Permaculture ou les principes d’une agriculture durable et saine

Les principes de la permaculture seraient-ils la solution pour nourrir sainement la population ? Inconnue il y a 15 ans, la permaculture semble être la solution la plus durable pour une agriculture durable. Mais de quoi s’agit-il ?
Selon l’un de ses fondateurs, Bill Mollison, il s’agit d’une « démarche de conception éthique visant à construire des habitats humains durables en imitant le fonctionnement de la nature. »
Pour Perrine Hervé-Gruyer, la permaculture impose de « travailler selon le temps de la nature, et non celui que la société nous impose ». Avec son mari Charles, elle fait partie des pionniers dans leur ferme du Bec Hellouin. Bonne nouvelle : la permaculture s’adapte même aux plus petites surfaces. Un principe idéal pour qui veut reprendre son alimentation en main.
La permaculture ? « Un bond en avant »
COOLOC : Comment êtes -vous arrivés à la permaculture ?
Perrine Hervé-Gruyer : Nous y sommes arrivés par hasard. Nous avons commencé la ferme en 2006. Mais nous n’avons découvert les principes de la permaculture que fin 2008 en lisant un article, envoyé par un ami sur la micro-agriculture bio-intensive aux États-Unis. A l’époque, il n’existait rien en français, ni livre, ni article. Au contraire, dans les pays anglophones la permaculture s’était déjà bien développée depuis les années 70-80, dans l’agriculture et le maraîchage.
Cela nous a semblé une idée assez géniale. Nous sommes allés à la recherche d’informations qui à l’époque n’existaient qu’en anglais et nous avons appliqué ces principes sur la ferme.
Nous avons toujours été dans la logique de produire de la nourriture à petite échelle sans pétrole. Dès nos débuts, sans le savoir, nous avons appliqué des principes de permaculture, qui, pour nous relevaient du simple bon sens. Il nous a fallu quasiment 10 ans pour re-designer progressivement la ferme selon les principes de la permaculture. Cela nous a fait gagner en temps, en productivité, et même en esthétique, ce que l’on oublie trop souvent.
Une activité qui reste chronophage
Il ne faut pas croire pour autant que la nature fait tout le travail, une fois que tout est mis en place. Je vois beaucoup de jeunes qui s’embarquent avec cette idée et sont justes atterrés du volume de travail qu’il faut fournir. Le maraîchage reste une profession super difficile. Cela demande beaucoup de temps de produire des fruits et des légumes, des aliments sains et variés, même si les gens ne s’en rendent pas compte quand ils les achètent. Surtout quand on fait tout à la main comme nous, puisque nous avons décidé de ne pas être motorisés du tout.
La permaculture est une grande valeur ajoutée. A la ferme, nous avons fait un bond monstrueux depuis que nous avons passé la ferme au crible des principes de la permaculture.
Qu’est-ce que la permaculture ?
COOLOC : De quoi la permaculture est-elle le nom ?
Perrine Hervé-Gruyer : La permaculture n’est pas une super méthode de jardinage ou de maraîchage, même si c’est souvent compris comme ça.
La permaculture repose sur le principe de biomimétisme. C’est un ensemble de principes qui rendent un système d’agriculture plus performant. Tout dépend des règles et du fonctionnement de la nature. Il s’agit de comprendre comment les choses peuvent se mettre en place pour qu’émergent des interactions que nous, humains, ne saurions pas faire par nous-mêmes.
Concrètement, nous mettons en place des aménagements écosystémiques. Et grâce à cela, nous économisons de l’eau, de l’énergie – fossile et humaine. Nous créons des interactions positives entre les plantes, qui s’entraident et se protègent des maladies.
La permaculture : quelques principes
COOLOC : Quels sont ces grands principes de la permaculture ?
Perrine Hervé-Gruyer : Il existe une vingtaine de grands principes de base.
Il faut faire petit.
C’est essentiel. Si on veut voir intervenir les relations écosystémiques, cela ne sert à rien de les étendre sur des hectares. Il vaut mieux avoir un système d’interactions très riche à toute petite échelle pour que les interactions soient très intéressantes. Cet écosystème va se répercuter sur les écosystèmes voisins. Cela produira une mosaïque de petits écosystèmes.
Utiliser le moins d’énergies possibles
Par exemple, pour rationaliser l’énergie humaine, on utilise « le zoning ». On place les légumes qui ont besoin de plus de soins, de plus d’attentions aussi près que possible des endroits où nous nous tenons le plus souvent. Cela permet d’y jeter un coup d’œil et de leur donner un petit coup d’arrosage quand ils en ont besoin.
