Le coliving, ce concept juridique encore flou

Juridique
le coliving, un concept encore flou sur le plan juridique

C’est un sujet en vogue mais le coliving reste un concept flou… sur le plan juridique. A quels règlements les opérateurs doivent-ils se soumettre ? Quel statut juridique pour encadrer ces logements d’un nouveau genre ?

 

Qu’est-ce que le coliving ?

Si le flou est juridique, dans les faits, opérateurs, propriétaires ou colivers savent exactement de quoi il s’agit.

Le coliving, c’est avant tout un habitat partagé, géré par un propriétaire ou des opérateurs spécialisés. En plus de la colocation, le coliving propose de nombreux services (un service de nettoyage, une assistance numérique, parfois des cours de cuisine, une salle de sport ou de cinéma…) Ce qui explique que les loyers de coliving soient plus élevés que ceux des colocations traditionnelles.

Le coliving séduit étudiants et jeunes actifs, qui peuvent avoir du mal à se loger dans les grandes villes. Il attire aussi des expatriés de courte durée dans des villes comme Londres ou Bruxelles, mais aussi Paris, Marseille ou Reims.

En passant par des opérateur comme Colonies ou Cohabs, en Belgique, le coliving  résout aussi la question de la recherche de logements. En quelques clics, vous pouvez retenir votre future chambre pour la durée qui vous convient. Les colivers n’ont plus qu’à arriver et à – littéralement – « poser leurs valises ».

Les avantages sont également du côté des bailleurs. Par exemple, en Belgique, le coliving propose davantage de chambres que dans le logement prévu initialement. Ce qui signifie une meilleure rentabilité pour le propriétaire.

 

Une multiplication de l’offre

Est-il étonnant que l’offre de coliving se multiplie ? En juin, la ville de Bruxelles recensait 164 colivings soit 1510 chambres. Un nombre qui ne cesse d’augmenter.

Les géants du bâtiment, les Bouygues et autre Vinci investissent également dans le coliving. Le modèle a donc tendance à évoluer. En plus des maisons de ville de départ, le coliving évolue vers de grandes structures, rassemblant un maximum de chambres et d’espaces communs, comme Flatmates, le coliving dédié aux entrepreneurs de Station F, ou Ecla à Palaiseau.

 

La prise de conscience des élus

Le concept de coliving est donc dans l’air du temps. Facile d’accès, s’appuyant sur la mutualisation des coûts, il a tout pour plaire.

Tout ou presque. A Bruxelles, l’inquiétude grandit au fur et à mesure que les projets se multiplient. La multiplication des lieux de coliving accentue la crise du logement. Dès que le concept de coliving est évoqué, les prix pratiqués sont, en moyenne plus élevés qu’en colocation. Elle accentue également la spéculation immobilière. La concurrence lors de la mise en vente d’hôtels de maître devient impossible en raison des projets de coliving.

Les conséquences sont aussi sensibles dans les quartiers concernés. « Initialement, on a entendu parler de ce type de projets par des plaintes de voisinage, raconte Thi-Tiên Trân, porte-parole de l’échevine de l’urbanisme bruxelloise Ans Persoons. Car quand on passe d’une maison unifamiliale de quatre chambres à un seize-chambres, ce n’est pas rien. Ce genre de logements peut modifier la nature de certains quartiers.” De plus, certaines maisons peuvent passer de 4 chambres initiales à 16. « Avec un tel nombre de chambres, on est aux limites de ce qu’on appelle l’habitabilité » remarque Catherine Morenville, élue de Saint Gilles à proximité de Bruxelles.

Et les pouvoirs publics se sentent un peu démunis. En Belgique, diviser une maison pour la transformer en plusieurs appartements nécessite un permis. Mais il n’en va pas de même pour créer des chambres supplémentaires dans une habitation. Or, estime Catherine Morenville, “pour nous, au-dessus de six ou sept chambres, on est plus proche d’un projet hôtelier. Cela devrait nécessiter un changement d’affectation.”

