La colocation solidaire, un tremplin pour une nouvelle vie
La colocation solidaire pour aider les réfugiés en France à commencer une nouvelle vie ? C’est le pari d’Habitat et Humanisme, une association qui depuis plus de 30 ans accompagne la réinsertion des personnes fragiles.
Depuis quelques années, Habitat et Humanisme vient également en aide aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, à travers le logement.
Et l’association teste avec succès différentes formes de colocations solidaires pour les aider à démarrer une nouvelle vie en France.
Les réfugiés, loin des clichés
Les réfugiés : lorsqu’il en est question, vous viennent peut-être en tête ces images de hordes de personnes qui cohabitent dans de grands gymnases reconvertis à la va-vite en immenses dortoirs ?
La réalité est plus complexe. Il existe des hébergements d’urgence ouverts suite au démantèlement de Calais en 2015, explique Maud Vandoolaeghe, adjointe du directeur du pôle Réfugiés d’Habitat et Humanisme. Ils accueillent principalement les demandeurs d’asile.
Mais entre migrants, demandeurs d’asile, réfugiés comment s’y retrouver ?
« Ce sont des « poupées gigognes » explique Maud. Les migrants sont toutes les personnes qui vivent de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel elles ne sont pas nées et qui ont acquis d’importants liens sociaux avec ce pays, d’après la définition de l’UNESCO (expatriés, étudiants en Erasmus, regroupement familial, réfugiés, demandeurs d’asile, etc.). Mais le terme a été utilisé et détourné pour des raisons idéologiques.
Les demandeurs d’asile sont des migrants qui demandent le statut de réfugié. Ils ont accès à des droits et protections, suivant la convention de Genève.
Les réfugiés sont des migrants qui obtiennent un statut juridique (réfugié), défini par la convention de Genève, et accèdent ainsi à la protection de l’Etat d’accueil. » En l’occurrence, en France, ils disposent d’un titre de séjour valable 10 ans. Et théoriquement, ils n’ont plus accès aux hébergements d’urgence.
Mais trouver un logement en France quand on a très peu de contacts, encore moins de moyens et pas du tout de garant, comme c’est le cas pour nombre de réfugiés, devient mission impossible. En particulier dans des régions comme l’Ile de France où la pression locative est particulièrement forte.
La colocation peut-elle répondre à ces défis ?
La colocation au-delà d’une simple solution de logement
La colocation à la place du centre d’hébergement ? C’est la solution privilégiée par Habitat et Humanisme. Et ce, dès le début du parcours, à l’accueil des demandeurs d’asile : “Quand on parle de centre d’hébergement en France, explique Maud, on imagine un grand bâtiment organisé en dortoirs. Or beaucoup de centres sont en diffus, surtout en Île-de-France. Nous avons 120 places distribuées dans des appartements pour 2 personnes. Il y a aussi quelques appartement plus grands qui nous permettent d’accueillir un peu plus de monde.”
Des colocations comme hébergement d’urgence
“Si les réfugiés arrivent ensemble, ou se connaissent déjà, nous essayons de les installer ensemble. Il arrive aussi que certains réfugiés ne connaissent personne. Là, c’est nous qui organisons la colocation. La plupart du temps, cela se passe bien. Bien sûr, si ça ne marche pas du tout, ou si les colocataires veulent changer, on essaie de trouver une autre solution. Mais en général, le système fonctionne car nous avons des équipes qui font des visites hebdomadaires. Elles vérifient que le ménage, la vaisselle sont faits. Elles assurent la médiation. Elles accompagnent aussi les personnes hébergées au niveau administratif, vérifient que tous courriers ont été traités…. La colocation permet à ces personnes de se reconstruire.”
Colocation solidaire et … multiculturelle
C’est le nouveau modèle testé en partenariat avec la toute jeune association Caracol. Cette dernière organise des colocations temporaires solidaires et multiculturelles dans des logements inoccupés. Avec elle, Habitat et Humanisme met en place des colocations rassemblant des réfugiés et des personnes de nationalité française.
Le système est tout récent… mais prometteur.
Une première colocation a vu le jour au Perreux-sur-Marne en mars, deux autres sont attendues pour septembre 2019 à Toulouse et à La Roche-sur-Yon. Un immeuble de 4 étages est en cours de réhabilitation pour accueillir une autre colocation solidaire et multiculturelle à Marseille.
Les résultats sont déjà là remarque Maud. “L’un des colocataires de La-Roche-sur-Yon, étudiant boursier à la Sorbonne maitrisait bien l’anglais, mais beaucoup moins bien le français. Depuis qu’il est dans cette colocation, son niveau de français s’est très sensiblement amélioré.”
