Le luxe au XXIème siècle ? Vivre autrement !
Et si le vrai luxe au XXIème était tout simplement de vivre autrement ? Avec le choc du confinement et l’angoisse de la crise économique, il semble urgent, selon les mots de Boris Cyrulnik de « vivre mieux ». Mais comment ? Est-ce un privilège réservé à une petite élite ?
L’espace pour vivre autrement
Pas forcément répond Olivier Babeau, le président de l’Institut Sapiens. « Au XXIème, le luxe, ce sera le temps, l’espace et les racines. »
La France, estime-t-il, repose « sur un tas d’or territorial. Il n’y a pas beaucoup de pays qui aient une qualité d’infrastructures, une richesse de territoires et une profondeur des racines historiques comme le nôtre. Je crois que le XXIème siècle pourra être le siècle de la redécouverte de ces territoires. Ils sont, au pire, à 300 km d’une ville assez bien reliée, et non pas perdus au milieu d’un désert. La qualité de vie est extraordinaire. »
Une qualité de vie qui s’oppose au quotidien des citadins. Dans les grandes villes où il manque cruellement, l’espace devient vite un luxe. C’est ainsi qu’à Paris, le prix du m2 dépasse les 10 000 euros. Olivier Babeau dénonce « cet ordre absurde qui nous pousse à nous serrer dans de grandes métropoles parce que c’est là qu’est le travail. Et c’est donc là que l’on doit vivre. Nous devons tous payer cher le privilège d’être là.» Le luxe serait-il de pouvoir obtenir un peu d’espace dans des endroits surpeuplés ? Est-ce de cela dont les citadins rêvent et ont besoin ?
Un besoin de nature…
Pas vraiment remarque l’auteur culinaire et blogueuse Marie Chioca. «Beaucoup de gens refoulent leur lien avec la nature car leur mode de vie ne les autorise pas à retourner à la terre. Pourtant, à l’époque de nos grands-parents ou de nos arrière-grands-parents, quasiment tout le monde était paysan. Et cela durait depuis plus de 4 000 ans. Je pense que cela laisse des séquelles. C’est quelque chose que nous gardons dans nos gènes. On dit : chasser le naturel, il revient au galop. Tous ces citadins qui trouvent du bonheur à cultiver des radis dans leur jardinière sur le balcon témoignent de ce besoin de garder un lien avec la nature et le vivant.»
La plupart des villes n’hésitent plus à transformer des parcelles de terre en friche ou même certains espaces verts en jardins et potager collectifs. « C’est plus joli qu’une pelouse et trois cactus comme on en voit parfois dans certaines villes » remarque Marie Chioca.
Le luxe : vivre autrement pour prendre du temps pour soi
La présence sur le lieu de travail a été fortement ébranlée avec le confinement. Les entreprises ont dû s’adapter, à marche forcée, au télétravail. Peu utilisé jusqu’en mars 2020, il a révélé un potentiel inimaginable pour de nombreuses entreprises … et leurs salariés.
« Quand vous passez 3 jours en télétravail et 2 jours en présentiel, cela signifie que vous pouvez vivre ailleurs. Cela libère la possibilité d’habiter plus loin remarque Olivier Babeau. Nous-mêmes, nous vendons nos bureaux parisiens. »
Il apparaît aujourd’hui clairement qu’habiter à proximité de son lieu de travail n’est plus une nécessité. A certaines conditions cependant. « C’est tout le problème de la liaison, reconnaît Olivier Babeau. Il faut être dans un endroit bien relié à la métropole où se situe votre entreprise. De nombreuses zones sont encore loin. Mais progressivement, on peut penser que l’on peut aller plus loin… et que l’on pourra aller vivre dans ces zones magnifiques qui restent à redécouvrir. »
Mais vivre autrement le travail reste un luxe tempère Olivier Babeau. «C’est plus facile d’adopter le télétravail partiel dans le tertiaire supérieur, ou si vous êtes un indépendant haut de gamme, consultant ou créatif… Mais ce n’est pas vrai pour les indépendants comme les livreurs ou les chauffeurs Uber. »
Habiter les lieux, le luxe de vivre autrement
Vivre autrement, ce n’est pas uniquement changer de résidence pour vivre au vert. Olivier Babeau évoque les racines au sens d’héritage patrimonial et culturel, et va au-delà. « On habite quelque part car on partage un projet avec les gens locaux. Habiter un lieu, ce n’est pas vivre indifféremment à l’environnement social, culturel, économique. Ce n’est pas vivre dans une ville anonyme, comme on va d’un aéroport international à un autre. On participe à l’esprit du lieu en y habitant. Et le lieu est habité par ceux qui y vivent. »
Ainsi le luxe de vivre autrement consisterait à choisir le lieu dont on veut faire partie, où l’on veut s’enraciner. Pour 82% des Français, le lieu de vie idéal est un village. Si l’idée se concrétise, cela crée vite un cercle vertueux. « Si vous êtes plus nombreux à vous installer dans un village, vous y dépensez, vous créez des emplois locaux… C’est une façon de recréer de la vie économique. Certains endroits y parviennent très bien. » D’autant plus que davantage d’activité permet d’attirer davantage de professions et donc d’habitants.