 

Des défis liés à la nature du coliving

En France, les mêmes questions peuvent se poser. Mais l’approche est différente. « Il faut savoir se rapprocher des pouvoirs publics, préconise Julien Morville, cofondateur de Sharies. Ils sont plutôt à l’écoute et aiment porter ce genre de produits. » Un produit qui participe à l’attractivité du territoire estiment les élus.

Cela ne va pourtant pas sans difficultés reconnaît Julien Morville. A la fois résidence de colocation, coworking, fonctions auxquelles peuvent s’ajouter des activités commerciales, le coliving reste un concept inclassable. Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes de réglementation.

 « Nous avons beaucoup de problématiques sur les questions de sécurité incendie et de destination car les législations se contredisent. Le nouveau code de l’urbanisme prévoit la catégorie hébergement pour le coliving, sauf que la majorité des PLU de France ne l’ont pas encore traduit » note François Roth, cofondateur de Colonies. « Une fois que nous avons coché la bonne case dans le permis de construire déposé, les pompiers ne valideront pas forcément la sécurité incendie. Nous avons des situations où nous sommes classés en habitation, mais avec les contraintes de sécurité incendie de l’ERP (Établissement Recevant du Public). »

D’un point de vue juridique, d’ailleurs, la question n’est pas claire. Le coliving a-t-il besoin d’un cadre juridique spécifique interrogent les avocates Sidonie Fraiche-Dupeyrat et Chloé Tomeo? « Sur le terrain de l’urbanisme, certainement, car les dispositions d’urbanisme applicables sont déterminées principalement au niveau local et marquées, de ce fait, par une grande hétérogénéité sur le territoire ce que ne permet pas un traitement harmonieux de ce produit. Mais pour le reste les outils existants, tant juridiques que fiscaux, permettent suffisamment de répondre aux attentes des acteurs du coliving, étant précisé toutefois que certaines réglementations spécifiques comme par exemple celle relative aux Etablissements Recevant du Public pourraient mieux appréhender cette nouvelle classe d’actifs. »

 

Penser à l’avenir des immeubles de coliving

Le devenir des bâtiments est également une préoccupation signale Julien Morville. « Nous appréhendons la réversibilité, qui est un sujet clé pour nos investisseurs. Il faut que ce soit un produit pérenne dans le temps, qui puisse amener à évoluer »

Les usagers du coliving peuvent changer. Au-delà des jeunes actifs, il peut attirer à terme des seniors ou des familles. Cohabs, à Bruxelles, propose déjà des chambres pensées pour les familles monoparentales. « Ce sont autant de réversibilités à appréhender », conclut le fondateur de Sharies.

Penser les évolutions en amont devient nécessaire. Ce qui implique de faire des choix. « Il est toujours plus simple de faire des chambres de 9 m², plutôt que de 12, comme il est toujours plus simple de faire une isolation en BA13, plutôt que d’adopter la dernière isolation phonique, avoue François Roth. Sauf que cela ne marche pas sur des stratégies de 10, 20 ou 30 ans. Pour penser aux usages, il faut savoir sortir de l’Excel. La logique économique s’améliorera quant à elle sur un temps long, ce qui évitera d’avoir des mauvaises surprises dans le futur. »

 

Encadrement juridique du coliving

Une réglementation spécifique pour ce type de produit apparaît donc nécessaire. En Belgique, le nouveau Règlement Régional d’Urbanisme (RRU), prévu pour 2023, inclura des normes spécifiques à la colocation et/ou au coliving. Concernant la région de Bruxelles-Capitale, l’Arrêté du Gouvernement du 12 décembre 2002 sera modifié. Il prendra en compte le cas de la transformation d’un bien en colocation et/ou coliving à titre d’acte de changement d’utilisation soumis à permis d’urbanisme.

Les communes qui ont vu les colivings fleurir comme Bruxelles, mais aussi Ixelles ou Saint-Gilles, ont d’ores et déjà édicté des recommandations qui s’imposent aux opérateurs pour pouvoir réaliser un coliving.

Avec une réglementation adaptée, le concept de coliving est sur la voie de la normalisation réglementaire. Une nouvelle preuve que le vivre ensemble est une tendance de fond ?

 

Pour tout savoir sur les aspects contractuels et légaux de la co-location, consultez la rubrique “Juridique” du blog de COOLOC. 

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