Les déchets des uns sont les ressources des autres
C’est le principe de base sur lequel s’est construit l’économie circulaire. Il n’y a jamais de gâchis, car tout est recyclé au maximum dans un système. Dans une ferme, ce qui vient du sol retourne au sol. En termes de déchets organiques, végétaux, il n’y a jamais de pertes.
On peut appliquer les principes de la permaculture à l’entreprise. C’est plus complexe, mais c’est possible. L’important est de recycler, de réutiliser jusqu’au bout pour éviter la génération de déchets.
Chaque élément du système remplit plusieurs fonctions
Et chaque fonction du système est assurée par plusieurs éléments. Dans le système que représente la ferme, tout ce qui compose la ferme est un élément : le maraîcher, les animaux, les arbres…. Chacun de ces éléments remplit plusieurs fonctions. Quand je plante un arbre, je vais à chaque fois me poser la question : au-delà de donner des fruits, que fait-il d’autre ? Il fournit de la matière organique avec l’humus. Il peut créer du fourrage en place car les animaux vont aller grappiller quelques fruits, des bouts de branches. Par définition, un arbre, c’est une pompe à eau et minéraux qu’il va aller chercher profondément dans le sol avec ses racines. Par le jeu des micro-organismes du sol, cet arbre va pouvoir échanger les bonnes bactéries et les bons champignons avec les plantes qui poussent dans son voisinage. Il va aussi créer de l’ombre pour les animaux, l’été.
Le même raisonnement prévaut pour chaque élément de la ferme, qu’il s’agisse de créer une mare pour récolter l’eau de pluie ou des animaux qui vivent à la ferme.
La comparaison avec la co-location est vite faite. C’est aussi un système où chaque élément a plusieurs fonctions. Chacun, dans la co-location, a un ou plusieurs rôles. C’est ainsi que le système fonctionne et s’épanouit.
La permaculture à la campagne
COOLOC : Comment adapter la permaculture au terrain, au climat … sur lequel on est ?
Perrine Hervé-Gruyer : La permaculture donne des grands principes, des métarègles. C’est assez génial, mais un peu déstabilisant. Les jeunes porteurs de projet veulent des recettes toutes faites au gramme près. Ils ne vont pas avoir la créativité de regarder comment est leur sol, ou si le climat est plus humide chez eux que là où ils ont appris les principes. C’est là qu’est l’erreur.
Nous avons donc sorti un gros bouquin dans lequel nous avons fait le point sur tout ce que nous avons trouvé pendant ces 15 ans. L’avantage de notre méthode, c’est qu’elle donne les grandes règles. Mais nous proposons aussi des alternatives en fonction du sol, du climat, de la présence -ou non – d’animaux, de ce qui s’est passé sur le terrain auparavant… A partir de là, c’est à vous de jouer la gamme des déclinaisons. C’est toujours un peu délicat pour les novices qui aiment se rassurer avec des règles toutes faites. Et cela se comprend.
La permaculture… en ville ?
COOLOC : Peut-on envisager de la permaculture en ville ?
Perrine Hervé-Gruyer : On ne met pas un terrain en permaculture, mais on le cultive selon les principes de la permaculture. On peut donc tout à fait faire du jardinage sur son balcon selon ces principes. Chaque petit pas compte. Mettre un pot de tomates cerise sur son balcon pour que ses enfants grappillent et connaissent le vrai goût de la tomate, c’est un début. Si on est dans un environnement très pollué, il suffit de les laver dans l’eau vinaigrée pour enlever la pollution résiduelle.
Chaque petit pas est essentiel. Même mettre un pot de basilic sur le rebord de sa fenêtre est un premier pas. Il n’y a pas besoin d’être hyper militant. Au-delà de l’intellect, il est important de nouer une relation avec le vivant, pour son propre bien-être. On a oublié ces réalités à force de vivre à des rythmes de dingues. C’est une façon de se reconnecter. Même si on n’arrive pas à faire autre chose, c’est déjà important.
Dans une co-location, il est tout à fait envisageable d’avoir un jardinet partagé avec des tâches définies en fonction des possibilités de chacun. Qui fait quoi quand pour éviter de zapper l’arrosage ou de laisser les fruits pourrir en place parce qu’on a oublié de récolter. Ça s’organise en commun et cela vaut vraiment la peine. On apprend les uns des autres également et on grandit ensemble.
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Crédit photo : Ferme du Bec Hellouin