Nomades digital : du rêve à la réalité…
Nomade digital, ce mode de vie fait rêver, mais quelle réalité se cache derrière ?
Nomade digital : travailler pour vivre … et non l’inverse
Avec l’essor du télétravail, la multiplication des zones couvertes par le wifi, la question a fini par se poser aux télétravailleurs épris de voyages : pourquoi attendre les vacances pour voyager ? Ne serait-il pas plus simple de profiter de son statut pour voyager tout en travaillant ? C’est la conclusion qui s’est imposée aux free-lance bien décidés à allier leur passion du voyage à leur activité professionnelle.
En effet, ils n’ont pas besoin d’être présents physiquement sur leur lieu de travail. Et leur matériel professionnel, technologie oblige, tient facilement dans un sac à dos. « Habituellement, il suffit d’un ordinateur portable, d’un téléphone et d’une bonne connexion wifi pour satisfaire les besoins de ces nouveaux professionnels » indique Julie Metge, designer d’expériences et d’interfaces digitales (UI/UX) et auteur d’un mémoire sur le télétravail et les nomades digitaux.
Les entreprises, en France notamment, sont encore réticentes à embaucher des nomades digitaux, ou des télétravailleurs. En 2018, une étude de Joblift, une plateforme d’emplois, indiquait que si la France présentait un certain retard par rapport à l’Angleterre et à l’Allemagne, le nombre d’offres de poste en télétravail avait tout de même augmenté de 19% entre 2016 et 2017 dans l’Hexagone. Ces dernières concernent, en grande majorité, des postes de développeurs et de commerciaux.
L’émergence d’un marché dédié
Pourtant ce mode de vie se diffuse. Les blogs et informations consacrés aux nomades digitaux explosent aujourd’hui. Ce n’était pas le cas, il y a 9 ans, quand les nomades digitaux, Haydée et Tony, du blog Travelplugin se sont lancés. « À l’époque, il y avait très peu de gens sur cette brèche-là. Lorsque nous nous sommes lancés vers 2014-2015, nous avons orienté notre ligne éditoriale sur le nomadisme digital et nous nous sommes aperçus que beaucoup moins de gens nous suivaient. Ce n’était pas encore très développé. Nous avons même pensé que c’était une erreur de nous être orientés sur ce secteur. Maintenant ce n’est plus le cas. »
En effet, certains endroits dans le monde se sont spécialisés dans l’accueil des nomades digitaux et sont répertoriés par le site spécialisé Nomadlist.
Par exemple l’Estonie, en janvier 2019, s’est fait connaître en proposant le premier e-visa spécial nomade digital. Pour les non-résidents de l’espace de Schengen, ce visa permet de résider un an n’importe où en Europe. Pour les nomades digitaux européens, il permet de créer sa société en Estonie, pays pionnier en termes de développement digital (wifi et espace de coworking y pullulent : Hotmail, Skype et Transferwise y ont vu le jour…)
Des spots prisés des nomades digitaux
Mais d’autres spots sont connus dans le monde pour attirer les nomades digitaux : Chang Mai en Thaïlande, Budapest, Lisbonne ou Medellin en Colombie où le coût de la vie est abordable et la couverture wifi, de qualité.
Ces villes prisées des nomades digitaux se sont organisées : espaces de co-working dédiés, co-living… tout un business spécifique est apparu en l’espace de quelques années. Des entreprises ont même créé des séjours de groupe pour nomade digital. Ils se déroulent, la plupart du temps, dans une grande villa, parfois sur un navire de croisière, avec espace de travail et piscine. Chaque participant dispose d’une chambre, seule ou partagée. Des temps sont organisés pour que chacun puisse travailler sur ses projets et alterne des moments de visites, de découverte et de sport. Une solution idéale pour le nomade digital qui craint la solitude et refuse de gérer tous les problèmes d’intendance auxquels il est confronté en arrivant dans un nouveau pays (visa, logement, co-working,…). Mais ces programmes ont un coût relativement élevé. Il faut non seulement avoir de bons revenus, mais aussi renoncer à aller à la rencontre des habitants. A Chang Mai, comme à Cancún au Mexique, « tu ne rencontreras pas un Thaï ou un Mexicain… sauf ceux qui travaillent dans le tourisme » explique Tony.
A Lisbonne, remarque Julie Metge, certains bars et restaurants ont adapté leurs tarifs aux moyens des nomades digitaux, excluant de fait les habitants. «Le business autour du nomadisme digital entraîne une concentration de nomades digitaux à des endroits précis » remarque Tony. Pour découvrir un pays dans toute son authenticité, il faut juste les connaître… et les éviter.
Savoir gérer la solitude
Le nomade digital voyage seul. Et pour beaucoup d’entre eux, l’isolement est un énorme problème, peut-être le pire de tous.
