Quitter la ville pour la campagne : quelle réalité ?

Quitter la ville pour la campagne : un phénomène de société plutôt qu’un effet de mode ! Selon l’Insee, chaque année, plus de 100 000 citadins décident de franchir le pas et choisissent de quitter la ville pour s’installer à la campagne.

Le phénomène n’est pas récent. Interrogés au début des années 2000, 93% des maires de communes de moins de 2 000 habitants avaient déjà été approchés par des citadins susceptibles de s’installer sur leur commune.

Quitter la ville pour la campagne : une image idéalisée

Pour certains, il s’agit d’une véritable reconversion. Perrine et Charles sont ainsi depuis 2006 à la tête de la Ferme du Bec Hellouin, une référence dans le monde de la permaculture.

Nathalie et Marc ont quitté Paris pour la Sarthe. Amoureux de la région, ils ont repris le domaine de La Richardière, une ancienne propriété viticole transformée en maison d’hôtes, où ils accueillent voyageurs et artistes pour de longs séjours.

La campagne fait rêver les citadins. 72% des habitants de l’agglomération parisienne seraient prêts à quitter la capitale… contre seulement la moitié des habitants de communes rurales d’après l’Observatoire de l’Habitat : air pur, contact avec la nature, rythme de vie plus calme, activités en plein air toute l’année et surtout espaces pour les familles, notamment avec des enfants en bas âge… Les raisons de quitter la ville pour la campagne ne manquent pas.

Choisir l’exact opposé de son cadre de vie

C’est le choix de Thomas et Joséphine. Ils ont décidé, il y a une quinzaine d’années, de vendre leur appartement situé au cœur de Paris pour acheter une maison à la campagne. « Nous adorons Paris et nous avions un cadre vie vraiment idéal. Nous étions dans le 1^er arrondissement. Nous allions chacun au bureau à pied. On ne prenait quasi jamais le métro. Nous avions évacué tous les mauvais côtés de la ville. Mais lorsque nous avons voulu nous agrandir, nous avons imaginé un projet pour faire une terrasse, qui a été refusé par l’architecte des Bâtiment de France. Puisque nous ne pouvions nous agrandir par le haut, nous avons décidé de nous agrandir en largeur. Or les appartements plus grands dans Paris étaient trop chers. Nous n’avions pas envie d’aller en banlieue. Nous avons donc choisi l’exact opposé de ce cadre de vie qu’on adorait. »

« Notre premier critère était la proximité avec une gare TGV. Nous ne voulions pas être à plus d’une heure et demie de Paris. Nous avons exploré le Perche, la Sarthe autour de Sablé, du Mans, mais les maisons étaient trop loin de la gare. J’ai alors pensé au Creusot, où j’allais souvent à une époque pour le travail. La ville est à 1h30 de TGV. Nous avons vu une annonce pour une maison atypique que nous avons visitée chacun de notre côté. Nous imaginions une maison en pierre, cosy. Et là, c’était une maison d’architecte, pleine de courants d’air, sans double vitrage, ce qui est redoutable pendant les rudes hivers bourguignons ! Le propriétaire avait déjà refusé plusieurs offres, car les acheteurs potentiels ne lui convenaient pas. La maison nous a beaucoup plu. Et si le propriétaire hésitait tellement à vendre, c’est qu’elle avait quelque chose. »

Des hésitations et puis finalement…

S’installer en Bourgogne ne signifie pas pour autant y vivre. Dans le cas de Thomas et Joséphine, leur vie est juste devenue plus compliquée. « J’avais monté ma boîte et je travaillais à mi-temps en Asie. Joséphine travaillait à Paris et ne revenait que le week end. On ne se voyait pas sauf quand je conduisais Joséphine à 6h00 du matin à la gare. C’était aberrant comme mode de vie. Nous avions une empreinte carbone impressionnante. Peut-être parce qu’à l’époque, nous n’étions pas sûrs de ce que nous faisions. Surtout pour une citadine comme Joséphine qui avait toujours vécu en ville. »

Et finalement l’attrait de la vie à la campagne prend le dessus. « On adore. Joséphine s’est découvert une passion pour les arbustes d’ornement. Nous sommes moins stressés. A Paris, je faisais de la tension oculaire, sans même m’en rendre compte. »

Le travail, la grande question pour vivre à la campagne

Vivre à la campagne et travailler ailleurs n’était plus tenable. Renonçant à ses allers-retours avec l’Asie, Thomas a repris une agence de commercialisation textile dans la région. Ce qui lui permet de revenir régulièrement à Paris. « Je me suis créé mon métier. Joséphine aussi en avait assez de faire des allers-retours. Elle a trouvé un poste de directeur commercial ici. Son travail est à 5 mn en voiture de la maison. Une amie qui habite ici a fait toute sa carrière à Lyon –  à 40 mn en TGV – comme beaucoup de gens du coin. »

Un cadre de vie idéal ? « Ce que l’on gagne en qualité de vie, il faut savoir qu’on risque de le perdre en temps de transport » met en garde Félicité qui profite de sa maison à la campagne tous les week end. « Tout se fait en voiture. Il est donc nécessaire d’avoir au moins deux voitures quand on est en couple surtout si on a des enfants ».