Tout n’était pas gagné dès le départ explique Maud. Au démarrage, il a fallu expliquer aux réfugiés qu’ils ne rejoignaient pas un nouvel habitat collectif. Il y a des espaces communs; ils ont leur propre chambre. Ils sont libres d’inviter qui ils veulent, ce qui n’est pas le cas en hébergement collectif. Ils doivent là aussi faire des compromis mais ils ont davantage voix au chapitre sur l’organisation de la colocation.
Un accompagnement continu
Les réfugiés ne sont pas pour autant livrés à eux-mêmes. Habitat et Humanisme continue de les accompagner même dans cette colocation. En revanche, explique Maud, “vivre au quotidien avec des Français permet d’avancer dans l’apprentissage du français, ou dans la compréhension du mode de fonctionnement de la société. Quand les réfugiés ont une question, ou besoin d’aide par exemple pour faire un virement en ligne, les colocataires français sont là pour les aider. Le système de la colocation solidaire multiculturelle est rassurant pour passer progressivement des structures d’hébergement d’urgence à un logement pérenne.”
Dans une colocation classique et solidaire
Jusqu’à présent, ces colocations multiculturelles, fondées sur une convention d’occupation précaire ne sont pas appelées à durer dans le temps. Le temps d’occupation des lieux varie de un à trois ans. C’est cependant suffisant, estime Simon Guibert, l’un des co-fondateurs de Caracol, pour construire un projet de vie et se projeter dans le futur sans craindre de se retrouver à la rue le mois suivant.
En dépit de cette limite temporelle, ces colocations fonctionnent de façon tout à fait classique : chaque co-locataire paie une redevance en fonction de ses revenus et plafonnée à 150 € pour couvrir les frais d’aménagement des lieux – une aubaine aussi bien pour les réfugiés que pour les Français qui ont tout autant de mal à se loger en Île-de-France. Ils mettent en place un pacte de colocation pour organiser le quotidien… “ Et ils organisent des fêtes et des soirées” ajoute Maud. Rien que de très classique donc !
La colocation pour démarrer une nouvelle vie … ailleurs
Enfin Habitat et Humanisme encourage une autre forme de colocation autour de la formation et de la mobilité géographique.
Face à la difficulté à se loger en Île-de-France, qui est décuplée pour les réfugiés, Habitat et Humanisme mise sur la mobilité professionnelle. L’association accompagne ainsi des réfugiés en Nouvelle Aquitaine et en région PACA. L’objectif ? Leur permettre de suivre des formations courtes qui débouchent sur un emploi (bâtiment, ou tout secteur où les entreprises recherchent des salariés). Une solution pour résoudre deux problèmes en un : la question du logement, et celle de l’insertion professionnelle.
Les réfugiés sont pris en charge par Habitat et Humanisme qui leur trouve un logement. A chaque fois, ils partent à plusieurs afin de se former et d’habiter avec des personnes qu’ils connaissent : “cela permet de construire un groupe et une vie ensemble, explique Maud. Il est plus rassurant de partir ensemble d’Île-de-France, et de créer une vraie vie collective au démarrage. Les choses sont plus faciles quand on les fait ensemble. Il s’agit d’un vrai tremplin vers l’intégration.”
Quitter les métropoles pour s’intégrer à la société française
S’orienter vers les petites villes n’est pas le fruit du hasard. Habitat et Humanisme a pu remarquer que l’intégration s’y fait plus facilement.
Ainsi à Decazeville, dans l’Aveyron, Habitat et Humanisme a aidé neuf familles syriennes à s’installer.
D’une part, reconnait Maud, les logements y sont plus accessibles et plus facilement mobilisables. Mais surtout “nous avons vu l’accueil réservé par la population à ces familles : chaleureux, intéressé par leur histoire. Chaque famille a eu droit à un accueil individuel. Au contraire, en Île de France, la réaction consiste plutôt à dire simple “ah il y un nouveau centre d’hébergement dans le coin”. »
De belles histoires qui se vivent
“Nous avons travaillé sur leur insertion professionnelle et sur le projet de scolarisation des plus jeunes. Avec les enfants, c’est plus facile : ils s’adaptent à toute vitesse, ils apprennent très vite la langue. Et nous avons de belles histoire. Par exemple, l’un des pères de famille a trouvé un emploi à peine 3 mois après son arrivée en France, alors qu’il ne parlait pas français. il a appris très vite les 500 mots de vocabulaire nécessaires pour travailler comme maçon. Son travail est remarquable. Son patron est ravi et il a même embauché les deux fils de cet homme dans la foulée.”
“Dans huit familles de réfugiés sur les neuf que nous accompagnons à Decazeville, au moins 2 personnes par famille ont trouvé un emploi en moins d’un an. Depuis que nous suivons des familles même en fin de parcours, nous voyons beaucoup de belles histoires qui se réalisent.”
La colocation solidaire, un tremplin vers une nouvelle vie ? Habitat et Humanisme en est persuadé et le prouve tous les jours !
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Crédit photo : Habitat et Humanisme