Or il est rare que les gens aillent spontanément les uns vers les autres, dans la rue. Tony – qui voyage depuis des années avec sa compagne, Haydée – l’avoue : « je n’ai jamais été très fort à ce niveau-là avant de rencontrer Haydée. J’étais avenant, mais je n’allais pas au-devant des autres pour leur parler. Haydée, c’est l’inverse. Elle va aller parler avec n’importe qui et va entretenir une relation très sympa, pour une soirée, une semaine, voire plus. Grâce à elle, nous avons accueilli des gens chez nous, comme nomades digitaux. On ne se sent jamais isolés : il y a toujours quelqu’un à qui parler. J’imagine qu’il y a peu de gens comme elle. Au contraire parmi les voyageurs que nous connaissons et qui partent pour plusieurs mois, beaucoup n’osent pas aller discuter avec les autres. Ils vont parler au loueur, au serveur, au portier de l’hôtel, mais dès qu’ils sortent du cadre du service, ils ont du mal à aller au-devant des gens et à leur parler. Ce que je comprends. C’était mon cas pendant des années. Le fait d’être avec Haydée me permet de dépasser ça … et de devenir un peu comme elle.»
C’est aussi à cause de cet isolement propre aux nomades digitaux explique encore Tony que les co-living de luxe pour les voyageurs fonctionnent aussi bien. Ils se retrouvent dans des endroits pensés pour eux, partagent une culture et une philosophie communes et rencontrent pendant une ou deux semaines beaucoup d’autres nomades digitaux. Cela coûte cher, mais ils sont rassurés.
Être nomade digital à la recherche d’authenticité
Être un nomade digital et sortir des sentiers battus demande donc davantage de préparation. Sur un temps limité, l’organisation est relativement simple. Julie Metge a testé le nomadisme digital pendant un mois à Bali. Elle a instauré une routine : visite le matin, déjeuner et travail l’après-midi dans un des nombreux cafés accueillants, aux prix bien plus accessibles que les espaces de co-working.
Haydée et Tony, eux, veulent « apprendre la culture, comprendre comment le pays se vit… » Leurs critères s’en ressentent : « nous cherchons des endroits où personne ne va. A Tuxtla Gutiérrez, au Mexique, il n’y avait pas un touriste. Les gens venaient nous parler beaucoup plus facilement. Cela crée des liens. On discute, on pose des questions. » La langue n’est pas forcément une barrière, même en Serbie où Tony et Haydée se sont arrêtés depuis plus d’un an : « On peut se débrouiller avec l’espagnol, l’anglais et le français. Ce n’est pas en restant 3 mois dans un pays, surtout en travaillant beaucoup, qu’on va apprendre la langue. On apprend les rudiments. C’est notre cas, par exemple en serbe qui est une langue très difficile. Mais on a rarement le temps d’aller au-delà. »
Nomade digital, deux boulots à temps complet
Être nomade digital, c’est finalement gérer deux boulots de front. Une activité professionnelle rentable… et la préparation de votre prochain voyage. On l’oublie souvent mais pour rester dans un pays hors de l’Union Européenne, il vous faut un visa. La plupart sont de trois mois, parfois de 6 mois. Il vous faut donc prévoir de changer régulièrement de lieu de travail.
Vous devrez aussi trouver votre logement sur place. Haydée et Tony s’y prennent parfois plus d’un mois à l’avance pour éplucher les sites de logements temporaires, AirBnB mais aussi parfois des agences immobilières, par exemple à Taïwan…. Leurs critères sont maintenant bien rôdés. « Nous recherchons des endroits à 2-3 km du centre puisque nous n’avons pas de voiture. En nous éloignant du centre, qui doit cependant rester accessible, cela nous donne une autre vision de la ville. Nous cherchons aussi un quartier avec des petits commerces de proximité plutôt que des supermarchés. Le logement doit bien sûr proposer un endroit où travailler, avoir une connexion wifi qui fonctionne bien. Et quand nous avons trouvé la perle rare, nous allons vérifier sur Google Street View si ce n’est pas la zone. »
Tout cela prend du temps, une denrée rare pour le nomade digital qui doit savoir se partager entre travail et adaptation au pays d’accueil.
Les conseils avant de se lancer
Selon Tony, il faut s’assurer tout d’abord de la viabilité de son activité professionnelle : « être nomade digital est un mode de vie qui coûte cher. Il faut le financer. L’important est de partir avec des économies et un business qui permet de bien gagner sa vie à long terme. Selon les destinations, le coût de la vie change. Mais il faut pouvoir compter sur au moins 1 000 €/ mois, voire plus. Pour cela, le site Nomadlist est bien documenté. Plutôt que de se lancer en free-lance et partir immédiatement, il vaut mieux commencer son activité free-lance en parallèle de son travail salarié et amorcer la transition au fur et à mesure.»
Les sites et les blogs sur les nomades digitaux vendent du rêve. Mais il ne faut pas pour autant ignorer l’envers du décor : des free-lance qui finalement gagnent peu d’argent avec leur business et vivent dans des endroits à moindre coût, voire font carrément la manche, comme certains à Chang Mai. « Beaucoup pensaient réussir à distance. Mais ils gagnent une misère et se retrouvent à la rue » témoigne Tony.
Être digital nomade n’est pas de tout repos. Le plus important, conseille Tony, est de « tester ce mode de vie en gardant une porte de sortie pour savoir si vous êtes fait pour ça. » Pour que le rêve ne se transforme pas en cauchemar et reste une merveilleuse aventure.
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