passé. Le savoir est devenu banal et accessible. Il ne coûte quasiment rien, il est accessible en permanence. La connaissance, en revanche, se fragmente. On a beau avoir le savoir accessible à un click, on n’y va pas forcément.  

Nous sommes à l’ère de la post-vérité : tout est devenu opinion. Les réseaux sociaux n’ont pas permis l’épanouissement d’un débat politique apaisé, l’apparition d’un consensus raisonnable. Au contraire, nous assistons à l’explosion des expressions extrêmes et délirantes.

 

L’éducation au secours de l’humain dans un monde numérique

COOLOC : Quels seraient les moyens d’y remédier ?

Olivier Babeau : La situation n’est pas totalement désespérée. Depuis toujours, la réponse est dans l’éducation. Nous devons devenir des athlètes de la connaissance. Nous devons mélanger Athènes et Sparte. Sparte avait laissé tomber la littérature et les arts pour devenir une société guerrière. A Athènes, il y avait une vénération du savoir éclairé, de la philosophie, la discussion… Nous devons unir les deux.

Le monde numérique entraîne des problèmes de captation de l’attention, d’addiction aux nouvelles technologies et des phénomènes inhérents. Il faut donc remettre la culture de notre cognition au cœur de la société car c’est la culture de notre humanité.

C’est une nécessité pour reprendre le contrôle de nous-mêmes afin de recréer les conditions d’un dialogue éclairé. Il s’agit d’assurer le fonctionnement de la démocratie, car il n’existe pas de démocratie sans citoyens éclairés. En particulier face aux techno-dictatures à la chinoise qui sont en train de se développer. Et cela nous permettra aussi de résister aux grandes plateformes hégémoniques du net.

 

L’éducation pour affronter le monde numérique

COOLOC : Les nouvelles technologies permettent aussi l’éclosion de nouvelles formes de solidarités ?

Olivier Babeau : C’est même un motif d’espoir assez clair ! La technologie ne nous condamne pas à la domination de plateformes qui vont vassaliser l’ensemble des autres entreprises. Elle peut aussi être utilisée comme levier pour créer des initiatives, par exemple en mettant en relation des gens qui vont échanger des biens ou des services. Elle donne accès à l’information pour aller chercher un fournisseur près de chez vous et consommer localement. Ce qui serait impossible autrement. Elles nous permettent de lancer, à bas coût et très rapidement, des plateformes de partage. On peut ainsi rapidement agréger des gens autour d’initiatives positives. Le problème, c’est que les idées extrêmes font la même chose.

Internet est un formidable outil pour un esprit formé à la critique. L’éducation est donc plus importante que jamais. Si vous êtes très bien doté intellectuellement, internet peut être un jardin des délices. Dans le cas contraire, nous risquons d’être hypnotisés comme les lapins devant les phares d’une voiture : il y a un phénomène de sidération devant les réseaux sociaux, les grandes plateformes. Je crois au fait qu’une réaction peut venir. Nous avons besoin d’une culture de l’information forte pour faire face aux grands acteurs qui ambitionnent d’être nos uniques partenaires commerciaux … et donc nos maîtres ! La technologie est un très bon serviteur mais un mauvais maître.

 

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Crédit photo : Institut Sapiens