Le coliving, un concept mais des expériences très variées

Flatmates, La Casa, The Collectives, WeLive… autant d’expériences de coliving différentes. Comment s’y retrouver ? Virginia Scapinelli est architecte et consultante en innovation chez Stonup, un cabinet de conseil stratégique en immobilier. Elle aide ses clients à analyser le concept du co-living, le comprendre et savoir comment s’y adapter. Elle décrypte pour COOLOC les nouvelles formes du coliving.
Les trois piliers du co-living
Stonup a produit plusieurs études sur le coliving. “Nous avons identifiés cinq formes de co-living qui répondent aux besoins de différents utilisateurs » explique Virginia.
Pour établir ces typologies, Stonup a étudié une centaine d’expériences de coliving dans le monde, analysées selon les 3 axes :
- L’espace : comment se répartit l’espace entre parties privées et communes ? Dans le coliving, on remarque que l’espace privé se réduit en faveur de l’espace partagé avec les autres utilisateurs.
- Les services : quels sont les services distribués ? Fourniture du mobilier, équipements divers (électricité, chauffage, internet) ? Services additionnels (laverie, commande de paniers bio…)?
- La communauté : qu’est-ce qui est mis en place pour favoriser le caractère communautaire du co-living? Quels sont les outils digitaux mis en place pour favoriser les échanges entre membres et faire remonter les problèmes ? Qui fait vivre et anime la communauté au quotidien ?
Les cinq formes du coliving
A travers ces trois axes, Stonup identifie 5 typologies qui dessinent les grandes tendances du coliving. Aucune n’est totalement figée. Chaque expérience est toujours un mélange à proportions variables de ces différentes formes.
Cost oriented
C’est la typologie la plus ancienne. Celle qui a donné naissance au coliving au début des années 2 000 à San Francisco, avec, par exemple les Hacker Houses. Les ingénieurs qui travaillaient dans des start up, ne trouvaient pas de logement à faible coût alors qu’ils étaient assez peu fortunés. Ils ont commencé à se regrouper dans des sortes de dortoirs, un peu sur le modèle des hostels, pour du moyen ou du long terme. De plus ils profitaient de l’ambiance, de l’esprit communautaire, de l’entraide. C’est un peu comme ça qu’est né le coliving tel qu’il existe aujourd’hui.
Dans cette typologie, les espaces privés et les services sont réduits au minimum. Il n’y a pas forcément de chambre individuelle, mais on partage beaucoup. Le sens de la communauté y est très fort.
Lifestyle
A l’opposé, on trouve la typologie Lifestyle. Elle s’adresse à des personnes ayant un fort pouvoir d’achat. Son utilisateur aime les belles choses, prend sans cesse des photos pour les poster sur Instagram. Tout doit être joli, cool, design. Il veut profiter d’un lieu de vie moderne, plein de services. Il se consacre à ce qui l’intéresse, plutôt que de s’occuper de la lessive ou de réparer la connexion internet. L’offre de services y est très importante. Et les espaces partagés sont attrayants : piscine, terrasse design…
Mobility oriented
Il s’agit des grands co-livings, qui conviennent aux professionnels, actifs, en mobilité. Parce qu’ils permettent un accès facile au logement. A Paris, ou à New-York, je n’ai pas toutes les garanties pour trouver un logement. Avec le co-living, j’accède rapidement à un logement sans avoir besoin de préparer tout un dossier. La question du partage, de la communauté, est plus superficiel. Les utilisateurs ont besoin d’un lieu commode, où ils peuvent être en transition.
Community oriented
Il existe différents exemples de coliving fondés sur la communauté. Par exemple Tech Farm, en Suède. Il s’agit de grosses maisons avec une vingtaine de personnes qui vivent ensemble. Pour que la communauté fonctionne bien, on ne peut pas se permettre d’avoir des implantations avec des centaines de personnes comme chez We Live ou The Collective. Même si ces derniers ont essayé, on se rend compte, à travers les retours d’expérience que ce n’est pas facile de garantir des échanges et des rapports riches et constructifs dans un co-living de cette ampleur.
En revanche, cela fonctionne beaucoup mieux dans les coliving de moyennes ou de petites tailles, qui ne comptent pas plus d’une dizaine de personnes.
La communauté, dans certains co-living, est une valeur très importante. C’est même la condition pour accéder au logement. Certains ont mis en place un processus de sélection à l’entrée. Les candidats doivent remplir un questionnaire en ligne : pourquoi je veux habiter là? quels sont mes centres d’intérêts ? mes valeurs ?…
Dans le coliving La Casa, les gens se rassemblent autour de thèmes spécifiques. Le choix des futurs habitants est assuré par ceux qui habitent déjà sur place. Les résidents organisent une journée portes ouvertes pour recevoir et rencontrer les personnes intéressées par la chambre qui est libre. Et ils vont prendre la décision ensemble.
Dans la plupart des expériences de coliving, la tendance est de mettre en avant l’aspect communautaire, mais les opérateurs tâtonnent encore un peu pour le concrétiser. On teste des solutions pour favoriser la communauté et faire en sorte que les gens s’entendent bien.
Work oriented
C’est la typologie qui permet aux utilisateurs de se retrouver autour d’un projet professionnel. Avoir un espace de co-working dans le bâtiment qui abrite le co-living est alors déterminant.
Coliving, des expériences qui attirent les acteurs de l’immobilier
De la start-up aux grands groupes immobiliers, le co-living est devenu incontournable. Mais chacun a des impératifs différents explique Virginia. Pour les start-up, la question fondamentale est de trouver les opportunités dans le foncier. C’est ainsi qu’en quelques années, les start-up Commons et Cohab se sont imposées comme les principaux réseaux de sites de co-living.
Les grands groupes du bâtiment ont un impératif de rentabilité. Ce qui explique l’émergence de gros projets de coliving dans des immeubles. Certes, au niveau humain, le co-living de taille moyenne fonctionne mieux dans de petites structures rappelle Virginia, mais la rentabilité est moins importante.
Quoiqu’il en soit, remarque Virginia, “tout le monde est en phase de test. Le marché est tellement embryonnaire qu’on ne peut pas dire quelle est la recette qui fonctionne”.
Le coliving va évoluer vers des positionnements très différents et proposer des expériences variées selon les publics auxquels il s’adresse. On peut déjà imaginer des formes de coliving pour les familles, les divorcés, les familles monoparentales, les seniors… Certains acteurs réfléchissent déjà à des coliving pour les HLM, s’adressant à des populations à faibles revenus.
Chez Stonup, les choses sont claires. “Nous sommes convaincus que le marché va croître. On le voit déjà au montant des investissements. Medici Living Group qui a lancé Quarters a récemment levé plus d’1 milliard d’euros. Et on compte beaucoup d’acteurs plus petits. Tous les indicateurs montrent qu’il y a une évolution positive.”
Pour tout savoir sur les tendances de la co-location, consultez la rubrique “Logement” du blog de COOLOC. Et inscrivez-vous à la newsletter pour ne rater aucun article !
Crédit photo : Samuel McGinity