Berlin face à la crise du logement
Dynamique, créative … mais bondée ! Berlin fait face aujourd’hui à une crise du logement sans précédent.
A Berlin, 50 000 nouveaux habitants par an
Faire la queue pour visiter un appartement n’a rien d’exceptionnel à Berlin. Avec 50 000 nouveaux habitants par an, la pression sur le logement augmente. Selon la municipalité, il faudrait 200 000 nouveaux logements d’ici 2030. Mais la réalité montre les limites de cette ambition. « Depuis 2010, on a construit 15 500 nouveaux appartements dans la ville, mais la population a augmenté de 150 000 personnes dans le même temps » souligne le rapport de JLL.
L’augmentation des loyers …
Conséquence directe de cette pression sur le logement à Berlin : l’augmentation des loyers ! Ils ont doublé en 10 ans. Pour la seule année 2018, ils ont augmenté de 20%.
La situation devient donc critique pour les Berlinois qui consacrent en moyenne un quart de leur salaire pour se loger, selon le portail immobilier Immowelt. Or plus de 80% d’entre eux sont locataires. Le taux de propriétaires privés dans la capitale allemande est en effet l’un des plus faibles d’Europe.
Loin de Londres ou Paris, les loyers à Berlin restent cependant abordables. Il faut compter entre 8,75 €/m² en moyenne dans le haut de gamme selon IVD, et 13 €/m² dans un quartier comme Mitte, un ancien quartier de l’Est en pleine croissance, selon Zabel Group. Nous sommes donc loin des 24 €/m² en moyenne à Paris, selon l’observatoire Clameur.
Le prix moyen du mètre carré oscille à l’achat entre 3 500 à 5 000 €. A la fin des années 90, il tournait plutôt autour de 500 €.
Ainsi comme dans toutes les grandes capitales, Berlin, en dépit d’une surface huit fois plus grande que celle de Paris fait face à un phénomène de « Gentrifizierung », la gentrification. Les petites merceries et les kneipe, des bistros typiquement berlinois cèdent la place aux galeries d’art et aux boutiques de prêt-à-porter.
Colère populaire contre les groupes immobiliers
« Wem gehört Berlin ? » (« à qui appartient Berlin ? »). Sous ce slogan, plusieurs dizaines de milliers de Berlinois se sont rassemblés en avril 2019 pour attirer l’attention de la municipalité.
Dans leur ligne de mire, les grands groupes immobiliers qui possèdent plusieurs milliers de logements à Berlin. Une pétition qui rassemble déjà plus de 77 000 signatures souhaite organiser un référendum d’initiative populaire. Son objet ? Demander l’expropriation de grands groupes immobiliers possédant plus de 3 000 logements dans la ville.
Ces groupes immobiliers, cotés en bourse, ont connu une croissance exponentielle en rachetant des immeubles à prix bas dans les années 1990, qu’ils ont rénové et revendus rapidement à un prix nettement supérieur, contribuant ainsi à la hausse des prix.
La tendance est loin de s’émousser. Berlin a en effet de quoi séduire. «Le marché est très régulé, il n’est pas spéculatif, mais Berlin, capitale de l’Allemagne, au centre de l’Europe, verra son rôle se développer dans les années qui viennent. Un jour, nous serons classés avec New York, Londres et Paris», explique Thomas Zabel, directeur général de Zabel Property Group qui commercialise plusieurs programmes immobiliers résidentiels à Mitte. Et de fait, les investisseurs internationaux commencent à s’intéresser de très près à la capitale allemande.
Quelles réponses face à cette situation du logement ?
Construire davantage de logements
C’est la solution prônée par Angela Merkel : « la meilleure réponse à la pénurie de logements est de créer de nouveaux logements ». Berlin est, et de loin, la capitale européenne qui compte le plus de projets immobiliers, selon le rapport de JLL.
Des logements oui, mais à quel prix ? Là encore la solution ne fait pas que des heureux. Des projets immobiliers menacent les jardins ouvriers. Véritables poumons verts de la ville, ces petits jardins sont cultivés par les habitants et participent au maintien d’une faune et d’une flore propres à Berlin. De plus, à l’heure du réchauffement climatique, ils permettent de réguler la température et d’absorber les violents orages qui se déchaînent sur la ville. Or une quinzaine d’entre eux doivent être détruits en 2020 au nom du droit au logement.
Un gel des loyers
C’est la mesure d’urgence adoptée par la municipalité, au grand dam des partis conservateurs qui craignent le découragement des groupes immobiliers.
Les loyers des logements anciens du parc privé – soit 1,5 à 1,6 million de logements selon l’Association de locataires de Berlin – seront dès 2020 gelés et plafonnés durant cinq ans. Une seule exception est autorisée. Elle concerne les logements dont les propriétaires ont entrepris des travaux de rénovation. Et encore, l’augmentation sera soumise à l’approbation des autorités locales. Les logements sociaux et nouveaux appartements qui n’ont pas encore été loués ne seront – a priori – pas concernés.
Attaquée par les grandes sociétés foncières, critiquée par les conservateurs, la mesure a cependant été approuvée par la plus haute institution juridique allemande : le Conseil constitutionnel. Selon ce dernier, limiter temporairement les loyers n’entrave pas les droits du propriétaire.
De plus, les locataires estimant leur loyer trop élevé pourront le faire vérifier et déposer un recours. Si les autorités leur donnent raison, le loyer pourra être abaissé au niveau du « loyer autorisé » par la loi qui s’appuie sur un indice locatif jusqu’à présent uniquement informatif.
Les locataires qui emménagent pour la première fois dans un appartement bénéficient également de la mesure. Le propriétaire ne pourra exiger qu’un montant égal au dernier loyer en vigueur, s’il n’a pas procédé à une rénovation des lieux entre temps. Les réfractaires encourent une amende pouvant atteindre 500 000 €.
Enfin, la location de courte durée aux touristes fait l’objet de contrôles renforcés depuis un an.
Berlin, un modèle pour les autres villes d’Europe
Berlin est observée par les autres grandes villes européennes qui font face aux mêmes défis. Sans aller jusqu’à mener la politique viennoise de préservation du parc social, la municipalité fait cependant preuve d’audace. Elle n’a pas hésité à racheter à une société privée 670 logements de Karl-Marx-Allee, l’ancienne vitrine de Berlin-Est, afin d’y garantir la stabilité des loyers. Si certains dénoncent un retour à l’époque communiste où l’État seul possédait les logements, pour d’autres, c’est la garantie de préserver une ville ouverte et accessible à tous, soit l’essence même de Berlin.
Pour tout savoir sur les tendances de la co-location, consultez la rubrique “Logement” du blog de COOLOC. Et inscrivez-vous à la newsletter pour ne rater aucun article !
Crédit photo : Martinha