La colocation intergénérationnelle ou le bonheur du vivre ensemble

Colocation
colocation intergénérationnelle

La colocation intergénérationnelle : un seul concept pour résoudre deux problèmes ? Elle permet en effet de résoudre deux problèmes majeurs : l’isolement des seniors et le logement des étudiants et des jeunes actifs.

Venu d’Espagne, le concept se développe en France depuis une vingtaine d’années. Le principe ? Un senior accueille chez lui un jeune, en échange d’un loyer modeste et de quelques services.

Depuis 2018, la loi ELAN régule la cohabitation intergénérationnelle. Elle « permet à des personnes de soixante ans et plus de louer ou de sous-louer à des personnes de moins de trente ans une partie du logement dont elles sont propriétaires ou locataires dans le respect des conditions fixées par le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire prévu à l’article L. 631-17 du code de la construction et de l’habitation, afin de renforcer le lien social et de faciliter l’accès à un logement pour les personnes de moins de trente ans. » – Loi ELAN Art. L. 118-1.

Quels sont les avantages ? Les inconvénients ?  Le concept séduit-il les seniors et les jeunes ?

 

Colocation intergénérationnelle : des avantages … pour toutes les générations

Pour les seniors

Les seniors ont différentes motivations, explique Mélanie Slufcik, fondatrice d’un site dédié à la colocation intergénérationnelle. Ils cherchent d’abord « à arrondir leurs fins de mois. » Mais le caractère économique n’est pas le seul attrait d’autant plus que le loyer demandé au colocataire, rappelle la loi, doit être modeste.

La colocation intergénérationnelle renforce le lien social. Aujourd’hui, les générations vivent séparées. La colocation intergénérationnelle lutte contre la solitude des seniors. Ce mode de vie permet des moments de partage, explique Mélanie. Un café, un repas avec leur colocataire, une balade…

C’est d’ailleurs un besoin humain fondamental. En effet, une étude de Harvard montre que vivre entouré permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Les octogénaires les plus heureux et les plus en forme, physiquement et mentalement, sont aussi ceux qui ont été et sont les plus connectés socialement à leur famille, leurs amis, leur communauté.

Enfin, la colocation intergénérationnelle rassure les familles. Les personnes âgées sont en effet plus vulnérables aux accidents. Avec la colocation intergénérationnelle, le senior n’est plus isolé, en cas de problème ou d’accident. Sans oublier que vivre à plusieurs permet d’alléger les charges du quotidien : sortir les poubelles, préparer les repas et faire les courses, s’occuper des tâches ménagères …

 

Pour les jeunes

Côté jeunes, la priorité est de trouver un toit. Qui, de préférence, leur ouvre droit aux APL. « Ces jeunes ne veulent pas vivre en résidence étudiante ou dans un cagibi, explique Mélanie. Ils sont à la recherche d’un hébergement de qualité. ils veulent leur chambre, mais aussi l’accès à un salon, à une vraie cuisine. Avec la colocation intergénérationnelle, la surface pondérée peut dépasser les 100 m2 . Et le loyer reste modeste » explique Mélanie. C’est la raison pour laquelle la colocation intergénérationnelle séduit les étudiants.

Les besoins ne sont pas uniquement matériels. Les jeunes colocataires, parfois loin de chez eux et de leur famille, sont heureux de retrouver une présence en retrant. Surtout s’ils arrivent dans une ville où ils ne connaissent encore personne. Les familles des jeunes, elles aussi, sont rassurées que leurs enfants ne vivent pas seuls.

 

Les défis des colocations intergénérationnelles… et leurs solutions

Surmonter les différences générationnelles

L’humain prédomine au cœur de la colocation intergénérationnelle. Car il ne s’agit pas uniquement de partager un toit. Ce sont de vrais moments de vie ensemble.

Véronique, 64 ans, est devenue une adepte. La différence d’âge lui semble même un avantage : « L’une de mes amies s’est mise en colocation avec un ami proche. Hé bien, ce n’est pas aussi évident que ce que je vis avec mes jeunes colocataires. Elle a dû faire beaucoup de concessions. Moi, je suis chez moi et je ne me sens pas envahie. »

Ce qui fonctionne, selon elle : « Très vite, mes colocataires connaissent mes habitudes : je travaille beaucoup dans le salon. Il y a mon ordinateur, j’y dîne aussi, parfois en regardant la télévision. Mes colocataires s’en arrangent : un colocataire venait même s’installer dans le canapé avec son ordinateur et son casque. Et nous prenions souvent nos repas ensemble. »

Enthousiaste, Véronique a même converti sa mère de 94 ans à la colocation intergénérationnelle. «Cela lui plaît d’avoir de la présence à la maison, de savoir qu’il y a des jeunes qui sont là ».

