Eco-colocation, un premier pas pour changer le monde ?
Eco-colocation, location écologique et solidaire, colocation engagée… Les expressions changent mais l’idée est la même : adopter en colocation des habitudes de vie plus respectueuses de l’environnement. Ce n’est pas un hasard si, à l’heure de la mobilisation pour le climat, l’éco-colocation fait de plus en plus d’adeptes.
Une rencontre prédestinée
Rien d’étonnant, en effet, à ce que colocation et écologie aillent si bien ensemble. Quel mode de vie plus écologique qu’une colocation notamment lorsque l’on est citadin ou même que l’on vit à la campagne – à l’exception d’une yourte mongole bien sûr ? Partager un logement, c’est avoir plus d’espace pour un loyer attractif. Mais c’est aussi être plus nombreux à profiter du même chauffage, d’une seule connexion internet et de l’électricité… Autant de gestes qui réduisent l’empreinte carbone de chacun.
Faite de partages, de discussions et aussi d’entraide, la colocation apparait aussi comme l’occasion idéale pour mener un projet commun. En l’occurrence, une éco-colocation, c’est aussi vouloir changer ses habitudes pour réduire son empreinte écologique. L’avantage, c’est qu’à plusieurs, on est davantage motivés pour tenir les objectifs qu’on s’est fixés.
Inspirée par la Maison Bleue – 14 personnes en colocation à Bourg-la-Reine qui ont fait le pari du zéro déchet- Leslie a décidé de troquer son petit studio contre une éco-colocation : “au tout début, j’avais pas mal de critères. Je connaissais bien la Maison Bleue et ses habitants, mais c’était trop loin et trop écolo pour moi. J’ai discuté avec Edouard, l’un des co-fondateurs qui m’a poussée à créer mon éco-colocation. J’ai mis un post sur Facebook sur le groupe WARN, une association dont je fais partie et j’ai trouvé comme ça deux personnes avec qui créer la colocation : Hélène et Lise.” C’est ainsi qu’est née dans une petite maison du XIXe arrondissement parisien, la Botza’casa.
Trouver ses éco-colocataires
Leslie a trouvé ses colocataires à travers le réseau WARN, les colocataires de la Maison Bleue sont également très engagés dans différents réseaux associatifs. Faut-il donc être un écologiste militant pour adopter ou rejoindre une éco-colocation ?
Pas du tout. “Il y a aussi des gens pas écologistes dans l’âme et c’est ça aussi qui nous intéresse : comment changer la société et les personnes qui ne sont pas forcément impliquées et les amener à changer dans leurs pratiques de tous les jours” explique Romain, qui habite une grande colocation écolo de 8 personnes en région parisienne. Leslie confirme : “l’idée n’est pas d’imposer quoi que ce soit. Si on montre l’exemple, les gens finissent par mettre la main à la pâte et à changer leurs habitudes.”
L’éco-colocation n’est pas non plus réservée à la génération Y. Kevin Garnier, qui anime un groupe d’annonces d’éco-colocation sur Facebook, raconte qu’il a été contacté par un sexagénaire qui cherchait à rejoindre une éco colocation en Occitanie.
Pour Leslie, cependant, trouver des colocataires à travers le réseau associatif est un vrai plus : “emménager avec ses meilleurs amis, ça risque vite de déraper. Emménager avec de parfaits inconnus, c’est le saut dans le vide. Emménager avec des amis rencontrés dans les associations, c’est, je pense, le juste milieu. Ce sont des gens que j’aime beaucoup, avec qui je partage les mêmes valeurs.” Mais ce n’est pas un impératif. Dans sa nouvelle colocation, Leslie va bientôt accueillir un Italo-Argentin qui n’a aucun lien avec le milieu associatif.
Comment devient-on une éco-colocation ?
Là encore, pas besoin d’être un pro du compostage ou du tri des déchets explique Kevin Garnier. “On peut partir de zéro, on est au courant qu’il y a plein de choses à faire, mais on ne sait pas comment les faire… Ce qui est important dans l’éco-colocation, c’est la communication, ne pas s’inquiéter et aller de l’avant même si on n’a pas de connaissance en écologie. Il faut discuter et voir les pratiques qu’on veut ou qu’on peut développer.”