Pour qui choisit de garder son activité en télé-travail, il est sage de prévoir des déplacements réguliers, voire hebdomadaires pour maintenir le lien avec l’entreprise ou ses clients. D’où l’intérêt d’être à proximité d’une gare ou d’une autoroute. C’est d’ailleurs l’une des raisons du succès du Perche. « La qualité de vie est hyper agréable, et nous sommes à 1h40 en train de Paris, ou 2h en voiture» explique Félicité.

Quitter la ville… et ses petits plaisirs

Les avantages de la campagne sont multiples, mais il faut savoir aussi qu’en quittant la ville, on renonce à certains petits plaisirs : boire un verre à la sortie du travail, commander à dîner via une appli quand on n’a pas envie de cuisiner. » L’offre culturelle n’est pas la même non plus à la campagne « Mais avec des enfants, on renonce aussi en partie à voir de nombreuses expositions, même en vivant à Paris. »

La culture n’est pas absente pour autant. Même si le village de Thomas et Joséphine ne compte que 2 000 habitants, il est doté d’une salle de spectacles et d’un cinéma. « Comparé à Paris, reconnaît Thomas, il y a moins d’endroits pour sortir, moins de bars, mais il y a de super restaurants qui n’utilisent que des produits frais de la région. »

Profiter des joies de la campagne

« Dès qu’il fait beau, nous sommes dans le jardin. Cela nous fait du bien. Tout est plus cool. Nous aimons la végétation, c’est vallonné. Nous avons un beau panorama. Il ne fait jamais trop chaud même en période de canicule » apprécie Thomas.

Un point de vue partagé par Félicité : « nous avons un beau potager, des arbres, des poules et même une ruche. »

Mais vivre à la campagne suppose d’autres contraintes. « A la campagne tout commence plus tôt explique Félicité. Il faut parfois sortir à 7h00 du matin, alors qu’il fait encore noir et froid. Il faut emmener les enfants à l’école avant d’aller travailler. Dès qu’il pleut, on a 3 kg de boue aux pieds. C’est la ruine des chaussures, alors qu’en ville, on peut se mettre facilement à l’abri. » Ce n’est pas rédhibitoire, mais il faut le savoir et s’adapter.

Ce que confirme Thomas : « Même si tu es habitué à bricoler à Paris, en province, bricoler désigne plutôt de gros travaux. Il faut apprendre, acheter les outils, prendre le coup de main, demander des conseils. L’ancien propriétaire m’a dit comment il entretenait son jardin. Cela m’a fait gagner du temps et évité pas mal d’erreurs. » 

« Car, au début, tout ce que je touchais tombait en panne. Mais au fur et à mesure, j’ai réussi à faire pas mal de choses. J’ai refait toutes les terrasses autour de la maison, seul ou avec un copain, monté une mezzanine, fait des faux-plafonds, refait entièrement des pièces, changé tout le papier peint… »

Une autre vie sociale

Côté social, les relations ne sont pas les mêmes qu’à Paris. Dans le Perche, les habitants grognent un peu en voyant tous ces Parisiens qui viennent s’installer. Mais lorsqu’ils se rendent compte que ces citadins consomment et font fonctionner l’artisanat local en rénovant des maisons, ils deviennent plus conciliants, remarque Félicité.

« Lorsque nous nous sommes installés avec Joséphine, nous avons été sonner chez nos voisins les plus proches. Le soir même, ils nous invitaient à dîner. Ce sont très vite devenus des amis. Ils ont les clefs de la maison. Nous n’avons pas souffert de l’isolement. Mais c’est aussi notre mode de fonctionnement. Nous sommes toujours un peu décalés : nous ne sommes pas d’ici. Et les gens n’ont pas le même type d’éducation. Le risque, c’est que les gens s’individualisent et ne fassent plus l’effort de se sociabiliser. »

« De mon côté, j’ai  fait pas mal d’associatif. J’ai été président d’un ciné-club de 300 adhérents qui existe depuis 30 ans. Le ciné-club avait du succès mais il s’éteignait à cause du manque de gens investis dans le bureau. J’ai fait rentrer plein de nouveaux, plus jeunes, au bureau. Nous avons organisé beaucoup de soirées, de conférences-débats, reçu des réalisateurs… » Autant dire que l’avantage de la campagne est de pouvoir créer sa propre offre culturelle.

Quitter la ville pour la campagne … progressivement

En définitive, tout dépend du mode de vie que l’on souhaite. Quitter la ville pour la campagne n’est pas une décision qui se prend à la légère. Et cela ne doit pas être un saut dans l’inconnu. La transition peut être progressive : vivre en banlieue avec plus d’espace, s’installer dans une ville plus petite… permettent de changer doucement de cadre de vie. Si le besoin de vert et d’air pur se fait plus impérieux, pourquoi ne pas tenter faire l’expérience de la co-location ou de l’habitat partagé à la campagne ? C’est le moyen de se reconnecter à la nature sans pour autant s’isoler et perdre en contacts humains !

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Crédit photo : Banque d’images