 

Gestion des espaces communs et de la vie quotidienne

Accueillir un colocataire chez soi, c’est partager son espace. Donc ses habitudes, une partie de son intimité. Le locataire cherche aussi à se sentir chez lui. Comment résoudre ce paradoxe ? De façon très pragmatique. Avant l’installation, jeunes et senior discutent de l’organisation du quotidien. Cela inclut le temps de présence du colocataire. Mais aussi les besoins du senior, l’utilisation des lieux communs…

Ils peuvent être accompagnés par une structure spécifique comme Colibree : « Nous les conseillons, leur rappelons ce qu’ils peuvent demander ou pas… » Notamment en ce qui concerne l’organisation des espaces communs, le partage des tâches, le respect de la vie privée. « Mais ce sont surtout des échanges entre eux, au quotidien. Car ce sont eux qui décident de ce qu’ils font. »

Certains décident de signer des chartes de cohabitation.

 

Comment résoudre les conflits ?

La charte prévient ou résout un certain nombre de litiges. En cas de problèmes plus sérieux, la structure d’accompagnement peut arbitrer. S’il n’y a aucune solution possible, chaque partie peut demander la rupture du contrat en respectant le préavis d’un mois.

Les deux parties peuvent, sinon, procéder à la requalification du contrat de colocation intergénérationnelle  :

  • en contrat de location meublée : c’est le cas si l’un des co-contractants ne respecte pas les conditions d’âge, ou si le logement n’est pas leur lieu de résidence principale.
  • en contrat de travail. C’est le cas si les menus services demandés au locataire dépassent 12 heures de travail par semaine. Ou s’ils recouvrent des activités règlementées dans le cadre de la prise en charge d’une personne âgée dépendante (aide à la toilette, prise de médicaments…) qui ne font pas partie de la loi ELAN. 

 

Comment réussir sa colocation intergénérationnelle ?

Mettre en place une cohabitation intergénérationnelle harmonieuse 

Toute colocation intergénérationnelle repose d’abord sur une adéquation entre les attentes du senior et du locataire. Cela implique beaucoup d’échanges, de discussions pour se comprendre, se mettre d’accord. Il est nécessaire de prendre le temps pour voir si l’on s’entend bien. Mais aussi de mettre en place des règles claires et acceptées par les deux parties. Pas de panique ! Les questions sur l’organisation du quotidien se posent assez rapidement. Et rien n’empêche les ajustements dès les premiers mois de cohabitation.

Enfin, l’un des secrets d’une colocation intergénérationnelle réussie est de parler, d’échanger. Il faut exprimer ce qui va, mais aussi ce qui ne fonctionne pas afin de trouver une solution.

 

Quel est le rôle des organismes de soutien ?

Comment être sûr de former le bon binôme ? Colibree, Colette mais aussi des associations comme 1 toit 2 générations en ont fait le cœur de leur activité.

D’abord, par le matching, l’adéquation entre l’offre et la demande. Il s’agit de logement et l’emplacement est le point de départ ! Le digital est un outil formidable. Mais il est nécessaire, insiste Colibree, de faire le ménage parmi les faux profils. Ces derniers risquent de briser la confiance des seniors. En effet, s’il est beaucoup question de colocation intergénérationnelle aujourd’hui, nombre de seniors sont encore méfiants, souligne Alexandre Faure, analyste de la silver economy.  

« La rencontre est le plus souvent organisée par une association ou une entreprise afin de réunir toutes les conditions nécessaires à une cohabitation conforme aux attentes du jeune, du senior et des familles et surtout de sécuriser le processus. » Leur objectif est bien sûr la pérennisation de ce type de cohabitation à travers la formation de binômes cohérents et solides en recherchant des colocataires compatibles. 

Une fois le binôme formé, elles deviennent un tiers de confiance, vers lequel les colocataires peuvent se tourner. « Nous suivons nos clients et sommes accessibles tout le temps » rappelle Mélanie.

Ces structures peuvent prendre en charge le volet administratif de la colocation (bail, suivi des règlements, état des lieux, gestion de la fin de bail) pour faciliter la cohabitation intergénérationnelle.

 

Les limites de la colocation intergénérationnelle

La loi Elan est claire : elle ne concerne que des personnes de 60 ans et plus et des jeunes de moins de 30 ans.

Or dans la réalité, la cohabitation intergénérationnelle s’étend au-delà de ces limites d’âge. L’intergénérationnel, c’est mélanger des générations différentes dans un même logement : des quinquagénaires avec des trentenaires, des étudiants qui habitent avec des quadragénaires. Avec de belles expériences à la clef. La colocation intergénérationnelle ne concerne donc pas uniquement les retraités et les étudiants.

Les jeunes seniors, les personnes en reconversion qui ont besoin de se loger loin de chez eux, le temps de leur formation sont aussi intéressés… Ce sont autant de colocataires potentiels de moins de 60 ans ou de plus de 30 ans. D’autant plus qu’une partie des seniors plus âgés restent méfiants face à la cohabitation intergénérationnelle. Élargir le  cadre de la loi permet de diffuser une culture de la colocation et convaincre les seniors de demain du bien-fondé de la cohabitation intergénérationnelle.