En ville ou à la campagne, la colocation écologique s’adapte à tous les terrains. Pour réussir son éco-colocation, indique le mouvement des Colibris, qui a publié un guide de conseils et de témoignages sur le sujet : “apprendre à respecter son environnement passe d’abord par l’observation de ce dernier pour optimiser ses habitudes de vie à celui-ci. Il n’y a donc pas de solutions miracles pour toutes les éco-colocations qui voient le jour : chaque geste ou installation doit s’adapter au contexte dans lequel la colocation naît. Par exemple, l’accent va être mis sur le mode de vie zéro déchet en ville, tandis qu’il est mis sur l’autonomie alimentaire à la campagne et la réflexion sur les économies d’énergie est aussi intense dans les deux cas !”
Des priorités individuelles au projet commun
Concrètement, cela passe aussi par des discussions entre les colocataires. “On a discuté de nos priorités à chacun, explique Leslie. Et on a essayé de se mettre d’accord. Sur certains trucs, on se rejoignait. D’autres n’étaient pas consensuels du tout. Nous étions d’accord pour avoir un compost, car la maison a une cour pavée ; nous étions d’accord pour ouvrir un contrat chez Enercoop. Pour meubler la maison, nous avons chacun rapporté quelques meubles. Et nous avons fait aussi beaucoup de récupération : nous avons été chez Emmaüs. Thomas, qui a rejoint la colocation, est le roi du glanage. Il récupère des meubles dans la rue, les retape. Ils tiennent bien la route et sont encore dans la maison. Sous sa direction, nous avons construit le bac à compost.
On s’est vite inscrit à une association pour le maintien d’une agriculture de proximité, AMAP, pour avoir un panier de fruits et légumes frais par semaine. Toute seule, je n‘aimais pas cuisiner et dans mon studio, je n’avais qu’une kitchenette. Quand on a des légumes à couper et à cuisiner, il faut une vraie cuisine. Et être à plusieurs. Avec l’AMAP, nous avons commencé à cuisiner ensemble, à faire de grosses soupes.”
Toutes les initiatives ne fonctionnent pas forcément. “Au début, on partageait les courses. Moi j’ai toujours acheté bio et en vrac. Ce n’était pas dans les habitudes de mes colocataires. On a fini par séparer les courses. Et nous n’avons pas réussi à passer au zéro déchet. Cela demande du temps et de l’organisation. Hélène était très intéressée. Mais trop prise par son travail, elle n’a pas réussi à le mettre en place. On s’est limité à bien trier nos déchets.
“Tout dépend de ce qu’apporte chacun : Thomas savait repérer les meubles abandonnés auxquels donner une seconde vie, il avait la main verte et il cuisinait. Quand il est parti, cela a changé pas mal de choses dans la colocation.”
Nouvelle éco-colocation, nouvelle vie ?
Aujourd’hui, Leslie s’est lancée dans une nouvelle aventure, toujours avec une dimension éco-colocative. Ayant emménagé avec son compagnon, ils ont bien sûr repris les habitudes de la Botza’casa dans leur nouvelle maison: AMAP, tri des déchets, mais aussi extinction du frigo en hiver. “Nous avons mis la nourriture sur les rebords des fenêtres qui sont assez larges et ça a très bien fonctionné.”
Autre nouveauté, le troc. “J’ai testé une application de dons d’objet entre particuliers. J’ai trouvé des millions de choses à donner dans la maison. En échange, j’ai récupéré d’autres objets dont nous avions besoin comme des tringles à rideaux, un robot-mixeur. On a donné beaucoup de jouets avec lesquels les enfants ne jouaient plus. On a fait plein d’heureux comme ça.”
Côté colocataires, c’est aussi une nouvelle aventure. Leslie et son compagnon ont déjà accueilli un couple en colocation, Pierre et Camille. Si Pierre a payé son loyer en numéraire, Camille, en reconversion professionnelle a fait du woofing. « Nous devions refaire la peinture du salon et cela prenait du temps. En échange du logement, Camille nous a donc aidé à repeindre le salon. »
Pierre et le compagnon de Leslie, eux, expérimentent maintenant le coliving. Ils travaillent ensemble à un projet de plateforme web mettant en jeu innovation frugale et intelligence collective pour créer des technologies demandant peu de moyens. La preuve que l’éco-colocation ne s’arrête pas aux portes de la maison mais donne envie de changer le monde !
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Crédit photo : Samuel McGinity