Des familles monoparentales … pour faire revivre les villages ruraux

Faire revivre des villages ruraux grâce aux familles monoparentales ? Un pari pas si fou que cela. En effet, être famille monoparentale rime de plus en plus avec précarité et surtout isolement. Cependant, pour les aider à faire face aux multiples difficultés qu’elles affrontent, des initiatives imaginées par les villages ruraux pourraient leur offrir la possibilité de sortir la tête de l’eau tout en luttant contre une désertification annoncée.
Familles monoparentales : le cumul des peines
Mis en lumière lors de la crise des gilets jaunes, les célibataires et notamment les familles monoparentales sont les premières victimes de la précarisation ambiante. Christine Kelly, dans son livre Le Scandale du Silence, publié en 2012, ne dit pas autre chose. Elle y dénonce la réticence des décisionnaires et des intermédiaires à prendre en compte ces situations de moins en moins exceptionnelles. Être famille monoparentale, c’est donc être dans l’angle mort des politiques publiques. La priorité va en effet aux familles traditionnelles. “De l’accès au logement en passant par les contrats d’assurance ou les frais de transport, il existe une prime invisible pour les familles traditionnelles, légitimant ainsi l’ordre matrimonial” souligne Romain Huret, historien et spécialiste des inégalités.
Les célibataires sont proportionnellement plus lourdement imposés que les couples. Ils doivent également affronter de plein fouet les impôts indirects avec leur seul salaire.
Parmi eux, les familles monoparentales sont particulièrement touchées. Plus de 34% des familles monoparentales, en France, vivent sous le seuil de pauvreté. Et 85% de ces familles ont une femme à leur tête. Une double peine donc pour ces femmes chefs de famille. Non seulement leur salaire est inférieur de 20 % en moyenne à celui des hommes. Mais elles disposent également de moins de temps et sont moins mobiles. Accéder à de meilleures opportunités professionnelles se révèlent encore plus compliqué pour elles.
Et de fait, 54 % des dossiers de surendettement étudiés en 2018 concernaient des femmes. Dans 29 % des cas, celles-ci élevaient seules leur progéniture, sans toucher de pension alimentaire.
Un problème qui n’est pas que financier
Cependant les difficultés des familles monoparentales et des célibataires en général n’est pas que d’ordre financier. L’isolement est un autre piège dans lequel ces populations tombent trop souvent.
Avec la disparition des parents plus âgés, la solidarité familiale se délite, tandis que précarité et solitude croissent. C’est d’ailleurs l’une des raisons du succès des rassemblements des gilets jaunes : sur les ronds-points, les manifestants ont retrouvé une forme de convivialité et de solidarité oubliées.
Selon Romain Huret, il est nécessaire de repenser les dispositifs sociaux et fiscaux pour prendre en compte le quotidien des célibataires. Mais il ne faut pas pour autant sous-estimer la dimension relationnelle. Des initiatives locales peuvent apporter des solutions et permettre de résoudre deux grandes problématiques.
Faire revivre des villages ruraux … grâce aux familles monoparentales
C’est le pari un peu fou d’un petit village de l’Ariège l’Hospitalet-près-L’Andorre. La Maison des Cîmes accueille depuis cet été 6 mères en difficulté et leurs 9 enfants dans deux maisons du village rénovées à cet effet.
L’idée est née en 2012. A l’époque, le maire et les institutrices des villages de l’Hospitalet et de Merens discutent des atouts locaux : solidarité entre les habitants, soutien à la parentalité, institutrices expérimentées… Comment “utiliser ce savoir-faire pour attirer des populations” ?
Les professionnels du secteur social donnent leur avis. “Leurs retours nous ont été très utiles explique le maire Arnaud Diaz. Nous nous sommes par exemple rendu compte qu’il y avait de l’intérêt à ouvrir la maison sur le territoire et pallier l’absence de certains services publics, avec la création d’ateliers sur la recherche d’emploi.”
L’objectif de la Maison des Cîmes, qui vient d’ouvrir ses portes, est donc triple :
- Créer un établissement social d’insertion favorisant l’autonomie de femmes en difficulté avec leurs enfants.
- Proposer un service social qui permettre de faire revivre des territoires ruraux menacés de désertification.
- Enfin, mettre en place un lieu de vie, porteur de développement local – les mères de famille pourraient être employées dans et autour de la commune, et d’animation au service des collectivités territoriales.
D’abord réticents, les services de l’Etat ont fini par se laisser convaincre face à ce projet original. Ils ont accordé des financements sur 3 ans, le temps pour le maire d’expérimenter son projet. L’idée, à terme, serait de le formaliser pour le dupliquer dans d’autres villages ruraux.
Faire revivre des villages ruraux, permettre à des écoles de rester ouvertes tout en apportant écoute, soutien et solidarité aux familles monoparentales : une équation gagnante pour L’Hospitalet. Son initiative pourrait en effet avoir répondu à deux grandes problématiques de notre époque : l’isolement des plus précaires et la désertification des campagnes.
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Crédit photo : Samuel McGinity