Le risque du repli sur soi
A l’inverse, les communes qui se vident ou voient leurs commerces fermer ont tendance à se replier sur elles-mêmes. C’est ce que montre une analyse menée par Jérôme Fourquet (IFOP) et Hervé le Bras (INED), parue en 2017. Dans les communes de moins de 500 habitants, le vote en faveur de Marine Le Pen, était d’autant plus fort que le nombre de commerces était faible. Par ailleurs, 8% des communes avaient connu des mouvements de Gilets Jaunes. Cette proportion grimpait à 29% des communes ayant perdu un commerce alimentaire récemment (épicerie, supérette…) selon une note du Conseil d’analyse économique. Selon le sociologue Vincent Chabaud, « le commerce constitue indiscutablement une activité essentielle en étant le support des relations que nous entretenons les uns avec les autres. Une ville sans commerce conduit au repli. »
Vivre ensemble… le luxe accessible du XXIème siècle
C’est également l’occasion de redécouvrir le vivre ensemble. « Le village autrefois, c’était un endroit où coexistaient toutes les classes sociales, rappelle Olivier Babeau. Elles se mêlaient plus facilement. Ce n’est que dans les très grandes métropoles que vous pouvez vous agrégez entre semblables. Vous avez des clusters de semblables, avec des écoles particulières, en fonction du niveau social, des revenus. Ce n’est pas le cas dans plus petites agglomérations. Cette territorialisation de la société irait naturellement de paire avec plus d’échanges entre classes et donc probablement moins de déterminismes » estime-t-il.
La vie de village, facteur d’une plus grande égalité sociale ? Grâce à la réappropriation des territoires, rien n’empêche d’imaginer un développement de l’activité dans des petites et moyennes communes. Ainsi, des populations qui dépendent aujourd’hui de l’activité des grandes villes, pourraient trouver une demande pour leurs services – par exemple de chauffeur ou de livraison – ailleurs qu’en métropole.
Vivre mieux … à proximité des producteurs
S’enraciner dans un lieu passe également par la cuisine. Et notamment l’usage de produits locaux. « Plus le temps passe, plus je suis une fana des produits locaux pour plein de raisons », remarque Marie Chioca. « La première, c’est que ce que l’on produit sur place a plus de goût. Les produits n’ont pas voyagé pendant des jours et des jours. Tout ce que je trouve dans un périmètre proche est délicieux. J’ai les légumes du jardin, les œufs de mes poules… Je prends les poulets chez un habitant de mon village qui a un petit élevage. Nous achetons la viande auprès de petits producteurs locaux. Pour nos fromages, c’est pareil. »
Des produits de qualité inaccessibles en ville
Une évidence pour qui habite dans un village, mais pas pour un citadin. « Ce sont des petits bonheurs qui ne sont malheureusement pas accessibles à tout le monde, quand je vois les prix qui se pratiquent dans les villes » témoigne Marie Chioca.
« J’habite à 40 km de Grenoble. Les prix y sont totalement différents. Je trouve cela injuste que les citadins ou les personnes qui habitent certaines régions ne puissent avoir accès à de bons produits sains. Consommer local, c’est bon. Et c’est cohérent au niveau écologique et économique. En effet, nous avons tout un système économique qui se casse la figure car nous avons toujours voulu privilégier le moins cher, la basse qualité même si cela vient de l’autre bout du monde. Nous nourrissons nos enfants avec des produits sans intérêt nutritionnel. Nous condamnons certains corps de métiers à cause d’une concurrence déloyale. C’est un cercle vicieux. Je ne veux pas culpabiliser les gens qui n’ont pas les moyens de choisir des produits locaux, mais tant qu’on peut le faire, tout ce qu’on peut consommer localement, c’est le bon choix. »
D’autant plus que consommer localement ne veut pas forcément dire consommer bio. « On peut trouver des produits fermiers qui ne sont pas bio mais qui sont tout aussi bons car ils sont frais et n’ont pas parcouru des kilomètres.»
Espace, enracinement, temps pour soi… Il s’agit certes de choix de vie. Mais qui tendent à montrer que, finalement, le luxe de vivre autrement est loin d’être réservé à une élite !
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Crédit photo : Samuel McGinity