Les magasins sans argent sont-ils le futur de l’économie ?
Acheter dans un magasin sans dépenser d’argent n’est plus une utopie. Les lieux basés sur le don ou le troc font aujourd’hui florès en France et en Europe.
Alors que l’actualité ne cesse de montrer les ravages de la surconsommation et de son impact environnemental, les magasins sans argent sont en train de réinventer un modèle économique non marchand fondé sur l’échange et le don.
Le triple objectif des magasins sans argent
Qu’il s’agisse de Nous & Co à Nantes, de la Boutique sans Argent à Paris ou de la Manivelle en Suisse, les initiatives se multiplient avec trois objectifs :
– environnemental : lutter contre le gaspillage lié à la surconsommation grâce au partage et au réemploi. « Nos ressources s’épuisent, et notre porte-monnaie aussi ! Pourquoi posséder une perceuse qui ne servira en moyenne que 12 minutes dans une vie ? Pourquoi ne pas la mettre en commun afin que chacun puisse en profiter? Pourquoi acheter et stocker au fond de son placard un appareil à raclette qu’on ne sortira que 3 fois cet hiver ? Empruntons-le ! » explique Émilie Le Goff, chargée d’animation et de développement de l’association Nous & Co.
– financier : permettre aux ménages de plus en plus précarisés d’avoir accès aux objets utiles du quotidien.
– social : ces lieux se veulent aussi des espaces de rencontres et d’échanges. Chez Nous & Co comme à l’Utilothèque, on partage également ses compétences et son savoir- faire. Un moyen de donner une seconde vie aux objets plutôt que de les jeter… et d’acquérir également de nouvelles compétences.
Renforcer le lien social
Comme en co-location, les bibliothèques d’objets et autres boutiques du partage reposent sur l’idée que l’échange et le lien social sont fondamentaux pour aller de l’avant. « Tout le monde a quelque chose à partager, et nous proposons à chacun de retrouver confiance en soi via nos ateliers de partage de savoir-faire » explique encore Nous & Co.
Alors que les rapports entre voisins sont, notamment dans les grandes villes, réduits au strict minimum, ces lieux favorisent les rencontres entre gens du quartier.
La plupart proposent d’ailleurs un espace où prendre un café ou un thé sans tarif fixe. La contribution est libre.
Ils favorisent la mixité sociale insiste la Boutique sans argent : « les objets et services proposés par l’association sont mis à disposition gratuitement ». Il n’est pas nécessaire d’apporter quelque chose pour avoir le droit de prendre un objet. Tout le monde est accueilli de la même manière, sans conditions de ressources ou de revenus. Il ne s’agit ni d’aide sociale, ni d’un projet de réinsertion, mais bien de sensibiliser toutes les couches de la population à l’éco-responsabilité à travers les échanges !
L’entraide et la complémentarité sont d’ailleurs au cœur du fonctionnement de ces structures. En effet, elles vivent grâce à l’implication des bénévoles et, pour la plupart, de subventions publiques locales et de dons.
Un modèle en avance sur son temps ?
Une idée folle ? Pas tant que cela. Inconnues, il y a encore quelques années, elles ressemblent fort à ce que décrit Jeremy Rufkin dans son livre La Nouvelles Société du Coût Marginal Zéro. Il rappelle que l’entraide et les organisations collectives existent depuis toujours. Mais l’économie capitaliste, convaincue que les individus n’agissent que par intérêt personnel, a tendance à minimiser le lien collectif.
Il revient en force dans nos sociétés pourtant qualifiées d’individualistes.
L’économie de partage en est un exemple. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de posséder mais d’avoir accès aux biens et aux services. Exactement ce que proposent les magasins sans argent : partager, recycler, allonger le cycle de durée de vie des objets plutôt que de les jeter !
Le système capitaliste ne vit que de consommation, voire de surconsommation, épuisant les ressources de la planète. L’économie émergente, elle, explique Rifkin ne repose plus sur l’échange en numéraire. Elle s’appuie sur un retour aux fondamentaux et sur la nature sociable de l’homme.
Un modèle économique mais avant tout sociable
Contrairement à ce que considère le capitalisme, être très riche ne rend pas très heureux. La course au consumérisme finit même par rendre malheureux, voire malades ceux qui s’y adonnent. Les populations atteintes de diabètes, cancers divers et dépression dans les catégories socio-professionnelles favorisées des pays les plus développés en sont la preuve.
Posséder n’est donc pas une fin en soi. En revanche, vivre avec les autres, si. L’homme recherche la compagnie et non l’admiration de ses semblables, ce que confirme la recherche neuro-cognitive. L’espèce humaine n’a-t-elle pas survécu pendant des millénaires grâce à la sociabilité et à l’entraide ?
Une fois leurs besoins primaires satisfaits (nourriture, protection, sécurité…), les hommes recherchent naturellement la compagnie les uns des autres… Ce que la vie citadine et moderne a tendance à oublier ou à minimiser.
Serait-ce l’explication au succès et à la multiplication des magasins sans argent ? Et n’est-ce pas également cette volonté de vivre ensemble à travers les habitats partagés ou la co-location ?
Finalement l’économie du partage est peut-être l’économie de demain ?
Pour tout savoir sur la vie en co-location, consultez la rubrique “Vie quotidienne” du blog de COOLOC, et inscrivez-vous sans attendre à notre newsletter !
Crédit photo : Nous & Co